Les mairies, « pompiers » dans la lutte contre l’illettrisme numérique

Les mairies, « pompiers » dans la lutte contre l’illettrisme numérique

Auditionnées par la mission d’information du Sénat chargée de la lutte contre l’illectronisme, des associations d’élus (AMF, AMRF, ADF et Régions de France) ont souligné le rôle des collectivités territoriales pour identifier les personnes en difficulté.
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Par Laure-Anne Elkabbach

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Le confinement a accentué les inégalités entre ceux qui savent et peuvent utiliser les outils numériques et les autres. À l’heure où le télétravail se développe, où les démarches administratives se font sur le net, comment identifier et aider les 13 millions de personnes en France victimes d’illettrisme numérique, appelé également « illectronisme » ?

Organisée par la mission d’information « lutte contre l’illectronisme et inclusion numérique », une table ronde a réuni mardi 30 juin au Sénat les associations d’élus, afin d’aider à répondre à cette question.

Pour l’Assemblée des Départements de France (ADF), représentée par Valérie Nouvel, « les collégiens sont les séniors de demain ». Il est important d’étudier leur comportement vis-à-vis du numérique. Les départements estiment qu’il est nécessaire de faire un bon diagnostic afin d’être efficace. Valérie Nouvel explique que durant la période de confinement, les départements ont collecté un grand nombre de renseignements sur l’état du numérique et les problématiques d’inclusion : « Nous regrettons (…) que rien n’est été mis en place pour vraiment exploiter ces données ». Alors que des États généraux du numérique pour l’éducation vont se dérouler à l’automne 2020, la vice-présidente du département de la Manche s’étonne que ces retours d’expérience ne soient pas pris en compte.

Valérie Nouvel rappelle également que « les départements ne sont pas la carte bancaire de l’État pour acheter du matériel informatique aux collégiens et câbler des salles de classe ».

Bien accompagner les citoyens

Intervenant également à cette table ronde en visioconférence, Patrick Molinoz avait deux casquettes : il représentait l’Association des maires de France (AMF) et les présidents d'intercommunalité mais également Régions de France.

S’exprimant pour l’AMF et l’intercommunalité, il a expliqué que l’échelon communal était « le plus légitime à parler directement aux citoyens » du fait de la proximité des maires avec les habitants au quotidien. Et que cela pouvait aider à bien identifier les personnes en difficulté et leurs besoins. Mais il a soulevé le manque de moyens et d’« articulation avec les autres échelons des collectivités ».

Le maire de Venarey-les-Laumes a également mis en garde contre une habitude très française de ne pas assez se concentrer sur la transition entre deux modes de fonctionnement. Pour lui, il est important de bien accompagner le citoyen « vers l’appropriation » de ces nouveaux outils numériques.

Intervenant un peu plus tard au nom des Régions de France, Patrick Molinoz a insisté sur le fait que les régions avaient un rôle d’organisation et de coordination « vitale » et qu’il « fallait renforcer ce point ».

Représentant l’Association des maires ruraux de France (AMRF) Cédric Szabo, a souligné « le rôle de pompiers » des mairies. Expliquant qu’il était fréquent que des habitants viennent à la mairie pour qu’on leur crée des identités numériques, des mots de passe…, étant incapables de le faire par eux-mêmes. Les maires ruraux ont également été « des relais-copies » durant le confinement pour apporter des devoirs ou informations à des enfants dont le foyer n’était pas équipé numériquement.

Droit à la non-utilisation du numérique

Pour la mission d’information du Sénat chargée de la lutte contre l’illectronisme, cette fracture numérique est « un fléau » et doit être « une cause nationale ». « Je regrette que l’on ne se soit pas réveillé plus tôt car on est dans une situation très grave » a même déclaré le rapporteur Raymond Vall.

Interrogé par les sénateurs pour savoir s’il était plus judicieux de faire à la place des personnes victimes d’illettrisme numérique ou s’il fallait leur apprendre l’utilisation des outils numériques, Patrick Molinoz a répondu : « Il faut amener les gens à être autonomes ». Mais dans le même temps, le représentant de l’AMF et de Régions de France a ajouté : « Les gens qui pilotent le service public doivent pouvoir proposer systématiquement une solution alternative à la solution numérique, au moins pendant encore quelques années ».

Pour Patrick Molinoz, il faut respecter les personnes qui ne peuvent pas avoir accès au numérique, qui ne savent pas s’en servir ou même qui ne veulent pas.  Il est en faveur « d’instituer presque un droit à la non-utilisation du numérique : « Si on veut que demain la société s’empare totalement du numérique, il ne faut pas l’imposer systématiquement au début, sinon on crée des réactions contraires ».

Patrick Molinoz a également insisté sur le fait que l’inclusion numérique ne touchait pas que 13 millions de Français mais que c’était « beaucoup plus que ça ». Puisqu’il fallait y inclure « les gens éloignés ou peu à l’aise avec le numérique ».

 

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