Lubrizol : Elisabeth Borne propose la création d’« un délit d’atteinte générale à l’environnement »

Lubrizol : Elisabeth Borne propose la création d’« un délit d’atteinte générale à l’environnement »

« Il y a peut-être des trous dans la raquette sur les sanctions en termes d’atteinte à l’environnement » a estimé la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, lors de son audition devant la commission d’enquête du Sénat sur l’incendie de l’usine de Lubrizol.
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Cinq mois jour pour jour après l’incendie de l’usine de Lubrizol, à Rouen, la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, a été auditionnée ce jeudi 26 février par la commission d’enquête du Sénat sur l’évaluation de l'intervention des services de l'État dans ce terrible incendie, qui a remis en lumière la question du risque industriel en France.

Pas de questions à l’avance pour la ministre

L’audition de la ministre par la commission d’enquête intervient alors qu’elle a déjà présenté son plan de prévention des risques industriels, il y a deux semaines. Ce qu’avaient peu apprécié les sénateurs.

Alors ce mercredi soir, le président de la commission d’enquête, le centriste Hervé Maurey, n’a pas voulu faire de cadeau à la ministre. « On n’a pas répondu aux attentes de votre cabinet qui souhaitait avoir les questions avant l’audition, on ne procède pas comme ça au Sénat », (ba)lance celui qui préside aussi la commission du développement durable…

« Traces de soufre, de zinc, de phosphore »

Concernant les conséquences sanitaires de la pollution, la ministre se montre rassurante. « Pour l’alimentation, 500 prélèvements ont été réalisés. Les résultats ont été inférieurs aux normes applicables » dit-elle. Sur les retombées, la ministre parle de « quelques traces de soufre, de zinc, de phosphore » mais « leur très faible concentration ne nécessite pas de mesure particulière ».

Quant au devenir de l’eau polluée de la darse, elle n’est en revanche pas capable de répondre clairement. Lors de l’incendie, les milliers de m3 d’eau utilisés par les pompiers se sont retrouvés dans un bassin du port de Rouen, la darse, qui donne directement sur la Seine. Un barrage avait été installé. « L’eau collectée a été envoyée dans des sites de dépollution de la région. Mais je vais vérifier » dit la ministre.

« Les sanctions encourues (…) sont insuffisantes au regard de l’ampleur du préjudice »

Lors de son audition, la ministre a évoqué la création de nouvelles sanctions sur le volet responsabilité. « Je pense qu’il y a peut-être des trous dans la raquette sur les sanctions en termes d’atteinte à l’environnement, qui pourraient justifier d’avoir un délit d’atteinte générale à l’environnement, comme on a des délits de mise en danger de la vie d’autrui. C’est une réflexion qu’on est encore en train d’approfondir » affirme Elisabeth Borne, répondant à une question du sénateur LR, Jean-Pierre Vial (voir la vidéo). Le sénateur de la Savoie souligne que le droit a évolué au cours du temps, entre « Seveso, AZF à Toulouse, l’Erika et aujourd’hui Lubrizol ». « On a eu un principe de responsabilité qui était celui du droit commun, puis avec l’Erika on a eu le principe de pollueur/payeur, et en 2106, le préjudice écologique » rappelle Jean-Pierre Vial.

La ministre paraît décidée à aller plus loin. « Il me semble que, dans un certain nombre de cas, les sanctions encourues pour non-respect d’un certain nombre de prescriptions sont insuffisantes au regard de l’ampleur du préjudice » selon Elisabeth Borne, qui a « en tête le cas d’un industriel dans le centre de la France dont les stockages ont brûlé pendant trois mois d’affilée », qui est seulement « passible aujourd’hui d’une sanction pour non-respect des capacités de stockage sur son site ». « Outre la convention judiciaire écologique (lire notre article sur le sujet, ndlr), on aura à réfléchir sur la façon dont on traite ce genre de situation, où la sanction n’est manifestement pas à la hauteur du préjudice » ajoute Elisabeth Borne.

Augmentation de 50% des contrôles : un « effet d’annonce » selon les sénateurs

Lors de la présentation de son plan de prévention des risques, l’une des principales annonces de la ministre avait été l’augmentation de 50%, d’ici la fin du quinquennat, du nombre annuel de contrôles sur les sites industriels Seveso.

Objectif qui laisse plus que dubitatifs plusieurs sénateurs. « Nous nous interrogeons sur la tenabilité d’un tel objectif » souligne Hervé Maurey. Christine Bonfanti-Dossat, co-rapporteure de la commission, regrette le manque d’effectif : « Les inspecteurs aimeraient être aidés par de nouveaux inspecteurs ». Pour le sénateur LR Jean-François Husson, c’est carrément « un effet d’annonce un peu inutile ».

« Est-ce opportun d’alléger les contraintes environnementales après ce qui s’est passé ? »

La sénatrice PS Nicole Bonnefoy, l’autre co-rapporteure, a de son côté pointé, comme plusieurs de ses collègues, les conséquences en terme environnemental du projet de loi « ASAP » sur l'accélération et la simplification de l'action publique. Son article 24 « rend facultatif la consultation par le préfet, pour les installations classées, du CODERST », c’est-à-dire le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, qui produit des avis. Même la sénatrice LREM Françoise Cartron « partage les doutes quant au signal qu’on pourrait envoyer dans le contexte actuel, par rapport à la loi de simplification. C’est bien de faire confiance aux préfets. Parfois, après, c’est un peu compliqué ». « Autrement dit, est-ce opportun d’alléger les contraintes environnementales après ce qui s’est passé ? » résume Hervé Maurey.

Pour Elisabeth Borne, pas de problème : « Je ne partage pas cette lecture », dit la ministre, même si elle « sait que certaines ONG environnementales ont soulevé des questions ». Elle reconnaît qu’« il y a des symboles ». Mais la ministre fait confiance aux préfets pour lancer les consultations sur les dossiers les « plus sensibles ».

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