Les collectivités territoriales touchées de plein fouet par la spirale inflationniste

Les collectivités territoriales touchées de plein fouet par la spirale inflationniste

La revalorisation du traitement des fonctionnaires territoriaux s’ajoute désormais à la hausse du prix de l’énergie, et des prix en général, pour les collectivités locales, dont les budgets sont fortement impactés. Les sénateurs demandent un accompagnement de l’État.
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L’inflation n’est pas seulement la hantise des ménages. Les collectivités locales, qui gèrent des cantines scolaires, des crèches, des piscines municipales ou encore des chantiers, subissent également de plein fouet le mouvement d’augmentation générale des prix depuis plusieurs mois. Le renchérissement des factures énergétiques est venu grever les budgets des communes. La revalorisation du point d’indice des fonctionnaires de 3,5 % à compter du 1er juillet, à la suite d’un décret pris par le gouvernement, va, elle aussi, se faire sentir sur les finances locales. Selon le ministère des Finances, qui en a fait l’annonce au Sénat le 8 juillet, la hausse du point d’indice devrait représenter un surcoût d’un milliard d’euros en 2022 pour les collectivités locales. Et environ 2,1 millions d’euros en année pleine, à partir de 2023. Le sujet est potentiellement inflammable, alors le président de la République a rappelé durant sa campagne que ces mêmes collectivités devaient modérer leurs dépenses.

En prise directe avec les élus locaux, les sénateurs sont de plus en plus sollicités sur cette question de la part des maires. Un membre du groupe LR évoque par exemple le cas d’une ville moyenne du littoral atlantique dont les dépenses vont augmenter d’un million d’euros, pour les seules revalorisations de ses agents. L’accompagnement à apporter aux collectivités locales devrait constituer l’un des multiples points d’attention au Sénat, lors des débats sur le budget rectificatif dans trois semaines. « Je ne vois pas la dotation générale de fonctionnement augmenter. La discussion va être rude. Nous demanderons comment rectifier les budgets », annonce le parlementaire.

Plusieurs sénateurs écrivent au gouvernement pour réclamer un accompagnement financier

D’un couloir à l’autre, personne n’échappe au sujet. Le groupe RDSE (groupe à majorité radicale) a demandé par écrit au ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire, de « prendre rapidement en compte les problèmes des collectivités territoriales face à la hausse générale des prix ». Le 8 juin, près de 70 maires de Seine-Maritime, auxquels se sont joints les quatre parlementaires communistes du département, ont adressé une lettre ouverte à Élisabeth Borne pour demander à l’État un accompagnement pour financer le mouvement de revalorisation. « Il ne serait naturellement pas entendable pour nos habitants, confrontés eux aussi à d’importants problèmes de pouvoir d’achat, que cette revalorisation se traduise par une diminution des services publics locaux. Le projet de loi de finances rectificative, qui sera débattu prochainement au Parlement, doit comprendre des mesures en ce sens. »

Selon la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités locales, Françoise Gatel (Union centriste), la nécessité de revaloriser les fonctionnaires territoriaux ne suscite aucun débat. Mais un geste de l’État est attendu, étant donné que la décision lui revenait. « Il ne s’agit pas de dire que l’État doit tout payer. Ce n’est d’ailleurs pas le discours des élus, personne ne croit à l’argent facile. Mais il faut sans doute regarder de près les situations des différentes collectivités, voir celles qui doivent être aidées, accompagnées », plaide la sénatrice d’Ille-et-Vilaine. Et de rappeler : « Les collectivités font plus de 70 % de l’investissement public [civil]. Si elles sont étranglées par leurs dépenses de fonctionnement, elles ne dégageront pas de capacités d’investissement. Et donc, de créations d’emploi. »

Sans coup de pouce supplémentaire de la part de l’État, les contraintes financières pourraient devenir intenables pour les collectivités locales. « Il va y avoir une diminution du niveau de service, on ne pourra pas tenir », redoute Philippe Laurent (UDI), deuxième vice-président de l’Association des maires de France (AMF). Dans un communiqué du 7 juillet, l’association présidée par David Lisnard (LR) a à nouveau appelé à ce que la dotation générale de fonctionnement, versée par l’Etat aux collectivités, soit indexée sur l’évolution de l’inflation.

« Cela fait beaucoup de petits feux »

Outre la progression leurs dépenses de fonctionnement, les collectivités voient également des menaces planer sur leurs recettes fiscales. L’annonce de la suppression dès 2023 de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), cet impôt de production payé par les entreprises, n’est pas pour les rassurer. « Cela fait beaucoup de petits feux », note la sénatrice Françoise Gatel. Derrière la suppression d’un impôt local, les collectivités redoutent toujours que l’État ne compense pas leurs pertes à la bonne hauteur au fil du temps. Françoise Gatel plaide pour un « plan de visibilité de financement » pour les élus locaux.

L’AMF réclame une consultation avec le gouvernement. « On demande qu’il y ait une vraie négociation, et que l’on regarde avec des chiffres précis, les conséquences pour les collectivités et les services publics communaux […] On n’a pas le moindre signe qu’une rencontre de ce type au plus niveau ait lieu », s’inquiète le maire de Sceaux Philippe Laurent.

De son côté, le gouvernement a déjà donné quelques éléments de réponse le 8 juillet au Sénat, lors de l’audition des ministres de Bercy, en amont de l’examen du budget rectificatif. Questionné par plusieurs sénateurs sur la réponse à apporter à la progression des dépenses contraintes des collectivités, le ministre des comptes publics Gabriel Attal a invité ses interlocuteurs à regarder l’autre versant des budgets, à savoir celui des recettes. « On peut parler de l’effet de l’inflation en charges pour les collectivités – évidemment on le fait et c’est une réalité – mais il faut aussi regarder ce que l’inflation produit aussi en recettes ». Sur les cinq premiers mois de 2022, celles-ci ont progressé de 4,8 milliards d’euros par rapport à la même période de 2021, selon lui. « Je pose ça là, comme on dit », a conclu l’ancien porte-parole du gouvernement.

Du côté de l’AMF, Philippe Laurent conteste cette approche, affirmant qu’il y a plutôt une grande variété de situations parmi les collectivités. Le vice-président de l’association représentant les maires relève d’ailleurs que l’Etat lui-même a constaté un surplus important de recettes fiscales en 2022. Grâce à des rentrées plus importantes de TVA, stimulées en partie par l’inflation, mais aussi d’impôts sur le revenu, Bercy a enregistré un surplus d’une cinquantaine de milliards d’euros. « Ce n’est pas anormal qu’il y en ait une partie affectée aux collectivités territoriales », suggère le maire de Sceaux. « Si le gouvernement voulait renouer un lien fort avec les collectivités, il pourrait très bien décider de redistribuer deux ou trois milliards d’euros de cette manne financière ». Le débat budgétaire au Sénat s’annonce musclé.

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