Des routes de l’Ardèche aux lignes de nuit, les sénateurs embarquent dans le train de la loi mobilités

Des routes de l’Ardèche aux lignes de nuit, les sénateurs embarquent dans le train de la loi mobilités

La Haute assemblée a entamé l’examen en séance du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM). Les sénateurs ont approfondi les objectifs des orientations à prendre pour les années à venir, des dessertes des territoires ruraux, en passant par la renaissance de certains trains aux questions environnementales.
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Le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) poursuit son itinéraire parlementaire. Les sénateurs, premiers saisis au Parlement sur ce texte, ont entamé en séance l’examen de cette réforme attendue de longue date. Elle fixe la stratégie générale pour les politiques de mobilité pour les deux décennies à venir (2019-2037). Les débats progressent à une allure modérée (73 amendements étudiés le premier jour), et sans rencontrer de nids de poule trop importants.

Il faut dire que le gouvernement et le Sénat abordent l’exercice sur une base plutôt cordiale. « Un projet de loi qui va dans le bon sens », pour le rapporteur Didier Mandelli (LR). Un texte qui « sort conforté » de la commission du Sénat, pour Élisabeth Borne. Mais le diable se cache dans les détails.

Mardi soir, les débats ont porté sur les objectifs et la programmation financière annuelle prévue pour les projets d’investissements. Dans le texte initial, cette dernière était abordée à l’article 30, au milieu du texte. La commission sénatoriale l’a finalement déplacée au tout début du projet de loi. Ce détail illustre la logique à l’œuvre au palais du Luxembourg, qui a fait du financement l’un de ses principaux chevaux de bataille. La ministre a d’ailleurs « regretté » ce changement dans l’architecture du texte.

Un projet de loi « qui n’est pas crédible », selon Hervé Maurey

« Ce projet de loi, il est tout sauf sincère. Il n’est pas crédible et il n’est pas fiable. Nous considérons que ce n’est pas sérieux parce que ce projet de loi est prêt depuis un an », a déploré le sénateur Hervé Maurey, président (UDI) de la commission de l’Aménagement du territoire, mécontent du manque de garanties budgétaires (voir la vidéo).

« Il y a bien des outils dans la boîte et des financements », a voulu « rassurer » la ministre des Transports Élisabeth Borne. Afin d’améliorer les infrastructures existantes et de préparer la transition écologique, le gouvernement prévoit d’augmenter de 40% ses investissements au cours des quatre prochaines années. L’enveloppe consacrée à l’AFITF (Agence de financement des infrastructures de transports de France) va grossir pour atteindre près de 14 milliards d’euros sur la période 2019-2023.

Pas de réponse sur l’écotaxe à ce stade de l’examen de la loi

« Pour 2019, l’État est bien au rendez-vous », insiste la ministre. Au-delà, pour l’heure, c’est l’inconnu. Le gouvernement doit trouver 500 millions d’euros par an, dans la prochaine loi de finances. L’éventualité d’un retour d’une forme d’écotaxe pesant sur le transport routier, abandonnée en 2013 face au mouvement des « Bonnets rouges », reste toujours sans réponse. « Il me paraît légitime d’attendre les conclusions du Grand débat pour trancher la nature de la ressource », a répété Élisabeth Borne. Pas de quoi déminer le débat qui s’engage au Sénat.

Sur les grands objectifs de loi, qui détermineront les grands programmes d’investissements prioritaires, en faisant la part belle aux transports du quotidien, plutôt qu’aux grand projets de type TGV, les sénateurs ont cherché à préciser le texte et à combler certains « trous dans la raquette ».

Projet de l’A45 entre Lyon et Saint-Étienne, canal Seine-Nord, liaison Perpignan-Montpellier : la soirée de mardi a viré à l’inventaire à la Prévert, de nombreux élus essayant d’obtenir des garanties sur un équipement ou un projet de son département.

