Loi énergie et climat : « Il y a une rupture historique du Sénat sur les énergies renouvelables »

Loi énergie et climat : « Il y a une rupture historique du Sénat sur les énergies renouvelables »

Le Sénat entend « muscler » le texte du ministre François de Rugy sur l’énergie et le climat. S’ils soutiennent le report à 2035 de la réduction de la part du nucléaire, les sénateurs veulent encourager le développement de l’hydroélectricité et du biogaz. « Le Sénat, qui a longtemps été la courroie de transmission du lobby du nucléaire, s’engage maintenant sur le renouvelable » salue le sénateur écologiste Ronan Dantec.
Public Sénat

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Après les députés, les sénateurs s’emparent du projet de loi sur l’énergie et le climat. De quoi peut-être donner une respiration politique au ministre de la Transition écologique, François de Rugy, empêtré dans la polémique sur les dîners fastueux organisés quand il présidait l’Assemblée nationale. Sur le papier, son texte peut sembler ambitieux et de nature à mettre « l’urgence écologique au premier rang (des) priorités », comme l’a affirmé le premier ministre Edouard Philippe, lors de sa seconde déclaration de politique générale, en juin. Le projet de loi prévoit d'atteindre la « neutralité carbone » à l'horizon 2050, une baisse de 40% de la consommation d'énergies fossiles d'ici 2030, contre 30% précédemment, la fermeture des dernières centrales à charbon d’ici 2022. Côté atome, il entérine le report de 2025 à 2035 de la réduction de la part de l’énergie nucléaire à 50%.

« Ce texte est vraiment stratégique pour notre pays »

Mais pour le rapporteur du projet de loi au Sénat, le sénateur LR Daniel Gremillet, le texte manque d’ampleur. « On fait faire au Parlement de la technique, alors qu’il doit débattre de stratégie » déplore le sénateur des Vosges. Avec la majorité sénatoriale, il a donc « musclé » le projet de loi. « Pour nous, ce texte est vraiment stratégique pour notre pays. Quand on sait que le prix de l’énergie est un élément déterminant pour les familles et l’économie, c’est quelque chose de sérieux » pour Daniel Gremillet.

En commission, le rapporteur a décidé de « renforcer le rôle du Parlement sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) », « de muscler le renouvelable, avec aussi un amendement pour faire le bilan carbone de l’ensemble du renouvelable. Si les produits pour faire les panneaux solaires sont fabriqués à l’autre bout du monde, l’impact n’est pas si neutre » souligne le rapporteur. « On a bien renforcé l’éolien en mer, sur l’ambition des volumes et les conditions », ajoute-t-il encore. Et sur le biogaz, les sénateurs fixent un objectif intermédiaire de 8% en 2028 afin d’atteindre les 10% en 2030. L’accent est mis aussi sur l’hydraulique.

« C’est quand même un texte qui est d’abord là pour repousser l’objectif de 50% du nucléaire »

Quant au nucléaire, les sénateurs apprécient la copie du gouvernement. Et pour cause. Le texte entérine le report, décidé sous Nicolas Hulot, de la baisse de l’énergie nucléaire. En 2015, les sénateurs avaient déjà supprimé l’objectif de 2025, mais la majorité socialiste de l’époque l’avait conservé à l’Assemblée. « 2025 n’est pas tenable pour atteindre les 50 % de nucléaire. 2035 correspond à la réalité et au faisable, notamment sur la durée de vie des centrales » justifie aujourd’hui Daniel Gremillet.

Pour le sénateur écologiste de Loire Atlantique, Ronan Dantec, c’est tout vu : « C’est quand même un texte qui est d’abord là pour repousser l’objectif de 50% du nucléaire. La raison d’être de ce texte, c’est de procrastiner sur l’horizon de sortie du nucléaire. On voit bien que le gouvernement n’a pas tranché sur ces questions, même s’il repousse une décision de relance de la filière à 2022 ». Le sénateur a déposé un amendement pour fixer au moins des « paliers intermédiaires » sur la baisse de la part du nucléaire. Ronan Dantec va aussi défendre l’interdiction des panneaux numériques électriques publicitaires, « qui sont une gabegie et consomment autant que trois familles ».

