Mission d’information sur la vie étudiante : « Le présentiel est la réponse au mal-être des étudiants »

Mission d’information sur la vie étudiante : « Le présentiel est la réponse au mal-être des étudiants »

La mission d’information sur la vie étudiante auditionnait ce jeudi les représentants des Présidents d’universités, des grandes écoles et des classes préparatoires. Des cursus, des statuts, des effectifs et des contraintes spécifiques à chacune, mais avec une problématique commune : répondre aux difficultés des étudiants, qui existaient avant la crise, mais qui ont été mises en exergue ces derniers mois.
Public Sénat

Par Fanny Conquy

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Pour Alain Bui, Président de la commission vie étudiante et vie de campus à la Conférence des présidents d’Université (CPU) : « Le présentiel est la seule réponse au mal-être des étudiants ». Malgré tout ce qui a pu être mis en place, en termes d’équipement informatique, d’accompagnement en ligne, les cours à distance ont créé un isolement chez les étudiants. Et pour Alain Bui, il faut faire confiance aux universités : « Après un an de crise, pour éviter le décrochage il faut accueillir les jeunes dans les universités. Elles sont en capacité de le faire en respectant les protocoles sanitaires. »

Les situations sont diverses sur l’ensemble du territoire national : la taille et l’organisation des établissements sont très variables, l’accueil ne peut donc pas être uniforme dans toutes les universités de France. Alain Bui, a ainsi plaidé pour plus autonomie : « Il faudrait qu’on nous laisse accueillir 70 % étudiants si les lieux le permettent, et 30 % par exemple, si les locaux sont moins adaptés. » Dans les instituts universitaires de technologie (IUT) par exemple, « l’organisation est proche de celle du lycée, en groupe, donc pour les présidents il serait possible d’adapter les jauges dans les classes. »

La santé mentale des étudiants

Raphaël Costambeys-Kempczynski, délégué général de l’Alliance Sorbonne Paris Cité a souligné l’importance majeure de la santé mentale des étudiants, qui a été mise à rude épreuve cette année. « On sait qu’à cet âge-là, chez les jeunes adultes, il peut y avoir des fragilités. C’était vrai avant, et ça s’est accentué pendant la crise sanitaire. On est tous conscient des difficultés. »

Pour Raphaël Costambeys-Kempczynski, l’enseignant semble être le meilleur point de contact entre les élèves et l’université. « Mais cela s’accompagne. C’est difficile d’être face à des étudiants en difficulté, identifier leur problématique, les gérer, savoir les orienter vers les services appropriés, savoir comment entamer une démarche d’accompagnement. »

Contribution de vie étudiante et de campus

Depuis 2018, la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) est obligatoire pour les étudiants. C’est une somme de 92 euros à régler, et qui permet de contribuer au fonctionnement du campus. Pendant la crise, les universités ont pu utiliser ce budget pour financer des aides sociales pour les étudiants en difficulté : alimentation à travers des épiceries solidaires par exemple, produits de première nécessité, outils informatiques…

Alors faudrait-il flécher cette ressource ? Laurence Canteri, vice-présidente du Conseil de la vie universitaire de l’Université de Lorraine, alerte : certes, cette aide a pu être mise en place très vite, pour répondre à la situation d’urgence, mais au détriment d’autres projets. « Il y a une hétérogénéité des établissements qu’il faut prendre en compte. Cela pourrait créer une contrainte pour certaines universités ». Pour Laurence Canteri, il faut donc être prudent avec l’idée de fléchage de cette contribution. « En Lorraine par exemple, l’accent a été mis sur les sites distants, pour avoir du renfort sur le temps infirmier par exemple, ou sur le développement du sport pour faire vivre les campus plus petits et plus éloignés, pour fournir un bon niveau de service aux étudiants. »

Les grandes écoles

Pour les grandes écoles, où le sentiment d’appartenance à une promotion est fort, le confinement a été très difficile. « A Polytechnique c’est la première fois de l’Histoire que nous fermions le campus », souligne François Bouchet, directeur général de l’École Polytechnique et président de la commission vie étudiante au sein de la Conférence des grandes écoles (CGE). La situation a été d’ailleurs particulièrement critique pour les nombreux étudiants étrangers en internat qui n’ont pas pu rejoindre leur famille à l’étranger.