Au total, cinq grands objectifs sont listés dans le rapport annexé au volet de programmation du projet de loi : l’entretien et la modernisation des réseaux existants (routiers, ferroviaires, fluviaux), attention portée aux « grands nœuds ferroviaires » saturés dans les grandes villes, accélération du désenclavement des villes moyennes et territoires ruraux, développement de l’offre de moyens de transports verts et partagés, ou encore amélioration des connexions dans le transport de marchandises.

Le retour des trains de nuit ?

Sans surprise, la Chambre des territoires a eu une attention particulière pour les départements les moins bien desservis. Pour cette France rurale, tenue à l’écart des grands projets d’aménagement de ces dernières années, le Sénat a adopté un amendement du gouvernement, précisant que l’objectif de désenclavement des territoires devra être rempli « prioritairement » par l’aménagement d’itinéraires existants. De façon similaire, un amendement des sénateurs socialistes demande que les lignes ferroviaires déaffectées soient « préservées », en cas d’éventuelle renaissance. En résumé : finis les grands travaux ex-nihilo.

Pour les trains d’équilibre du territoire (ces lignes qui relient les principales villes du pays qui ne bénéficient pas de lignes à grande vitesse), là aussi, le Sénat a voulu remettre au goût du jour des solutions qui avaient été progressivement abandonnées. Un amendement du groupe communiste, républicain, écologique et citoyen (CRCE) demande que l’État se penche sur le développement des trains de nuit.

Un « effort particulier » pour les départements sans infrastructure majeure

Sur le tronçon des travaux d’aménagement et de sécurisation, certains allument les feux de détresse. Un amendement, à l’initiative du sénateur de l’Ardèche Mathieu Darnaud (LR), a été adopté pour qu’un « effort particulier » soit mené en direction des départements de France métropolitaine à l’écart des grands axes de transports. « Je ne vous parlerai ni d'autoroutes, ni de 2x2 voies et encore moins d'infrastructures ferroviaires car l'Ardèche n'en compte pas. Il est unique dans l'Hexagone », a insisté le sénateur. Seul axe « structurant » : la RN 102, une nationale parfois « dangereuse », aux trajectoires sinueuses.

Justement, dans ces territoires laissés pour compte, un autre amendement (des sénateurs centristes) adopté demande que le trafic ne soit pas le seul critère retenu pour les projets routiers. La sécurité et le caractère accidentogène d’un axe doivent aussi être pris en compte. La sécurité est même ajoutée noir sur blanc dans les objectifs généraux de la programmation financière, grâce à un modification obtenue par des sénateurs de Nouvelle-Aquitaine.

L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre gravé dans la loi

Même chose pour l’environnement, « cela va mieux en le précisant », a reconnu le rapporteur Didier Mandelli. Avec un avis favorable de la ministre, l’hémicycle a donné son feu vert à des amendements identiques (défendus par le RDSE et des centristes, les socialistes ou encore La République en marche) pour affiner l’objectif de la loi. Il ne sera plus seulement question d’ « accélérer la transition énergétique », mais aussi d’accélérer « la diminution des émissions de gaz à effet de serre ». « C'est presque un amendement de cohérence avec notre insistance sur la lutte contre le changement climatique », a défendu le sénateur écologiste Ronan Dantec.

Dans cette finalité, les sénateurs ont aussi approuvé un amendement demandant une « politique ambitieuse et incitative » pour le développement du transport fluvial. Ou encore un autre amendement pour soutenir la filière hydrogène.

Parmi les autres modifications retenues, un amendement de la droite exige que l’amélioration des déplacements du quotidien ne passe pas seulement par le renforcement du train, mais aussi par le transport « guidé ». Comprendre : les tramways, les funiculaires, les transports par câble comme les téléphériques.

Les sénateurs doivent aborder dans les prochaines heures la question de la gouvernance et du rôle des différentes collectivités territoriales, ce qui devait, à l’origine, être discuté en priorité. Un amendement du gouvernement devrait retenir l’attention des sénateurs : celui qui va permettre aux régions qui le souhaitent de « gérer directement » les petites lignes ferroviaires.

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