Pour l’ancien d’EELV, la bonne surprise vient plutôt du Sénat. Ronan Dantec constate l’évolution de la Haute assemblée sur le renouvelable. « C’est un signal positif du Sénat. Il y a une rupture historique sur une partie des énergies renouvelables, sur l’éolien offshore ou la méthanisation ». Il ajoute :

« Le Sénat, qui a longtemps été la courroie de transmission du lobby du nucléaire, s’engage maintenant sur le développement des énergies renouvelables. Il y a un moment de bascule ».

« Sentiment que l’urgence climatique annoncée dans le texte est repoussée à plus tard »

Pour les socialistes, le sénateur Roland Courteau souligne qu’« il y a des mesures intéressantes dans ce texte, mais si je me fie au dernier rapport du GIEC, il n’y a rien qui me permette de dire qu’il est compatible avec le cri d’alarme lancé ». Les sénateurs PS pointent notamment les faiblesses du texte sur le logement. « Le candidat Macron avait prévu la création d’un fonds public de financement et qu’on rénove en 2022 la moitié des logements passoires » rappelle le socialiste, qui a « le sentiment que l’urgence climatique annoncée dans le texte est repoussée à plus tard et très tard ». « Il n’y a pas de plan de rénovation thermique d’envergure des bâtiments résidentiels. Or il y a 8 millions de logements passoires et la plupart sont habités par des gens de condition très modeste » souligne le sénateur PS de l’Aude, qui portera un amendement sur le sujet, tout comme Ronan Dantec qui « propose le plafonnement des loyers quand la performance énergétique est médiocre ».

A l’Assemblée, les députés ont opté pour un dispositif en trois temps : information et incitation jusqu'en 2023, puis obligation de travaux, mais avec la mise en place de sanctions seulement à partir de 2028. En commission, la majorité sénatoriale a renforcé encore l'information des locataires et des acheteurs et a rendu certaines obligations plus progressives.

La centrale au charbon de Cordemais devrait être conservée un temps

Le texte porte aussi la fermeture des dernières centrales à charbon, d’ici 2022. Les sénateurs ont décidé que les mesures d’accompagnement pour les salariés devront être assumées par l’État. Trois centrales fermeront. Une quatrième sera conservée durant un temps, en appui. « C’est celle de Cordemais, en Loire-Atlantique. Elle est nécessaire à la sécurisation du réseau, tant qu’il n’y a pas la mise en place d’une centrale à gaz ou de l’EPR de Flamanville » explique Ronan Dantec.

Du côté du groupe communiste, on reconnaît aussi « une ambition forte » au texte. Mais le sénateur PCF de Seine-Saint-Denis, Fabien Gay, pointe aussitôt ses limites : « C’est comme une pastèque. Elle est verte à l’extérieur et quand on l’ouvre ce n’est plus la même couleur. Là, c’est pareil. On n’a pas les moyens » a-t-il dénoncé vendredi sur Public Sénat, alors que « des experts disent qu’il faut 400 milliards d’euros sur 30 ans pour changer notre modèle ».

Loi énergie et climat : « C’est comme une pastèque. Elle est verte à l’extérieur et quand on l’ouvre ce n’est plus la même couleur » selon le sénateur PCF Fabien Gay
01:31

« Quand vous parlez neutralité carbone et qu’en même temps on ratifie ici le CETA et que l’Europe vient de signer l’accord avec le Mercosur, dont on sait les dégâts que ça va faire pour notre agriculture, les dangers sanitaires, sociaux et pour les normes environnementales, ce n’est pas sérieux ». Pour Fabien Gay, « les actes trahissent le gouvernement ».

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le