Lobbies : quel cadre pour les représentants d’intérêts au Sénat ?
Les révélations sur le fichage d’élus pour Monsanto et les déclarations chocs du sénateur Pierre Médevielle sur le glyphosate, relancent, une fois de plus, la question de la place des lobbies au Parlement. Si la loi Sapin 2 et les règlements des assemblées ont fixé un cadre, une certaine opacité de leur influence demeure.

Lobbies : quel cadre pour les représentants d’intérêts au Sénat ?

Les révélations sur le fichage d’élus pour Monsanto et les déclarations chocs du sénateur Pierre Médevielle sur le glyphosate, relancent, une fois de plus, la question de la place des lobbies au Parlement. Si la loi Sapin 2 et les règlements des assemblées ont fixé un cadre, une certaine opacité de leur influence demeure.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Le glyphosate « moins cancérogène que la charcuterie ou la viande rouge » : l’affirmation du sénateur UDI de la Haute-Garonne, Pierre Médevielle, ce week-end, dans le journal Sud-Ouest en a interpellé plus d’un. En premier lieu, ses collègues l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), dont le rapport sur la question de l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences, est attendu jeudi.

Et pourtant, en fouillant dans nos archives, la comparaison du sénateur UDI entre le glyphosate et la charcuterie se retrouve, à plusieurs reprises, ces dernières années dans la bouche du sénateur LR, Jean Bizet (comme ici en 2017). Pour la tête de liste Europe Écologie Les Verts aux Européennes, Yannick Jadot c’est clair : « des élus reprennent mot pour mot des éléments de langage fournis par Monsanto » comme il l’a affirmé, lundi soir, dans l’émission Audition Publique.

Un soupçon renforcé par les révélations de la semaine dernière sur le fichage d’élus pour Monsanto effectué par l’agence de communication Fleishman Hillard.

Agora : le répertoire des lobbies

La question du poids des lobbies dans la décision publique, et plus précisément au Parlement, n’est pas nouvelle (voir notre article).

La loi Sapin 2 adoptée à la fin de l’année 2016 a pourtant fixé de nouvelles règles en matière de transparence sur les pratiques de ces groupes d’influence. Depuis le 1er juillet 2017, les représentants d’intérêts ont désormais l’obligation de s’inscrire sur le répertoire Agora, géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Bayer propriétaire de Monsanto y est bien inscrit. Parmi ses « types d’actions » recensées, on peut lire : « Transmettre aux décideurs publics des informations, expertises dans un objectif de conviction » ou encore « transmettre des suggestions afin d'influencer la rédaction d'une décision publique ». Toutefois, les noms des ministres, députés, sénateurs, collaborateurs parlementaires ou membres de cabinets ministériels, avec lesquels Bayer est entré en contact, ne sont pas communiqués.

« Aujourd’hui nous avons plus de 1 800 représentants d’intérêts qui se sont enregistrés (…) le bilan que l’on peut faire aujourd’hui est positif. Il y a une réelle prise de conscience de la part des représentants d’intérêts de respecter ce cadre » souligne Lisa Gamgani, secrétaire générale de l’HATVP.

« Le problème c’est le manque de traçabilité des lobbies »

« La loi Sapin 2 a l’avantage de présenter un début de représentation » note de son côté, Éric Alt, vice-président d’Anticor, qui indique, par ailleurs, que l’association anti-corruption est inscrite sur la plateforme Agora en tant que représentant d’intérêt. Pour ce magistrat, « le problème n’est pas que des représentants d’intérêt approchent des parlementaires. Le problème c’est le manque de traçabilité ». « Quand vous avez, sur un projet de loi, des amendements identiques, soutenus par différents groupes parlementaires et présentés comme étant en faveur de l’intérêt général, ça pose problème. Dans les études d’impacts ou dans les rapports parlementaires, l’identité des personnes auditionnées est connue. Ça devrait être le cas des propositions de lois ou les amendements » regrette-il.

« Chaque mois, je reçois plus d’une dizaine d’invitations à déjeuner par des représentants de lobbies »

« Des amendements livrés clés en main à des sénateurs par des lobbies, c’est une pratique courante. Certains les reprennent pour montrer qu’ils travaillent » confirme Thierry Carcenac, vice-président PS du comité de déontologie parlementaire du Sénat. « De mon point de vue, l’éthique c’est avant tout un comportement individuel. Chaque mois, je reçois plus d’une dizaine d’invitations à déjeuner par des représentants de lobbies. Je ne les ai jamais acceptés. Et ça peut même aller plus loin, comme des invitations à l’Opéra » confie-t-il.

