Loi mobilités : les 80 km/h et les trottinettes électriques dans le viseur du Sénat

Loi mobilités : les 80 km/h et les trottinettes électriques dans le viseur du Sénat

Les sénateurs s’apprêtent à changer les règles du jeu concernant la limitation nationale à 80 kilomètres par heure, mais aussi sur les flottes de trottinettes électriques en libre-service dans les grandes villes.
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Loi LOM, deuxième semaine. Les débats sur le projet d’orientation des mobilités (LOM) reprennent ce mardi au Sénat. Après avoir examiné la semaine dernière le volet financier du texte, ainsi que les articles liés à la gouvernance et aux compétences des collectivités locales, les sénateurs vont désormais débattre en séance des nouvelles formes de mobilité, et de leur régulation.

Ce deuxième bloc du projet de loi sera l’occasion pour le Sénat de revenir à la charge sur un dossier vieux d’un an : l’abaissement de la vitesse maximale à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur. Les sénateurs, qui s’étaient rapidement saisis de la question avec un groupe de travail, dénoncent depuis des mois une mesure prise sans concertation et qui « porte atteinte à la ruralité ».

Deux amendements identiques proposent de donner le pouvoir de fixer la vitesse maximale autorisée sur ces routes nationales au président du conseil départemental ou au préfet. Après avis de la commission départementale de la sécurité routière, l’un ou l’autre pourra donc fixer une limite supérieure prévue à celle en vigueur depuis le 1er juillet 2018. C’est une forme de décentralisation, qui renvoie ce pouvoir réglementaire au plus près du terrain, en faisant du cas par cas.

Union sacrée en vue autour des 80 km/h au Sénat

Signe que cette recommandation sénatoriale dépasse les clivages, le premier amendement est présenté par quatre sénateurs, tous issus de groupes différents : Michel Raison (LR), Jean-Pierre Corbisez (sénateur communiste, membre du groupe RDSE), Jean-Luc Fichet (PS) et Michèle Vullien (Union centriste). Le quatuor défend une « une mesure affinée, concertée, responsabilisant les acteurs et surtout, empreinte d’une forte acceptabilité sociale ». Le second amendement est cosigné par la quasi-totalité du groupe RDSE, à majorité radicale.

Logiquement, les deux modifications au projet de loi ont reçu un avis favorable de la commission de l’Aménagement du territoire du Sénat. Leur adoption par la chambre haute laisse peu de place au doute. La façon dont le gouvernement les accueillera est revanche plus attendue. Le 15 janvier, Emmanuel Macron avait déclaré qu’il était ouvert à des aménagements aux 80 km/h, mesure de sécurité routière défendue par son Premier ministre. Dans l’Eure, première étape de son tour du grand débat national, le revirement de l’exécutif avait été accueilli par les applaudissements des maires du département.

« Dire : on pense qu'on a des propositions plus intelligentes, mieux acceptables pour la population et qui seraient tout aussi efficaces, parce que nous on sait quel est le tronçon qui est dangereux, quel est celui qui ne l'est pas ou autre… à mon avis, peut-être qu'on peut y arriver », expliquait Emmanuel Macron il y a deux mois.

Face à la prolifération des trottinettes en libre-service, les sénateurs veulent armer les collectivités

Loin d’être une assemblée « du seigle et de la châtaigne », le Sénat va aussi se pencher sur les nouvelles formes de mobilités en vogue dans les grandes villes, qui nécessitent, selon lui, davantage d’encadrements (article 18 du projet de loi). En commission, les sénateurs ont conditionné l’implantation des flottes de vélos et trottinettes en libre-service (et sans stations d'accueil) à un régime d’autorisation préalable.

Avant d’autoriser l’exploitation, les collectivités locales pourraient ainsi demander aux opérateurs de prendre des mesures, afin que leurs agents et leurs utilisateurs respectent les règles de circulation et de stationnement. Pour mettre fin à une présence parfois anarchique sur les trottoirs, ces agréments pourraient aussi plafonner les effectifs de ces flottes ou encore instaurer une forme de redevance pour l'utilisation de l'espace public.

Le sénateur LR Philippe Mouiller veut aussi graver dans la loi, avec son amendement, le principe « d’accessibilité de la voie publique » aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie.

Le même principe d’autorisation préalable a été introduit à l’article 19 pour l’activité des vélos taxis, qui se sont aussi multipliés dans certaines grandes métropoles, notamment Paris. Pour les sénateurs, il s’agit de mieux s'assurer, en amont, de la bonne aptitude et des licences de ces professionnels.

Responsabilité sociale des plateformes de mise en relation : menace sur la charte ?

Un changement du projet de loi peut aussi intervenir ce mardi sur l’article 20. Cet article offre la possibilité aux plateformes, qui mettent en relation des chauffeurs ou des coursiers avec des clients, d’établir une charte qui approfondit leur responsabilité sociale. L’idée de ces chartes – facultatives – serait de fixer un certain nombre d’engagements, de droits et obligations entre la plateforme et les travailleurs indépendants, comme les modalités de fixation des prix, ou encore des mesures pour prévenir les risques au travail. L’article prévoit en outre la participation de ces plateformes à la formation de ces travailleurs.

Trois amendements réclament la suppression de l’article. L’un, porté par 18 sénateurs LR, dont Bruno Retailleau, estime qu’il n’est pas « opportun de légiférer sur un dispositif facultatif ». Les deux autres amendements de suppression, défendus par les socialistes et les communistes dénoncent la philosophie de l’article, qui aboutirait selon eux, à un « dévoiement du Code du travail ». Les deux groupes rappellent surtout la jurisprudence récente. L’an dernier, la Cour de cassation ou des tribunaux de prud’hommes ont reconnu un lien de subordination de certains coursiers à vélo, obligeant les plateformes à requalifier ces travailleurs indépendants en salariés.

Opposée à ces amendements au début du mois de mars, en amont de l’examen en séance, la commission de l’Aménagement du territoire s’est finalement rangée à l’argumentaire des amendements de suppression. L'article est perçu comme instable juridiquement. Autrement dit, l’article 20 pourrait sauter au Sénat.

L’introduction d’une responsabilité sociale pour ces plateformes était contenue à l'origine dans le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » (article 66). L’article avait été censuré par le Conseil constitutionnel, en septembre 2018, au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif, une disposition sans rapport avec l’objet du texte.

Cette semaine, les sénateurs examineront également diverses dispositions en soutien aux mobilités partagées (covoiture, autopartage) et au développement des mobilités vertes.

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