Loi mobilités : les sénateurs PCF dénoncent un « démantèlement » de la RATP

Loi mobilités : les sénateurs PCF dénoncent un « démantèlement » de la RATP

Les sénateurs PCF ont dénoncé les conséquences de l’ouverture à la concurrence des transports en Ile-de-France. Dans le cadre de l’examen du projet de loi sur les mobilités, le gouvernement a défendu la mise en place d’un « sac à dos » social pour les agents qui seront transférés au privé.
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Impression de déjà-vu. Les sénateurs n’ont pourtant pas joué un remake du film Matrix, où les héros voient la réalité parfois bugger en se répétant. Ils ont examiné un article du projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM) portant sur la RATP. Les débats ont rappelé ceux, l’année dernière, sur la réforme de la SNCF et l’ouverture à la concurrence. En jeu notamment ici, l’ouverture à la concurrence des lignes de bus à l’horizon 2024 et le « sac à dos social » pour les salariés de la RATP, en cas de transfert au privé. Cette ouverture est décidée depuis 2009.

« L’ouverture à la concurrence va entraîner une dégradation de la qualité de service »

Avant que le Sénat n’adopte cet article qui permet à la RATP de créer des filiales pour répondre à des appels d’offres localement, ce sont les sénateurs communistes qui sont montés au créneau pour en dénoncer les conséquences. « L’horizon porté par l’Union européenne dans le domaine des transports est depuis des décennies toujours la même :  la concurrence, toujours la concurrence, encore la concurrence » a d’abord rappelé, « à quelques semaines du scrutin européen », la présidente du groupe CRCE (à majorité communiste), Eliane Assassi, élue de Seine-Saint-Denis.

« L’ouverture à la concurrence va entraîner une dégradation de la qualité de service » met en garde la sénatrice PCF du Val-de-Marne, Laurence Cohen. « Le gouvernement organise un démantèlement progressif de la RATP » ajoute son collègue communiste Pascal Savoldelli. La « stratégie d’allotissement par Ile-de-France mobilités (ex-STIF) mettra brutalement fin au monopole de la RATP pour l’exploitation des lignes de bus », « nous estimons que ce morcellement de l’entreprise historique (…) porte le risque de sa privatisation rampante » ajoute Pascal Savoldelli. Sa crainte porte aussi sur de possibles contrats au rabais dans le privé.

« L’ouverture à la concurrence est là. C’est un fait »

« L’ouverture à la concurrence est là. C’est un fait » a répondu pour la commission du développement durable, le sénateur LR de Vendée Didier Mandelli, qui s’est opposé à l’amendement de suppression des communistes.

« Je ne suis pas un fou furieux de la privatisation » a souligné le sénateur LR des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi. « Mais c’est comme ça, il y a plus de 10 ans, au niveau européen, il a été décidé que les entreprises ne pouvaient rester en situation de monopole et qu’il fallait ouvrir à la concurrence. (…) A partir de là, comment prendre le maximum de garanties sur les droits du personnel, les garanties sociales » ajoute ce soutien de la présidente LR de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse.

« Je rappelle que les directives passent par le Parlement ou Conseil européen et derrière ça, il y a des partis politiques »

« Monsieur Karoutchi, quand vous citez l’Union européenne, on a l’impression que c’est un ovni, qu’on serait obligé. Je rappelle que les règlements et directives passent par le Parlement ou Conseil européen et derrière ça, il y a des partis politiques. Vos collègues de votre sensibilité siègent au Parti populaire européen et ont voté des deux mains les paquets ferroviaires qui ouvrent à la concurrence, comme le Parti socialiste européen. Seul notre groupe s’y est opposé » lui a répondu Fabien Gay, sénateur PCF de Seine-Saint-Denis, qui ironise sur la capacité du gouvernement à « préparer le démantèlement de la SNCF et de la RATP » (voir la vidéo).

« La maîtrise publique des services publics ne signifie pas forcément que le politique gère tout obligatoirement en régie. Dans le transport urbain, des autorités organisatrices de transport (…) ont pu gérer avec efficacité des réseaux de transport » a souligné de son côté le sénateur PS Olivier Jacquin. S’il estime que « ces histoires de filialisation autour de la RATP sont assez inquiétantes » et nécessitent de « reprendre cette notion de sac à dos social », le groupe PS a pourtant adopté l’article 38. Le groupe CRCE, qui a demandé un scrutin public permettant de connaître le détail du vote, a été le seul a voté contre.

Elisabeth Borne veut « la mise en place de garanties sociales de haut niveau pour les salariés »

Face à ce remake du débat de l’ouverture du secteur ferroviaire, la ministre des Transports, Elisabeth Borne, a voulu recadrer : « Nous ne sommes pas en train de débattre de l’ouverture à la concurrence des réseaux de la RATP, sujet voté il y a plus de 10 ans. Nous sommes en train de définir le cadre social dans lequel cette ouverture va se faire ». Elle a défendu le bien-fondé de cet article. « Il vise à permettre à la RATP de créer des filiales. A défaut, elle serait exclue des futurs appels d’offres, notamment pour les réseaux de bus » a fait valoir la ministre, qui connaît bien l’entreprise pour avoir été à la tête de la RATP de 2015 à son entrée au gouvernement.

Pour la ministre, l’enjeu est surtout l’article suivant. « Vous donnez l’impression que tout cela est fait sans cadre social. Or c’est l’objet de l’article 39 de proposer un cadre social territorialisé pour que l’ouverture prenne en compte les règles sociales du secteur » insiste Elisabeth Borne. Cet article « assure la mise en place de garanties sociales de haut niveau pour les salariés ». Pour les agents de la RATP qui pourraient être amenés à passer au privé, « à l’instar des agents de la SNCF, il faut tenir compte de leur situation de départ pour déterminer les garanties qu’ils sont susceptibles de conserver en cas de transfert ».

Amendements de dernière minute

Pour préciser ces garanties, le gouvernement a déposé plusieurs amendements de dernière minute au texte. Ils visent « à tenir compte de la cinquantaine de réunions de concertation tenues depuis près d’un an » fait valoir la ministre. Le but : avoir « un dispositif équilibré pour les conducteurs de bus ». D’autres amendements sont à venir lors du passage du texte à l’Assemblée nationale pour « définir les conséquences du refus de transfert ».

Une manière de faire que dénoncent, là aussi, les communistes. « Nous regrettons l’impréparation du gouvernement qui revient par voie d’amendement pour donner du contenu, comme il l’a fait sur réforme ferroviaire » pointe Eliane Assassi. Pour la sénatrice PCF, c’est tout vu : « Cette manière de légiférer, c’est pratique. Cela vous dédouane d’une étude d’impact et surtout d’un avis du Conseil d’Etat… »

 

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