Une des difficultés pour les étudiants des grandes écoles fut la recherche de stage pour valider leur année. Certains cursus en effet, comportent un stage obligatoire, comme en école d’ingénieurs par exemple. Des solutions ont été trouvées, tout d’abord avec des assouplissements. François Bouchet explique « à l’impossible nul n’est tenu. Il n’y a donc pas eu de pénalité pour les étudiants qui n’avaient pas pu trouver de stage. Un système d’équivalence a été mis en place ». Par ailleurs, François Bouchet souligne la performance du réseau des anciens élèves et des entreprises partenaires qui ont pu accueillir certains élèves, même à distance.

Des frais de scolarité justifiés ?

Laurent Lafon, rapporteur de cette mission d’information, a abordé la question du coût de la scolarité dans les grandes écoles. Des tarifs en hausse, qui obligent de nombreux étudiants à solliciter des emprunts bancaires. Pour François Bouchet, « il faut gérer un paradoxe : on veut s’ouvrir à la diversité sociale, c’est une demande forte du gouvernement, et en même temps les grandes écoles ont besoin de ressources financières pour conserver leur excellence au niveau international. Les classements favorisent la qualité de l’enseignement, mais aussi la recherche, l’innovation. C’est ce qui explique la hausse des droits de scolarité ».

Pour le président de la commission vie étudiante au sein de CGE, certains étudiants ont effectivement posé la question du montant des frais de scolarité, alors qu’en période de crise sanitaire, la qualité des prestations n’était plus la même.  « Il y a une incompréhension d’avoir payé très cher alors qu’ils n’auront pas les services du campus, pas de sport, pas de vie associative ». Mais ce qui justifie aussi ce coût, c’est la qualité du diplôme et l’employabilité sur le marché du travail. « Et quand on regarde, pour le moment il n’y a pas d’impact de la crise. Les premiers retours sont rassurants. Donc le diplôme a toujours la même valeur. On ne peut pas fragiliser notre modèle en baissant les frais, il faut que l’on propose toujours le meilleur à nos étudiants ». Par ailleurs, François Bouchet a rappelé que chaque année, de nombreux élèves issus de familles modestes étaient totalement exemptés de frais de scolarité, pour permettre ainsi aux plus méritants d’intégrer les grandes écoles.

 

Des classes préparatoires en présentiel

Les cours en classe préparatoire s’effectuent en présentiel, une différence avec les étudiants des universités, qui a pu susciter des tensions. Mais les directeurs d’établissements auditionnés ce jeudi par les sénateurs ont rappelé leur statut hybride : les élèves de classe préparatoire sont dans l’enseignement supérieur, mais suivent leurs cours dans des lycées. Et la taille des établissements, bien plus restreinte que celle des universités, a permis aux chefs d’établissement de contrôler très scrupuleusement le respect des gestes barrières, comme dans le secondaire.

Eric Chenal, proviseur du lycée Carnot à Dijon, et Patrick Fournié, proviseur du lycée Janson de Sailly à Paris, ont tous deux insisté sur la question de l’accompagnement psychologique dans les classes préparatoires. « Des cursus très durs, très exigeants, qui déjà en temps normal, peuvent susciter des fragilités psychologiques. Et cela a été accentué par la crise. » Mais là encore le statut hybride des classes préparatoires a été souligné : « Les psychologues scolaires sont généralement dédiés aux élèves du secondaire, pas à ceux de classe prépa. On trouve des solutions pour accompagner ces étudiants, mais les situations sont très variables d’un établissement à l’autre. La crise a souligné cette ambiguïté : il y a des étudiants aussi dans les lycées. Et leur prise en charge psychologique n’a pas été toujours simple. »

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