Les questions qui subsistent sur la hausse de 100 euros pour les personnes au Smic

Les questions qui subsistent sur la hausse de 100 euros pour les personnes au Smic

Le gouvernement reste sur une hausse de la prime d’activité comme vecteur pour mettre en œuvre la promesse d’Emmanuel Macron. Mais le mécanisme même d’attribution de cette prestation sociale complique sa mise en œuvre.
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« Le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte un euro de plus pour l’employeur. » La déclaration choc – et ambiguë – d’Emmanuel Macron le soir du 10 décembre peine une semaine après à trouver sa déclinaison concrète. Cette réponse à « l’urgence économique et sociale » est probablement celle qui a le plus retenu l’attention, en dehors des trois autres décisions qui seront débattues en fin de semaine au Parlement (lire notre article).

Dans Les Échos, le Premier ministre a confirmé que cette hausse de revenus passerait par « une hausse massive de la prime d’activité ». Deux éléments justifient ce choix selon l’exécutif. Plutôt que d’augmenter le montant horaire du Smic, cette solution a bien pour avantage d’exclure les employeurs du financement, et donc de renchérir le « coût du travail ». Une baisse des cotisations salariales sur les bas salaires n’était pas non plus envisageable. Un dispositif avait été tenté en 2014, dans le « Pacte de responsabilité » du gouvernement socialiste de Manuel Valls. Considérant que la mesure allait à l’encontre du « principe d’égalité », ces allègements avaient été censurés par le Conseil constitutionnel.

Une traduction législative dans le projet de loi de finances 2019, le détail de la mécanique probablement renvoyé à un décret

Mardi dernier, lors de la dernière journée d’examen du budget 2019, les sénateurs ont entériné la hausse de la prime d’activité dès janvier 2019, sur demande du gouvernement, une réécriture du projet de loi de finances qui devra être reprise cette semaine à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. C’est la raison pour laquelle elle ne figure pas dans l'avant-projet de loi. Reste les modalités techniques, d'ordre réglementaire. Fixées dans un décret du gouvernement, ce sont elles qui détermineront les bénéficiaires de la prime d’activité. Car cette prestation sociale, versée par les Caisses d’allocations familiales, obéit à un calcul complexe, qui repose notamment sur la composition et les revenus du foyer.

Actuellement, la prime est destinée aux travailleurs qui touchent entre 0,5 et 1,2 Smic. L’idée du gouvernement est de porter le haut de la fourchette jusqu’à 1,5 Smic.

Hausse d’un tiers du nombre de foyers éligibles à la prime d’activité

La hausse interviendra dès le 5 février et ira « bien au-delà des personnes qui sont juste au Smic » (1,6 million de salariés sont au salaire minimum, NDLR), a insisté Édouard Philippe, qui promet « d’élargir le nombre de foyers éligibles ». De 3,8 millions potentiellement bénéficiaires, il y aura désormais 5. Édouard Philippe a ainsi pris trois exemples de profils qui bénéficieront d’une hausse de 100 euros.

  • Un salarié célibataire sans enfant « jusqu’à 1560 euros net de revenus » (1,3 Smic)
  • Un parent isolé avec un enfant « jusqu’à 2000 euros de salaire »
  • Un couple avec deux enfants : l’un au Smic, « l’autre à 1.750 euros » : dans ce dernier cas, les deux conjoints toucheront chacun 100 euros

45% des smicards exclus de la prime d’activité

Comme l’a rappelé la ministre du Travail à plusieurs reprises, la prime d’activité ne s’adressera pas uniquement aux salariés du privé, mais aussi aux indépendants et aux salariés du secteur public. Mais tous les smicards ne toucheront pas le coup de pouce de 100 euros. 45% d’entre eux ne devraient bénéficier de la nouvelle monture de la prime d’activité, selon les calculs des Échos, contre 60% actuellement. L’explication tient dans les règles de calcul qui laissent de côté ceux dont le conjoint touche un revenu élevé. Cette position est assumée par le gouvernement mais pourrait brouiller la promesse présidentielle. « 1,2 million de salariés payés autour du Smic se trouvent dans les 30% des foyers français les plus aisés […] Prendre en compte l’ensemble des revenus ne me paraît pas scandaleux. C’est même un sujet de justice sociale », a expliqué Édouard Philippe.

Une hausse de 100 euros indépendante de la revalorisation naturelle du Smic ?

L’incertitude demeure en tout cas sur la composition de la hausse de 100 euros pour les personnes gravitant autour du Smic. La revalorisation automatique du salaire minimum calqué sur l’inflation fait-elle ou non partie de cette enveloppe de 100 euros, tout comme la progression du salaire net avec la disparition de cotisations sociales dès janvier ? C’est toute la question. D’autant que la progression automatique du Smic pourrait ne plus être de 1,8% mais de 1,5%, et ce, en raison d’une inflation moins importante que prévu. Un changement à la décimale, mais qui pourrait grignoter d’environ 3,6 euros net la hausse prévue par mois.

Dans ce dossier de la prime d’activité qui vire au casse-tête pour le gouvernement, il faut également rappeler que cette prestation doit faire l’objet d’une demande pour en bénéficier. Actuellement, 30% des bénéficiaires potentiels n’en ont pas fait la démarche. Le chef du gouvernement a promis de la rendre « plus lisible », et surtout « plus automatique ».

Dans ce contexte, où trois leviers se conjuguent pour atteindre la hausse de 100 euros, les propos du ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, le 11 décembre au Sénat, n’ont pas davantage aidé à clarifier la situation. « Il se pourrait qu’il y ait une autre façon également de compléter l’action du gouvernement et l’annonce du président de la République pour bien obtenir les 100 euros au SMIC à partir de 2019 », avait-il expliqué.

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