Loi agriculture et alimentation : le « coup de poing » du Sénat

Loi agriculture et alimentation : le « coup de poing » du Sénat

Les sénateurs vont rejeter d’emblée le projet de loi agriculture et alimentation pour son dernier passage devant le Sénat. Ils accusent le gouvernement d’avoir « fait capoter » la recherche d’un accord avec les députés sur la question cruciale des revenus agricoles.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

La reprise des travaux au Sénat ne devrait pas traîner en longueur. L’ouverture de la séance extraordinaire, avec le retour du projet de loi agriculture et alimentation mardi 25 septembre, sera vite expédiée.

Les sénateurs vont mettre rapidement un coup d’arrêt aux discussions pour le retour du texte en nouvelle lecture. Mercredi dernier, en commission, les sénateurs n’ont pas adopté le projet de loi, qui a fait l’objet d’un échec en commission mixte paritaire avec les députés. En séance, la commission va elle-même déposer une question préalable, qui sera en toute logique adoptée par la majorité LR-UDI. Il s’agit d’une technique de la procédure parlementaire mettant fin, après la discussion générale, aux débats, « ce qui aboutira a un rejet » du projet de loi, explique à publicsenat.fr le co-rapporteur du texte, le sénateur LR Michel Raison.

Les sénateurs ne vont donc pas chercher à imprimer une dernière fois leur marque sur le projet de loi, comme ils l’ont fait en première lecture (voir notre article sur la position du Sénat). Ils vont renvoyer directement le texte aux députés, qui ont le dernier mot dans la procédure. « Je suis plutôt du genre à mener les combats jusqu’au bout, mais là, ils se sont tellement moqués de nous et il y a tellement de mépris de l’Assemblée nationale sur le travail qu’on a fourni » peste le sénateur de Haute-Saône.

« Le gouvernement a poussé à l’échec de la CMP pour faire revoter les députés »

C’est l’échec de la Commission mixte paritaire (CMP) qui reste au travers de la gorge de Michel Raison. « On avait réussi à faire un certain nombre d’apports en première lecture. D’autres sont venus aussi des députés. Mais le gouvernement a fait capoter la CMP uniquement pour un alinéa qu’on a voté conforme à la virgule près, concernant la formation des indicateurs de prix de revient pour les revenus agricoles. Le gouvernement était en désaccord avec ce qui a été voté à l’Assemblée. C’est pour ça qu’ils ont poussé à l’échec de la CMP pour faire revoter les députés » selon Michel Raison, qui fait de la question préalable, qui sera votée en séance, un acte symbolique : « Du coup, c’est un coup de poing qu’on donne ».

En tapant du poing sur la table, le Sénat cherche aussi à être écouté et se faire respecter. D’autant qu’après l’audition d’Alexandre Benalla par la commission d’enquête du Sénat, l’ambiance n’est pas au beau fixe entre l’exécutif et la Haute assemblée… Les CMP se suivent et ne se ressemblent pas cependant. Jeudi, députés et sénateurs ont trouvé un accord sur le projet de loi Elan sur le logement.

« Les députés ont été soumis aux lobbys »

L’amendement dont parle le co-rapporteur reprenait une demande des agriculteurs. Il permettait à l’observatoire des prix et des marges de déterminer un prix de revient, au cas où les interprofessions n’avaient pas réussi à le fixer. « Mais le gouvernement considère que c’est uniquement à l’interprofession de faire ça. Or on sait que ça ne sera pas possible dans certains cas » selon le sénateur de Haute-Saône. Un choix qui risque de permettre aux distributeurs et transformateurs d’'imposer leur volonté aux agriculteurs. Sur cette question du prix de revient et la position du Sénat, regardez ce sujet de Quentin Calmet :

Revenus agricoles : le Sénat dénonce la position du gouvernement
01:26

Michel Raison, qui avait été mis en cause dans un numéro de Cash investigation, sur France 2, pour ses liens avec le lobby de l’agroalimentaire (voir notre article), va jusqu'à dire que « les députés ont été soumis aux lobbys ». Les groupes d’intérêts sont pourtant tout autant présents au Sénat. Ce que le sénateur ne nie pas : « Les lobbys, on en a besoin. On auditionne les fédérations, les lobbys. Mais après, c’est à nous de faire notre idée. Et par exemple, pour les pots de miel, on avait fait un amendement pour mettre les pays dans l’ordre en fonction de la quantité de miel la plus importante, car il y a des miels d’importation. Ils ont retiré ça car les plus gros producteurs de miel ne voulaient pas ».

Déception de la FNSEA et de la Confédération paysanne

Après le rejet du texte au Sénat, le texte fera son ultime retour devant l’Assemblée. Les députés pourront définitivement adopter le texte tel qu’ils l’ont voté la semaine dernière, au début de la dernière navette parlementaire post CMP. Les débats avaient été de nouveau enflammés sur la question du glyphosate. Les députés ont encore refusé d’inscrire dans la loi l’interdiction de l’herbicide d’ici trois ans. S’il s’agit bien d’un engagement d’Emmanuel Macron, le gouvernement défend d’abord la recherche d’alternatives.

Quant à la question de la rémunération des agriculteurs, on sait déjà que le texte des députés déçoit largement les syndicats agricoles, en laissant aux seules organisations interprofessionnelles l’élaboration des indicateurs de prix. Une position qui a réussi à susciter autant la déception de la FNSEA que de la Confédération paysanne.

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le