Les points chauds du budget avant le début de l’examen au Sénat

Les points chauds du budget avant le début de l’examen au Sénat

À une semaine du début de l’examen du budget 2023 au Sénat, le rapporteur général détaille les principales orientations financières actées par la majorité sénatoriale. Les débats ayant été écourtés par le 49.3 à l’Assemblée nationale, les derniers compromis entre LR et la majorité présidentielle se décideront au Sénat.
Louis Mollier-Sabet

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Alors que le Sénat est actuellement en train de discuter le budget de la Sécurité sociale, ce sera au tour du budget de l’Etat d’être examiné à la chambre haute à partir du jeudi 17 novembre prochain. Un marathon législatif de vingt jours qui devraient durer jusqu’au mardi 6 décembre, où les sénatrices et sénateurs débattront du budget de la France pour 2023 presque 24h/24h et 7j/7j. « Les 49.3 donnent au Sénat l’opportunité d’être la seule des deux Assemblées du Parlement qui va procéder à l’examen complet du budget », se réjouit le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson (LR), actuellement en train de finaliser son rapport sur les recettes et les dépenses de l’Etat. Le Sénat devrait donc – sauf surprise de dernière minute – aller cette année jusqu’au bout de l’examen du budget, contrairement à l’année dernière, où LR avait coupé court aux débats au bout de quelques jours de discussion, en dénonçant un budget de précampagne électoraliste.

« On ne va pas se raconter d’histoires », explique ainsi Jean-François Husson, « la majorité introuvable à l’Assemblée nationale perturbe le fonctionnement de nos institutions, donc on va faire avec ce qu’on a. » Face à la dégradation du fonctionnement des institutions de la Vème République depuis les résultats des dernières élections législatives, la majorité sénatoriale entend donc faire contre mauvaise fortune bon cœur. Contrairement aux budgets du précédent quinquennat, le rôle pivot du groupe LR à l’Assemblée nationale devrait probablement permettre au Sénat d’arracher des compromis non négligeables à l’exécutif, qui dispose tout de même d’un recours illimité au 49.3 sur les textes budgétaires.

Limiter les dépenses des collectivités : « C’est notre ligne rouge »

« Notre ligne rouge, c’est qu’il n’est pas question de commencer à parler du début d’un corsetage des finances des collectivités, suivi de potentielles sanctions », avertit d’emblée le rapporteur général du budget au Sénat. La pomme de la discorde, ce sont les « contrats de confiance » entre les collectivités et l’Etat, une disposition ajoutée par le gouvernement après l’utilisation du 49.3 à l’article 40 quater du texte transmis au Sénat. Christine Lavarde, sénatrice LR, a d’ailleurs interpellé Élisabeth Borne sur le sujet aux questions d’actualité au gouvernement ce mercredi.

Le gouvernement projetterait ainsi de remettre sur la table les fameux « contrats de Cahors », suspendus en 2020 lors de la pandémie, qui limitaient l’augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités. En échange de cet engagement à la rigueur financière, l’Etat promettait la stabilité des dotations aux collectivités, votées chaque année dans une enveloppe du budget appelée « DGF » (dotation globale de fonctionnement). Pour la majorité sénatoriale, et pour Jean-François Husson, pas question de voir revenir ce dispositif honni des associations d’élus : « L’Etat est-il à ce point exemplaire qu’il peut venir tirer les oreilles des collectivités ? Non, non et non. Les collectivités ne concourent qu’à 8 % du déficit, si l’Etat pouvait s’occuper de sa contribution, on gagnerait du temps. »

« Ni immobilisme, ni feu d’artifice »

Le rapporteur général du budget voit ainsi dans l’examen du projet de loi de finances au Sénat, l’occasion de revenir sur certaines orientations jugées trop dépensières du gouvernement, tout en répondant à certains besoins légitimes en pleine crise énergétique : « C’est un budget qui présente un peu la particularité, dans un temps de crise où Bruno Le Maire dit être à l’euro près, de ne même pas être au milliard d’euros près. On présentera des dispositifs pour faire des économies, c’est ça la priorité. Il faut porter un message de cohésion et d’effort national. Il y a des pistes d’économies, puis parfois dans le contexte actuel, il n’y a pas de fenêtre de tir, ça s’entend. » La devise de Jean-François Husson et de la majorité sénatoriale sur ce texte ? « Ni immobilisme, ni feu d’artifice. »

Concrètement, cela suppose de « dépenser moins pour faire mieux », dans des investissements « plus ciblés, plus efficaces et qui créent une dynamique. » Sur la rénovation énergétique du bâti, par exemple, alors que les députés ont augmenté les moyens de « MaPrimeRénov’ » de 12 milliards d’euros et que le gouvernement est revenu au dispositif initial, le rapporteur général du budget trace une autre voie pour la majorité sénatoriale : « MaPrimeRénov’ c’était un effet d’annonce : on dépense et on l’affiche fièrement, mais ça ne s’est même pas fait au bénéfice de l’efficacité énergétique des bâtiments. Il faut privilégier les bouquets de travaux et les liés à des critères qui permettent de gagner en consommation énergétique et donc en impact sur l’environnement. »

Jean-François Husson fait ici référence aux faiblesses du dispositif pointées par plusieurs organismes, dont la Cour des comptes, qui servirait plus à des rénovations ponctuelles qu’à des travaux faisant véritablement changer le diagnostic énergétique des logements rénovés. La majorité sénatoriale réfléchirait donc à amener ce dispositif de crédit d’impôt pour flécher la dépense fiscale vers des travaux plus efficaces au niveau énergétique et moins ponctuels, sans nécessairement modifier le montant de dépense global.

Taxation sur les superprofits : « Il va y avoir un débat, je n’en connais pas l’issue »

Un autre sujet sera difficile à éviter au cours de ces vingt jours d’examen du budget pour 2023, c’est la taxe sur les superprofits. Si le dossier avait divisé la majorité présidentielle à l’Assemblée, avec un amendement MoDem finalement pas retenu par l’exécutif après l’utilisation du 49.3 par Élisabeth Borne, il promet également de diviser la majorité sénatoriale. Les centristes, alliés des Républicains au Sénat, avaient déjà porté l’idée d’une taxation des superprofits lors des débats sur le projet de loi de finances rectificative (PFLR) cet été, au point que les sénateurs l’avaient déjà annoncé : la taxe sur les superprofits serait « l’un des grands sujets de la discussion budgétaire de l’automne. » Le jour de gloire est arrivé, et il ne fait aucun doute que des amendements de la gauche et des centristes seront discutés lors des débats au Sénat.

« On n’a pas encore trouvé de point d’atterrissage satisfaisant, et je ne sais pas si on y arrivera », explique sobrement Jean-François Husson, qui ménage pour le moment la chèvre et le chou : « Il y aura un débat, cela s’entend. Le dispositif européen a quand même contribué à ramener des recettes qui n’existaient même pas dans la réflexion des uns et des autres lorsqu’on s’est exprimés dans le PLFR. D’un autre côté, l’opinion s’est aussi saisie du sujet. J’entends tous les arguments. Il y aura un débat, je n’en connais pas l’issue. » Pour rajouter à l’incertitude, ce qui sera voté au Sénat sera ensuite soumis à une négociation avec l’Assemblée nationale, dans une commission mixte paritaire qui regroupera des parlementaires divisés sur le sujet au sein même des majorités présidentielles et sénatoriales.

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