Les assemblées disposent, elles-mêmes, de dispositifs pour encadrer les activités des lobbies. Depuis 2010, le Sénat a pourtant mis en place un code de conduite applicable à ces représentants d’intérêts. Les lobbies ont, par exemple, l’interdiction de faire des « dons ou avantages quelconques d’une valeur excédant un montant de 150 euros » aux sénateurs. Les représentants d’intérêts doivent également s’inscrire sur un formulaire public pour pouvoir accéder au Sénat. « Nous avons fixé les règles et si les règles sont transgressées, n’importe qui peut saisir le comité de déontologie, qui écoutera le parlementaire (mis en cause) et le cas échéant proposera une sanction au Bureau du Sénat » a rappelé, dans l’émission Sénat 360, le sénateur LREM, Alain Richard, membre du comité de déontologie parlementaire, avant de reconnaître qu’aucun manquement à ces règles n’avait été signalé jusqu’à présent.

Lobbies: Alain Richard évoque de possibles sanctions en cas de manquements aux règles
00:36

 

Partager cet article

Dans la même thématique

Lobbies : quel cadre pour les représentants d’intérêts au Sénat ?
3min

Politique

« L’humour est de gauche » selon l’humoriste belge Alex Vizorek

C’est l'un des Belges les plus connus de la scène humoristique francophone. Passé par France Inter, il officie désormais à RTL. Comment un humoriste est-il passé d’un public à l’autre ? Comment faire indifféremment rire un public de droite et de gauche ? Cette semaine, Alex Vizorek est l’invité de Rebecca Fitoussi dans l’émission Un monde, un regard.

Le

Lobbies : quel cadre pour les représentants d’intérêts au Sénat ?
3min

Politique

Parlement européen : « la droite traditionnelle pro-européenne joue avec l’extrême droite » pour Javier Moreno Sanchez   

« Un discours ferme et rassembleur ». Pour la députée centriste du groupe Renew, Fabienne Keller, les propos tenus par Ursula von der Leyen sont « absolument essentiels en ce moment historique où nous sommes en tension maximum avec Vladimir Poutine ». La présidente de l’exécutif européen a en effet annoncé une esquisse de nouvelles sanctions contre la Russie. Dans ce contexte, l’eurodéputée française estime que « la défense que l’on n’a pas voulue dans les années 50, s’impose à nous » désormais.   « C’est un peu tard mais elle commence à réagir »   Concernant le conflit israélo-palestinien, l’eurodéputé espagnol Javier Moreno Sanchez espère que qu’Ursula von der Leyen ira plus loin dans la condamnation des actes commis par l’Etat hébreu. « Ce que nous lui demandons, c’est qu’elle agisse avec la même fermeté dans les deux guerres qu’on a à nos portes ». A la surprise générale, la présidente de la Commission a annoncé vouloir suspendre une partie de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, mais pour le social-démocrate, c’est l’ensemble de ce texte qui doit remis en cause.     Mais pour l’eurodéputé espagnol, l’urgence est de ne pas revenir sur les grands textes des précédentes mandatures de la Commission. Qu’il s’agisse du pacte migratoire ou des mesures écologiques, « il ne faut pas qu’Ursula von der Leyen démonte les propositions qu’elle a faites (…) on ne savait pas que la droite traditionnelle pro-européenne allait jouer avec l’extrême droite ».  « Ce n’est pas une Europe sociale, mais une Europe militariste »   Le groupe des Conservateurs et réformistes est nettement plus critique vis-à-vis du grand oral de la présidente de la commission. L’élu roumain Gheorghe Piperea souhaite la démission de la commissaire allemande. En juillet, il faisait déjà partie de ceux qui avait voté une motion de censure à l’encontre de cette dernière. Pour cet eurodéputé conservateur l’Union européenne nourrirait le conflit ukrainien en multipliant ses aides, notamment militaires. Ce député a par ailleurs dénoncé l’accord commercial conclu « sur un terrain de golf en Ecosse » entre Ursula von der Leyen et Donald Trump, le qualifiant « d’échec ».    Retrouver l’intégralité de l’émission en intégralité ici  

Le

Avis d’arret de travail Illustration
9min

Politique

Report de congés pour cause d’arrêt maladie : la délégation aux entreprises du Sénat saisit Sébastien Lecornu face à une décision « terrible » pour les PME

« Je saisis par courrier le premier ministre pour qu’une action au sommet de l’Etat soit engagée dans les plus brefs délais auprès des instances européennes », annonce à publicsenat.fr le président de la délégation aux entreprises du Sénat, le sénateur LR Olivier Rietmann, alors qu’un salarié malade pendant ses vacances pourra reporter ses congés, selon une décision de la Cour de cassation.

Le