Loi climat : « l’idée n’est pas de rigidifier, elle est de donner des perspectives » défend Barbara Pompili en audition

Loi climat : « l’idée n’est pas de rigidifier, elle est de donner des perspectives » défend Barbara Pompili en audition

Entendue par la commission des Affaires économiques, la ministre de la Transition écologique a défendu devant les sénateurs le projet de loi « Climat et Résilience », et répondu à leurs interrogations, voire leurs critiques.
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Par Jules Fresard

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C’est un projet de loi dense, qui se veut la pierre angulaire du bilan écologique d’Emmanuel Macron. C’est aussi le résultat, partiel, d’une Convention citoyenne qui a proposé après des mois de travaux 149 propositions pour préserver l’environnement et la biodiversité. Le projet de loi « Climat et Résilience », fort de ses 218 articles, a fait son entrée à la Haute Assemblée, après son adoption par l’Assemblée Nationale le 4 mai dernier. Avec, en attendant sa première lecture au mois de juin prochain, des travaux préliminaires menés conjointement par la commission des Affaires économiques et celle de l’Aménagement du territoire et du développement durable.

Cette dernière avait d’ailleurs déjà entendu Barbara Pompili le 5 mai dernier, lors d’une audition marquée par les critiques des sénateurs de droite, reprochant au projet de loi d’être l’étendard de « l’écologie punitive », et ceux de gauche regrettant au contraire un texte en deçà des enjeux. C’était donc à la commission des Affaires économiques d’auditionner à son tour la ministre ce mardi 11 mai.

Et comme l’a démontrée l’adoption lundi soir par les sénateurs d’une version remaniée du projet de loi de révision constitutionnelle, visant à inscrire dans la Constitution la préservation de l’environnement, entre le gouvernement et la majorité à la Haute Assemblée, ce sont deux visions de l’écologie qui se font face. L’audition ce jour de Barbara Pompili n’a fait que le démontrer encore une fois, avec des sénateurs pointant ce qu’ils estiment être comme des points faibles si ce n’est des dangers concernant le texte. Barbara Pompili, elle, a tenu à l’assurer. Avec ce projet de loi, « l’idée n’est pas de rigidifier, elle est de donner des perspectives ».

L’artificialisation des sols

En ligne de mire, la lutte contre l’artificialisation des sols, c’est-à-dire la transformation de terres agricoles, naturelles ou forestières pour y construire des bâtiments. « Le bon sens nous dit que nous ne pouvons pas croire le monde infini, et construire des centres commerciaux dans des champs. C’est pourquoi nous allons diviser par deux le rythme de l’artificialisation des sols » a ainsi expliqué la ministre.

L’objectif affiché est zéro artificialisation nette d’ici 2050, comme le prévoit le projet de loi. Comment ? En rendant plus compliquée la construction de bâtiments sur des terres naturelles, avec une vérification des besoins réels auxquels est censé répondre le lieu. Et quand la construction est inévitable, le gouvernement prévoit de « rendre » à la nature l’équivalent de la surface construite.

Mais déjà sur ce point, les sénateurs ont tenu à soulever plusieurs interrogations, voire ce qu’ils jugent comme être des incohérences. Anne-Catherine Loisier, sénatrice centriste de la Côte-d’Or et rapporteure du texte, a ainsi tenu à attirer l’attention de la ministre sur l’impact de la mesure concernant la construction de nouveaux logements. « Les travaux menés par notre groupe montrent qu’avec cette mesure, il va y avoir un manque à construire de 100 000 logements chaque année, or l’étude d’impact de ce projet de loi ne fait aucune mention de cet effet. Cela risque de compliquer les démarches de nombreux jeunes couples qui cherchent à s’installer » s’est inquiétée la députée.

Sophie Primas, présidente de la commission des Affaires économiques, a, elle, partagé l’interrogation de Jean-Baptiste Blanc, sénateur du Vaucluse et rapporteur du texte, absent à l’audition car présent à l’hommage rendu au policier à Avignon. « Je m’inquiète du critère retenu pour empêcher la construction de nouveaux bâtiments. Vous allez prendre en compte la surface, alors qu’il aurait été plus judicieux de se baser sur l’emprise au sol ».

