Les sénateurs proposent une quinzaine de mesures pour renforcer la « démocratie implicative » à l’échelon local

Les sénateurs proposent une quinzaine de mesures pour renforcer la « démocratie implicative » à l’échelon local

Présenté jeudi, un rapport de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales détaille une série de mesures pour pousser les citoyens à s’investir dans la vie démocratique locale, à l’heure ou l’abstention et la défiance envers les élus progressent.
Romain David

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« Il faut redonner envie aux gens de refaire des choses ensemble, mais pour cela les élus doivent dialoguer avec les citoyens ! », explique Françoise Gatel, la sénatrice centriste de l’Ille-et-Vilaine, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Jeudi après-midi, cette élue présentait au côté du rapporteur socialiste Jean-Michel Houllegatte un rapport d’information sur le désintérêt des électeurs pour la vie publique locale. Comment pousser les riverains à s’investir davantage dans le quotidien de leur commune ? Afin d’insuffler une « nouvelle dynamique démocratique à partir des territoires », selon la formule utilisée par ce rapport, les deux sénateurs invitent les élus à miser sur « la démocratie implicative ».

Le rapport d’information définit la « démocratie implicative » comme un effet d’entraînement qui peut amener le « citoyen-habitant » à devenir élu local. « La démocratie représentative demeure la pierre angulaire de notre système, mais elle subit les contrecoups de la défiance à l’encontre des politiques », corrélée à une hausse régulière de l’abstention, note le rapport. (Re) donner aux électeurs une place dans la prise de décision serait donc une manière de réenchanter la notion d’engagement. L’objectif est d’impliquer les citoyens « sur des projets très locaux, afin de susciter leur intérêt, pour aboutir à des implications plus fortes par la suite : de la participation au scrutin électoral à l’acte de candidature sur une liste, en passant par l’engagement sur d’autres projets. »

Afin de développer cette envie d’investissement de la part du citoyen, le rapport formule une quinzaine de propositions.

Pour lutter contre l’abstention

Les sénateurs souhaitent généraliser le recours à la double procuration à l’ensemble des scrutins. Pour rappel, la double procuration permet à un électeur d’être porteur de deux procurations. Cette mesure, défendue par le sénateur Philippe Bonnecarrère pour l’élection présidentielle, doit être débattue dans l’hémicycle vendredi, lors de la dernière séance publique de la session parlementaire, avant la suspension pour cause de campagne électorale. Mais le gouvernement a déjà fait savoir qu’il ne reprendrait pas cette idée.

Les élus proposent de lier de manière plus systématique les démarches administratives relatives à un déménagement à l’inscription sur les listes électorales de la nouvelle commune d’habitation. « Une idée à creuser : tirer au sort les assesseurs sur les listes électorales », glisse également Jean-Michel Houllegatte.

Les sénateurs invitent aussi l’exécutif à mener une série d’évaluations et d’expérimentations sur le vote par correspondance et le vote électronique. « Le développement de la démocratie participative est démultiplié par l’introduction du numérique dans les processus de consultation. Toutefois, la fracture électronique, l’illectronisme et le caractère très impersonnel de ce type de consultation représentent autant d’écueils difficilement surmontables », avertit le rapport. Par ailleurs, le texte cite le « jugement majoritaire », un système de vote par mentions, dont le gagnant est déterminé par la médiane. Ce procédé électoral, notamment utilisé par la primaire citoyenne de janvier dernier, permet aux électeurs de donner un avis sur l’ensemble des candidats ou projets soumis à consultation. Le vainqueur est celui qui recueille le plus de mentions positives.

Pour encourager l’engagement des élus

Les sénateurs demandent que la protection fonctionnelle des élus soit rendue automatique. Une réponse à l’augmentation des incivilités et des agressions constatées aux cours des dernières années. Ils suggèrent également que les élus puissent, dès leur prise de fonction, recevoir une formation sur la gestion des comportements agressifs, et plus globalement des situations de crise.

Autre proposition : soumettre les communes de moins de 1 000 habitants aux mêmes règles de parité que les communes de plus de 10 000 habitants. « On sait qu’en 2020 il y a eu quelque 100 communes sans candidat aux municipales », rappelle Françoise Gatel. Or, ce chiffre est aussi à mettre en parallèle avec la faible progression de la féminisation du mandat de maire. Les femmes représentaient 19,8 % des édiles après les municipales de 2020, contre 16 % en 2014. « C’est plus particulièrement dans les communes de moindre taille que la parité peine encore à s’imposer », indique le rapport d’information.

Pour renforcer le lien entre élus et citoyens autour de la prise de décision

Les sénateurs recommandent la mise en place de formations à l’attention des élus locaux, mais aussi des membres des conseils citoyens, sur les différentes formes de démocratie participative et les outils à mettre en place pour la faire vivre. « Depuis la loi du 27 février 2002, nos élus ont une nouvelle fonction, qu’ils découvrent maintenant sous la pression, et qui consiste à faire vivre la démocratie de proximité. Il y a parfois la tentation de s’appuyer sur des outils purement techniques ou de s’en remettre à des cabinets extérieurs », note Jean-Michel Houllegatte.

Les élus souhaitent que le compte d’engagement citoyen (CEC), qui permet d’acquérir des droits à la formation à travers des activités de bénévole, de volontaire ou de maître d’apprentissage soit étendu « aux acteurs de la démocratie implicative et participative ».

Publier un recueil des « actions citoyennes » organisées à l’échelon local (missions de proximité à l’égard des personnes âgées, journées jardinage, etc.), donnerait aux habitants une plus grande visibilité sur les formes d’investissement citoyen auxquels ils peuvent participer dans leur commune ou dans les environs. Dans la même perspective, les élus évoquent la création de « Trophées annuels des bonnes pratiques de la démocratie implicative ». « Valoriser une initiative en attribuant un trophée à une commune est aussi une manière d’informer », détaille Françoise Gatel, qui use d’une métaphore médicale en cette période de crise sanitaire : « Distinguer des initiatives très simples et qui fonctionnent bien pourrait avoir un effet de contamination citoyenne positive. »

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