Les parlementaires socialistes proposent un Référendum d’Initiative Partagée contre le « démantèlement » d’EDF

Les parlementaires socialistes proposent un Référendum d’Initiative Partagée contre le « démantèlement » d’EDF

Les sénateurs et députés socialistes rejoints ont annoncé leur intention de proposer un Référendum d’Initiative Partagée « pour empêcher le démantèlement d’EDF », prévu selon eux, par le projet Hercule. Ils devront réunir au moins 185 parlementaires puis recueillir le soutien d’au moins un dixième des électeurs avant de voir le référendum proposé aux Français. Une initiative appuyée par la gauche sénatoriale.
Public Sénat

Par Rafael Benabdelmoumene

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Forts du succès de la mobilisation contre la privatisation d’ADP qui a réuni 1,2 million de signataires, les députés et sénateurs socialistes par la voix de leur cheffe de file à l’Assemblée Valérie Rabault. Ils appellent leurs collègues « qui souhaitent faire en sorte de maintenir EDF dans son intégrité et […] que le fleuron que constitue EDF puisse continuer à vivre », à apporter leur soutien à l’initiative. Dans le viseur des socialistes, le projet du gouvernement de découper EDF en trois entités. Mais les parlementaires de gauche comptent bien stopper le projet de scission du gouvernement qui « affaiblit la souveraineté de notre pays et le principal outil de notre transition énergétique ».

Le projet « Hercule »

Le projet Hercule prévoit de scinder EDF en trois entités distinctes. EDF Bleu prendrait en charge l’exploitation des centrales nucléaires (les 19 existantes ainsi que les EPR en construction) et resterait publique. Quant à la production d’énergies renouvelables, et surtout la très rentable distribution de l’électricité, elles seraient réunies au sein d’EDF Vert, cotée en Bourse et ouverte aux investissements privés. Enfin, les concessions des barrages hydroélectriques réunis sous la bannière d’EDF Azur seraient remises en concurrence pour satisfaire les exigences de l’Union Européenne.

L’objectif de ce projet de réorganisation de l’entreprise, c’est donc de privatiser la distribution d’électricité tout en conservant sous le contrôle de l’Etat la branche nucléaire. Les raisons invoquées : permettre à l’État de subventionner le secteur nucléaire sans contrevenir aux règles de la concurrence européenne tout en apportant de l’argent frais au géant de l’électricité avec l’arrivée de nouveaux capitaux privés.

« Nationaliser les pertes pour privatiser les profits »

Démantèlement, casse du service public… Les syndicats eux aussi tirent la sonnette d’alarme. Ils appelaient à la mobilisation le jeudi 10 décembre dernier pour dénoncer le projet de scission. D’après la direction, plus de 27,3 % de l’effectif total d’EDF ont répondu présents à la mobilisation. Un chiffre qui monte à 90 % dans les équipes des centrales nucléaires d’après la CGT Energie.

Une grogne partagée du côté des parlementaires d’opposition. Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat dénonce « un projet en droite ligne » des privatisations engagées par le gouvernement pour « mettre à mal les grands fleurons industriels et la souveraineté énergétique de notre pays. En cassant EDF en trois, on affaiblit un outil pour des raisons purement libérales. »

Dans l’hémicycle, Fabien Gay, sénateur du groupe communiste, a rappelé à l’occasion des questions au gouvernement les atouts d’une grande entreprise publique de l’électricité. EDF consacre « la souveraineté, l’indépendance et le patrimoine de la France » pour celui qui dénonce le « credo du gouvernement : déréguler, déréglementer, privatiser. »

Référendum d’Initiative Partagée

Patrick Kanner justifie le recours au RIP, « un des outils politiques à caractère parlementaire pour s’opposer à ce projet de démantèlement ». Le patron des sénateurs socialistes en appelle aux parlementaires de droite et du centre. « Il faut qu’ils nous soutiennent » plaide-t-il, s’adressant à « ceux qui ont encore une conscience gaulliste » car « c’est l’héritage du Conseil National de la Résistance qui est mis en cause ». Un appel tout particulièrement destiné aux parlementaires de droite qui avaient soutenu le RIP sur ADP. Au Sénat, ils étaient 23 élus Les Républicains à avoir signé pour un recours au Référendum d’Initiative Partagée contre la privatisation des aéroports parisiens.