Combattre les passoires énergétiques

Autre grand point du projet de loi, la lutte dans laquelle veut s’engager le gouvernement, contre ce qu’il caractérise comme les « passoires énergétiques », des logements mal isolés, laissant passer le chaud en été et le froid en hiver, engageant par là même une surconsommation énergétique. Barbara Pompili a détaillé l’objectif du gouvernement. « Le premier axe, c’est d’interdire la location des logements classés G, il y a en 600 000 sur le territoire, d’ici 2025. Puis l’interdiction à la location des logements classés F, d’ici 2028, et ceux classés E d’ici 2034 ». L’objectif, que les propriétaires engagent les travaux nécessaires pour rendre leur logement mieux isolé.

Dominique Estrosi Sassone, sénatrice LR des Alpes-Maritimes, a tenu a salué l’objectif affiché, mais s’est inquiétée de sa faisabilité en l’état actuel du projet de loi. « Y aura-t-il une mobilisation des financements nécessaires ? Car c’est avant tout une question de moyens. Également, beaucoup de logements sont en copropriété, où les travaux concernant les toits, les murs… sont du ressort de la copropriété. Et il est difficile dans ce cadre d’obtenir l’accord des copropriétaires pour réaliser des travaux. Pour autant, le propriétaire peut-il être tenu responsable dans une telle situation ? ».

Le perpétuel débat autour des menus végétariens

L’audition n’est pas non plus passée à côté du débat lancinant autour des menus végétariens dans les cantines scolaires. Le projet de loi vise pour l’instant à pérenniser la mesure instaurée par la loi Égalim, avec le choix d’un menu végétarien par semaine dans les cantines scolaires, voire quotidiens pour les collectivités volontaires, et, dès 2023, une « offre végétarienne quotidienne dans ses administrations, les établissements publics et les entreprises publiques ». Pour ce qui concerne la viande, Barbara Pompili a réaffirmé sa volonté de proposer aux élèves 60 % de viande labellisée, « une viande de qualité, produite par nos producteurs français ».

Mais Anne-Catherine Loisier s’est ainsi demandé si le gouvernement avait « mesuré l’impact du déploiement de ces repas, car il y a un risque d’explosion des importations. Seulement 30 % des fruits et légumes français dans les cantines sont d’origine française ». Un constat partagé par Laurent Duplomb, sénateur de la Haute-Loire et président du groupe d’études Agriculture et alimentation, fustigeant au passage ce qu’il estime être comme un projet de loi se rapportant sur certains aspects à de « l’écologie punitive ».

Olivier Rietmann, sénateur LR de la Haute-Saône, s’est dit lui scandalisé par les propos de la ministre sur « la viande de qualité », estimant que « les agriculteurs français servent tous une viande de très haute qualité, et dire qu’aujourd’hui il y a une différence notoire de qualité entre la viande labellisée et le reste de viande française n’est pas normal ».

En réponse, Barbara Pompili a exprimé son refus total de « rentrer dans les débats sans fin, un peu guerriers, entre ceux qui diraient qu’il y a une lutte entre les défenseurs de la viande et les défenseurs des véganes ». La ministre s’est au contraire dite « défenseure de la bonne bouffe, j’adore la viande, mais comme toute personne qui s’intéresse à ce qui se passe dans le monde, je constate qu’en manger trop n’a pas un grand intérêt. Il s’avère qu’en France, on a une filière diversifiée, une filière de qualité, on devrait plutôt se réjouir. On donne le choix à tout le monde, et ceux qui veulent manger végétarien le pourront, ceux qui veulent manger de la viande le pourront aussi ».

Menus végétariens dans les cantines : "on donne le choix à tout le monde" défend Barbara Pompili
02:43

Et concernant le terme « écologie punitive », Barbara Pompili a évoqué une « expression qui [l]’agace », car « l’écologie punitive, c’est ce qu’on est en train de vivre, c’est ce qu’ont vécu les habitants de la vallée de la Roya, c’est ce que vivent nos enfants dans des villes comme Paris avec la pollution ». Une différence d’appréciation notable entre la ministre et la majorité sénatoriale de droite, qui laisse présager des débats houleux lors de la lecture du texte. Rendez-vous est pris pour juin prochain.

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