Les sénateurs d’Outre-mer se mobilisent pour défendre une niche fiscale

Les sénateurs d’Outre-mer se mobilisent pour défendre une niche fiscale

Les sénateurs d’Outre-mer ont tenté de convaincre le gouvernement de ne pas modifier un abattement d’impôt sur le revenu dont bénéficient les habitants de ces territoires. En vain. Ils ont cependant fait adopter une application plus progressive, sur deux ans, du nouveau seuil.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Pas touche à ma niche fiscale. Les sénateurs d’Outre-mer sont montés au créneau pour dénoncer le plafonnement d’une réduction d’impôt dont bénéficient les habitants de ces territoires. Dans le cadre de l’examen du budget 2019, la Haute assemblée s’est penchée dans la nuit de mardi à mercredi 28 novembre sur cette mesure voulue par le gouvernement, qui réduit le nombre de bénéficiaires de cet abattement d’impôt sur le revenu. Le changement de plafond fera économiser 70 millions d’euros, qui seront reversés aux Outre-mer. Ce qui revient à faire financer la solidarité pour les Outre-mer par l’Outre-mer lui-même, et non par la solidarité nationale.

A défaut d’avoir réussi à annuler cette mesure – leurs amendements de suppression ont été rejetés – les sénateurs d’Outre-mer ont réussi à lisser le changement, qui se fera sur deux années. Les députés pourront encore revenir sur cette décision.

C’est en septembre dernier, lors d’un déplacement aux Antilles, qu’Emmanuel Macron avait annoncé la mesure. L'abattement fiscal, dont le coût total est d’environ 400 millions d’euros, permet aux contribuables en Outre-mer de réduire leur impôt sur le revenu de 30% à 40% selon les territoires, dans la limite de 5.100 euros à 6.700 euros. Le gouvernement modifie le plafond dans une limite comprise entre 2.450 euros et 4.050 euros.

« Décidément, les foudres de Jupiter ont décidé de s’abattre sur l’Outre-mer cette année »

La sénatrice de Martinique, Catherine Conconne, membre du groupe PS, n’a pas ménagé ses efforts et ses effets pour dénoncer la décision du gouvernement. « Décidément, les foudres de Jupiter ont décidé de s’abattre sur l’Outre-mer cette année » a-t-elle regretté. La sénatrice du groupe PS s’était déjà indignée, lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale, de la décision d’augmenter la taxe sur les rhums produits en Outre-mer.

« Vous avez choisi, en parlant d’une pseudo décision de gauche, de vous attaquer à ce que vous appelez les riches, en leur enlevant une niche fiscale. Vous savez ce que vous appelez des riches ? Un couple qui gagne 6.600 euros à eux deux, par mois » s’est étonnée Catherine Conconne (voir la vidéo). 48.000 foyers devront ainsi payer en moyenne 1.500 euros d’impôts de plus chaque année, selon l’amendement de suppression présenté par la sénatrice.

Cherté de la vie

Cet « abattement supplémentaire de l’impôt sur le revenu compense la cherté de la vie » a rappelé Catherine Conconne. « Vous avez décidé de passer en force, brutalement, sans associer les élus » a ajouté Victorin Lurel, sénateur PS de Guadeloupe et ancien ministre des Outre-mer.

« La vie est-elle chère ou pas dans les Dom ? » a demandé le sénateur PCF Pascal Savoldelli, faisant référence aux émeutes qui ont marqué l’île de La Réunion. Il a aussi défendu le maintien de la réduction d’impôt.

« Ça ne concernera que les foyers les plus favorisés »

Le rapporteur général du budget, le sénateur LR Albéric de Montgolfier, a souligné que les 70 millions d’euros iront « à un fonds exceptionnel qui va à l’Outre-mer ». Même message du secrétaire d’Etat Olivier Dussopt : « Les économies sont intégralement utilisées pour le budget de l’Outre-mer ». Il souligne le passage du fonds exceptionnel d’investissement « de 40 à 110 millions d’euros ». Autre argument, qui a causé les foudres des sénateurs d’Outre-mer : « Ça ne concerne que 5% des foyers ultramarins ». Et d’ajouter : « En Martinique, Guadeloupe ou La Réunion, une famille de trois enfants ne sera concernée qu’au-delà de 96.000 euros de revenu annuel ».

« Il ne s’agit pas de revenir sur la réduction de l’impôt sur le revenu qui existe mais d’en plafonner le montant. Ça ne concernera que les foyers les plus favorisés » insiste-t-il, « l’économie réalisée s’inscrit dans une perspective de justice sociale ».

« On devra venir à Paris quémander des subventions »

« Les chiffres que vous donnez sont totalement faux » s’est indigné Michel Magras, sénateur LR de Saint-Barthélemy. « Plus de 87.000 personnes seront impactées » a corrigé Victorin Lurel. Pour avoir vu la machine gouvernementale fonctionner de près, en tant qu’ancien ministre, il craint que les 70 millions ne soient pas intégralement reversés aux Outre-mer. « On devra venir à Paris quémander des subventions ».

Alors que les débats de nuit sont généralement plus posés, Catherine Conconne a multiplié les prises de parole. En avocate des Outre-mer, elle a défendu avec emphase la solution finalement adoptée d’un étalement sur deux ans du changement de régime. « Amendement de repli car il ne reste plus que ça. Nous replier. Nous replier derrière notre misère. Nous replier derrière la sous-considération. Nous replier derrière cette absence de vision » (voir la vidéo). La sénatrice de Martinique voit un parallèle avec une autre décision de l’exécutif : « Quand on offre 4 milliards d'euros en supprimant l'ISF aux plus riches, vraiment riches, et il faut bien combler ce trou ». A ses yeux, l’Etat ne fait « rien pour ces pays (sic) qui ne sont pour la France que des positions géostratégiques » et une source de « richesses ».

 

Dans la même thématique

European Parliament in Strasbourg
7min

Politique

Européennes 2024 : les sondages peuvent-ils encore bouger ?

Les rapports de force vont-ils rester globalement stables jusqu’au scrutin du 9 juin ? La liste PS-Place Publique de Raphaël Glucksmann peut-elle dépasser celle de la majorité présidentielle de Valérie Hayer ? Marion Maréchal va-t-elle devancer la liste LR de François-Xavier Bellamy ? Les Français vont-ils se décider au dernier moment ? Eléments de réponses avec quatre sondeurs.

Le

France Migration
6min

Politique

Convocation de Mathilde Panot : pourquoi les poursuites pour « apologie du terrorisme » sont en hausse ?

La présidente des députés LFI, Mathilde Panot a annoncé, mardi, sa convocation par la police dans le cadre d’une enquête pour « apologie du terrorisme » en raison d’un communiqué de son groupe parlementaire après les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre. Depuis la loi du 13 novembre 2014, les parquets poursuivent plus régulièrement au motif de cette infraction. Explications.

Le