Législatives : Emmanuel Macron va suivre les investitures « comme le lait sur le feu »

Législatives : Emmanuel Macron va suivre les investitures « comme le lait sur le feu »

A peine réélu, Emmanuel Macron a besoin d’une majorité pour gouverner et ne pas avoir les poings liés. Le scrutin de juin s’annonce crucial à cet égard. « Le Président aura un œil attentif » racontent les parlementaires LREM, au point d’éplucher personnellement la liste pour les investitures. La place des alliés Modem et Horizons va compliquer les choses. « Il y aura un peu de cuisine, mais je pense que le plat sera beau », espère le député LREM Roland Lescure.
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En politique, une élection peut souvent en cacher une autre. A peine la présidentielle passée avec la réélection d’Emmanuel Macron, tous les esprits se tournent déjà vers les législatives des 12 et 19 juin. Dimanche soir, au Champ-de-Mars, où les soutiens du chef de l’Etat étaient rassemblés, les ministres ne s’y trompaient pas. « La bataille des législatives se joue à partir de demain », prévenait le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Clément Beaune.

Si le scrutin est dans sept longues semaines, les choses vont en réalité aller très vite du côté des investitures. Il n’y a pas de temps à perdre pour mener campagne et transformer l’essai. Car Emmanuel Macron a besoin d’une majorité solide à l’Assemblée nationale pour mener ses réformes. Puisqu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le chef de l’Etat va mettre la main à la pâte. Il va s’occuper personnellement de la guest list. Autrement dit, des investitures. Pour l’heure, il n’y a d’ailleurs pas chez LREM de commission nationale d’investiture pour les législatives, contrairement à 2017. Signe que les choses se passeront in fine à l’Elysée.

« Emmanuel Macron prépare une majorité présidentielle qui lui permettra de gouverner »

« Ça paraît logique qu’il suive. Ça ne veut pas dire qu’il va faire passer des entretiens d’embauche à 577 candidats. Mais il va regarder tout ça », reconnaît le député Roland Lescure, porte-parole de LREM. Le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée ajoute : « Il prépare une majorité présidentielle qui lui permettra de gouverner ». Le président de l’Assemblée, « Richard Ferrand, joue un rôle important dans ce processus », détaille le député, aux côtés de Christophe Castaner, patron des députés marcheurs, ou de Stanislas Guerini, délégué général de LREM.

« Je pense que le travail a été fait par le mouvement, il y a des candidats spontanés aussi. Tout remonte au mouvement et sans doute que le Président aura son mot à dire pour faire les choix », confirme François Patriat, président du groupe RDPI (LREM) du Sénat, tout comme le député LREM Sacha Houlié, qui « imagine que le Président aura un œil attentif sur cette question. Il regardera les principaux désignés et les équilibres généraux ». « Il va exercer un certain contrôle », euphémise un habitué du sujet.

Après « une première vague d’investiture » cette semaine, « le reste fera l’objet d’âpres négociations »

Les choses vont se jouer d’ici le début du mois de mai, voire dans les prochains jours. « Dès cette semaine, une première vague d’investiture » sera arrêtée. Elle concernera d’abord les députés sortants. Une source interne espère jusqu’à 250 députés réinvestis, alors que le groupe en compte 267. « Pour le reste, ça fera l’objet d’âpres négociations », lance un député. Une chose est sûre : Emmanuel Macron va suivre ces investitures « comme le lait sur le feu ».

Le travail lui aura été au préalable « prémâché », avec une « préliste ». « Ensuite, ça remontre à l’Elysée ». Un connaisseur de l’animal politique sait déjà comment ça va se terminer : « Il va avoir la liste mercredi ou jeudi, il va prendre les circonscriptions une à une. Il va donner son avis ». C’est ce qu’avait fait Emmanuel Macron en 2017. Après son élection, il avait passé une soirée, et même une partie de la nuit, jusqu’à 3 heures du matin, à éplucher la liste des noms. Ce qui n’a pas empêché quelques erreurs de castings de passer au travers les mailles du filet, comme Joachim Son-Forget ou Martine Wonner.

A la fin, « ça se fera avec Edouard Philippe et François Bayrou »

La place accordée à chacun au sein de la future majorité, entre l’allié fidèle du Modem ou les nouveaux venus d’Horizons, le parti d’Edouard Philippe, sera l’enjeu. A la fin, « ça se fera avec Edouard Philippe et François Bayrou », selon un parlementaire. L’accord sera-t-il facile ? Et les candidats devront-ils se fondre dans un nouveau grand parti démocrate, qu’Emmanuel Macron a esquissé au soir premier tour, mais absent de son discours du second ? « Evidemment il y aura un peu de cuisine, mais je pense que le plat sera beau », prédit Roland Lescure. Tant qu’il n’est pas indigeste. « Il y aura des négociations », mais rien que de très « habituel », ajoute le porte-parole de LREM, qui espère que la « campagne portera sur le fond, plutôt que sur la plomberie électorale ».