Un enjeu environnemental

Mais la réorganisation d’EDF est aussi un sujet qui touche directement à l’environnement, ce qui n’a pas manqué d’être relevé aussi bien par l’opposition. Fabien Gay s’inquiète qu’avec la scission, EDF soit « privée de sa capacité à innover et à réussir sa transition énergétique et écologique du XXIème siècle ». « On est dans le concret » ajoute Patrick Kanner. « Il ne peut pas y avoir que des propositions de référendum sur de grands principes sympathiques mais qui ne représentent pas une action concrète » déclare le socialiste en référence au projet d’Emmanuel Macron de proposer un référendum sur l’environnement. Patrick Kanner qui tacle au passage le bilan du gouvernement en matière d’écologie qu’il qualifie de « très médiocre ».

Sur le sujet, la ministre de la Transition Ecologique l’assure : la scission doit donner l’opportunité à EDF de devenir un moteur de la transition écologique. Le projet de réorganisation du gouvernement, c’est d’après Barbara Pompili l’occasion de « donner les moyens de développer les énergies renouvelables » et de faire de l’électricien français « un des principaux acteurs de la transition énergétique de notre pays ». Et la ministre de conclure. « Nous ne souhaitons pas démanteler EDF, mais au contraire lui donner les moyens d’être un grand acteur au niveau européen et mondial. »

Barbara Pompili interrogée sur le projet de réorganisation d'EDF
03:49

Pas de commentaire du gouvernement, donc sur l’initiative socialiste de lancer un Référendum d’Initiative Partagée. Une proposition appuyée par le communiste Fabien Gay, qui souhaite « donner la parole au peuple français ». « On en appelle à l’arbitrage des Français, conclut Patrick Kanner, et puisque le Président de la République aime les référendums… »

Dans la même thématique

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
6min

Politique

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe : « Il se pose en sauveur de sa propre majorité, mais aussi en sauveur de l’Europe »

Le chef de l'Etat a prononcé jeudi 25 avril à la Sorbonne un long discours pour appeler les 27 à bâtir une « Europe puissance ». À l’approche des élections européennes, son intervention apparait aussi comme une manière de dynamiser une campagne électorale dans laquelle la majorité présidentielle peine à percer. Interrogés par Public Sénat, les communicants Philippe Moreau-Chevrolet et Emilie Zapalski décryptent la stratégie du chef de l’Etat.

Le

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
11min

Politique

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe : on vous résume les principales annonces

Sept ans après une allocution au même endroit, le président de la République était de retour à La Sorbonne, où il a prononcé ce jeudi 25 avril, un discours long d’1h45 sur l’Europe. Se faisant le garant d’une « Europe puissance et prospérité », le chef de l’Etat a également alerté sur le « risque immense » que le vieux continent soit « fragilisé, voire relégué », au regard de la situation internationale, marquée notamment par la guerre en Ukraine et la politique commerciale agressive des Etats-Unis et de la Chine.

Le

Police Aux Frontieres controle sur Autoroute
5min

Politique

Immigration : la Défenseure des droits alerte sur le non-respect du droit des étrangers à la frontière franco-italienne

Après la Cour de Justice de l’Union européenne et le Conseil d’Etat, c’est au tour de la Défenseure des droits d’appeler le gouvernement à faire cesser « les procédures et pratiques » qui contreviennent au droit européen et au droit national lors du contrôle et l’interpellation des étrangers en situation irrégulière à la frontière franco-italienne.

Le

Objets
4min

Politique

Elections européennes : quelles sont les règles en matière de temps de parole ?

Alors que le président de la République prononce un discours sur l’Europe à La Sorbonne, cinq ans après celui prononcé au même endroit lors de la campagne présidentielle de 2017, les oppositions ont fait feu de tout bois, pour que le propos du chef de l’Etat soit décompté du temps de parole de la campagne de Renaissance. Mais au fait, quelles sont les règles qui régissent la campagne européenne, en la matière ?

Le