Reste qu’on sait déjà qu’Edouard Philippe aimerait avoir un groupe Horizons, dans un esprit de coalition à l’allemande. Tout comme l’ancien ministre du Travail socialiste, François Rebsamen, qui vient de se rapprocher du Président. « Il n’y aura pas un parti qui sera étiqueté unique, […] il y aura une coalition vraisemblablement de plusieurs partis », avec « d’autres formations politiques à côté d’En Marche », a-t-il avancé ce lundi sur BFMTV. Avec « Fédération progressiste (le parti qu’il a créé, ndlr), on va essayer de gagner des sièges », soutient François Rebsamen.

Cette pluralité ne risque-t-elle pas d’être contre-productive ? « Il n’y a pas de place pour les divisions internes », a mis en garde dimanche soir, sur le Champ-de-Mars, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. « Si on veut une démarche collective, il faut jouer collectif. Peut-être que l’intérêt général vaut davantage que les intérêts de boutique », prévient Sacha Houlié… Roland Lescure n’a lui « pas d’inquiétude sur l’unité de la majorité présidentielle ». Le député ajoute cependant que « celles et ceux qui pourraient avoir une ambition légitime pour la suite savent que leur succès est intimement lié au succès du Président ».

« Je suis contre les chapelles, c’est la négation du dépassement » met en garde François Patriat

François Patriat se dit pour sa part toujours « favorable à un grand parti démocrate qui rassemble des gens de sensibilités différentes, qui gardent leur identité, mais qui ont vocation à faire la majorité du gouvernement. Et moi, je ne me projette pas en 2027. Si certains le font, ils ont tort… » lâche le sénateur LREM de la Côte d’Or. Une référence à peine voilée à Edouard Philippe. « Je suis contre les chapelles. C’est la négation du dépassement. On doit être élu majorité présidentielle, pas Horizons, Territoire de progrès, Marcheur ou autre. L’étiquette majorité présidentielle est la meilleure » pour François Patriat, qui ajoute :

Je ne veux pas entendre parler de macronistes de gauche ou de droite. Pour moi, on est juste macroniste.

Selon un député de la majorité, si Horizons « tape un peu du pied » en ce moment, le parti n’aurait plus les moyens de ses ambitions, « car la droite est effondrée et que les gens qui nous ont rallié à droite l’ont fait sans Horizons ». Sans compter sur les résultats du premier tour de la présidentielle, qui remonétisent la gauche et le poids de ses électeurs.

Le deal proposé par Nicolas Sarkozy complique l’équation

Pour compliquer l’équation, il faut ajouter le deal proposé par Nicolas Sarkozy aux députés LR sortants, qui pourraient ne pas avoir de candidat marcheur face à eux, à condition de devenir Macron-compatibles pour la suite. « Nicolas Sarkozy dit qu’il n’y a pas plus d’espace entre Macron et la droite dure. L’idée, c’est qu’il faut être dedans pour s’organiser », raconte un parlementaire à qui l’ancien chef de l’Etat a confié ses desseins.

Lire aussi >> Législatives : indépendance ou rapprochement avec la majorité présidentielle ? LR tiraillé entre deux stratégies

Mais certains, chez LREM, voient d’un mauvais œil ces nouveaux amis potentiels qui se découvriraient subitement une âme de macroniste. « La difficulté, c’est que les députés LR ne le souhaitent pas et ceux de la majorité ne le souhaitent pas non plus », selon Sacha Houlié. Le député LREM de la Vienne doute du projet sarkosyste : « On verra, mais ça me semble surprenant de devoir intégrer des personnes qui ont été en opposition frontale ».

« On va faire en sorte de trouver un bon équilibre entre tout le monde »

Le cas Sarkozy mis à part, un connaisseur de la majorité pense qu’après quelques crispations, tout se terminera pour le mieux. « On va faire en sorte de trouver un bon équilibre entre tout le monde », croit ce parlementaire. « L’unité l’emportera sur le reste », assure aussi Roland Lescure.

SI un accord sort du chapeau, encore faut-il – léger détail – obtenir ensuite une majorité et faire mentir Jean-Luc Mélenchon, qui rêve de cohabitation. Un non-sujet, pour François Patriat. « Les Français savent que dans la Ve République, il y a une cohérence entre la présidentielle et les législatives qui ne s’est jamais démentie », rappelle le patron des sénateurs LREM. Il faudra aussi tenir durant les sept semaines qui nous séparent des législatives. « 58 jours de campagne, ça va être long », constate un parlementaire LREM. « Il peut se passer beaucoup de choses, mais de belles choses », croit Roland Lescure, optimiste. Comme dit François Patriat, il faudra « tenir compte du message des Français, ne pas trouver des alliances de circonstance mais une majorité cohérente ». Une liberté conditionnée en somme, pour les futurs députés. Comme aurait dit Henry Ford, au sujet de son mythique modèle, « les gens peuvent choisir n’importe quelle couleur pour la Ford T, du moment qu’elle est noire ».

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