Olivier Marleix élu président du groupe à l’Assemblée nationale face à la jeune garde LR

Olivier Marleix élu président du groupe à l’Assemblée nationale face à la jeune garde LR

Alors qu’Olivier Marleix vient d’être élu à la tête du groupe LR à l’Assemblée nationale, certains y voient le choix d’une ligne dite « dure », proche de Laurent Wauquiez. Mais pour Emilien Houard-Vial, doctorant et enseignant à Sciences Po, si la candidature de Julien Dive pour la présidence du groupe témoigne d’une différence de cultures entre générations, l’élection d’Olivier Marleix témoigne plutôt d’un choix du sérieux qui correspond au rôle d’opposition constructive que les LR veulent occuper lors de la nouvelle législature.
Louis Mollier-Sabet

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Sans surprise, Olivier Marleix a été élu ce mercredi à la présidence du groupe LR à l’Assemblée nationale. Le député d’Eure-et-Loir a battu Julien Dive par 40 voix contre 20 et une abstention, dans une élection où il faisait figure de favori après avoir déjà candidaté au poste face à Damien Abad en 2019, sans succès. Cette élection est d’abord un choix sur la personnalité du chef d’orchestre des LR lors de la prochaine législature, au profil plus souverainiste – il avait présidé la commission d’enquête sur les fusions d’Alston, Alcatel et STX – et technique – chargé du projet de campagne de Valérie Pécresse – que son concurrent. « C’est un peu tiré par les cheveux d’y voir un choix de ligne idéologique », analyse ainsi Emilien Houard-Vial, doctorant et enseignant à Sciences Po et spécialiste des partis de droite. « On peut trouver plus radical qu’Olivier Marleix au sein de LR, il n’est pas connu pour parler de thèmes d’immigration, d’identité comme peuvent le faire Laurent Wauquiez, Nadine Morano ou Éric Ciotti. Il a pu avoir quelques conflits avec Macron, en disant qu’il avait bradé l’industrie française, mais sans être non plus dans une position trop souverainiste ou particulièrement à droite par rapport aux standards de LR. »

Olivier Marleix et Julien Dive « incarnent des formes d’opposition similaires à Emmanuel Macron »

Tout comme Olivier Marleix n’est donc pas vraiment sur « la ligne Wauquiez », Julien Dive n’incarnait pas non plus pour le chercheur une « ligne » si identifiable au sein de LR : « Je ne sais pas trop ce qu’est la ‘ligne Bertrand’. Il a tenté de construire quelque chose en 2016, sur la décentralisation et l’assistance aux plus précaires, mais ça s’est diffusé largement au sein du parti, et même dans le programme de Pécresse. Par ailleurs ce n’est pas du tout incompatible avec les positions de Marleix. » Si Julien Dive entretient des « liens personnels » avec celui auquel il a succédé dans la 2ème circonscription de l’Aisne, Emilien Houard-Vial ne voit pas véritablement d’opposition idéologique entre Olivier Marleix et Julien Dive, qui, d’après lui, « incarnent des formes d’opposition assez similaires à Emmanuel Macron, sur la ligne ‘on est dans l’opposition mais on votera les textes qui nous plaisent’. »

En revanche, la candidature de Julien Dive témoignerait bien d’une certaine frustration des « jeunes », arrivés depuis 2012 à l’Assemblée nationale, et qui ont eu des trajectoires politiques bien différentes de leurs aînés : « Cette jeune génération n’a pas eu de mots particulièrement durs sur les questions idéologiques, ils ont plus pointé des gens comme Jean-François Copé, Rachida Dati ou Brice Hortefeux, qui ont eu des responsabilités ministérielles et nationales et qui apparaissent aujourd’hui, à leurs yeux, comme des commentateurs professionnels détachés des préoccupations quotidiennes des Français. L’unité de cette génération [Pierre-Henri Dumont, Aurélien Pradié, Julien Dive, Raphaël Schellenberger ou Virginie Duby-Müller, ndlr] c’est qu’ils se sont faits par le militantisme, des postes d’élus locaux dans des territoires au mieux périphériques, voire carrément ruraux. Ils ne sont pas élus de grandes circonscriptions de région parisienne. »

« Marleix n’est pas vu comme un magouilleur »

La génération précédente a en effet relativement rapidement connu les portefeuilles ministériels et la pratique du pouvoir, dont ils ont tiré leur légitimité, et c’est d’ailleurs ce rapport aux années Sarkozy et les déchirures qui ont suivi qui différencie les « jeunes » du groupe des autres députés LR : « La plupart ont commencé à être élus une fois que Sarkozy était parti, ils n’ont pas été concernés par les diverses intrigues politiciennes et les guerres de clans qui ont souvent agité les anciens de LR. Les anciens étaient pris dans des jeux de faction, alors que pour des élus qui ont émergé dans un parti en déclin, les factions ressemblent à un luxe. » Pour autant, cette différence de socialisation, de légitimité et de trajectoires politiques ne doit pas conduire à « exagérer la confrontation », pour Emilien Houard-Vial : « Le choix d’Olivier Marleix est aussi lié au fait qu’il n’y a plus de grande figure de LR à l’Assemblée nationale, ou en tout cas que celles-ci ont compris qu’il était plus simple de rester dans leurs collectivités. Il est connu pour son travail à l’Assemblée nationale, s’il faut incarner une opposition à Macron, il a montré qu’il pouvait y aller, avec une parole claire, structurée. »

Sans oublier que dans la droite française, « la jeunesse peut difficilement être un argument en soi pour gagner. LR reste un parti qui fonctionne quand même au prestige, et qui a tendance à valoriser les gens qui ont le plus de médailles sur leurs vestes. » En clair, avec Olivier Marleix, LR fait le choix du sérieux, et surtout de quelqu’un « qui ne jouera pas son agenda personnel. » « Marleix n’est pas vu comme un magouilleur, il a gravi les échelons progressivement, on ne peut pas l’accuser d’arrivisme. En dehors même des questions de ligne, LR avait besoin de quelqu’un de ‘corpo’pour être audible, parce qu’il y a un enjeu d’unité », explique le chercheur, en soulignant à cet égard le rôle des « whip » qui ont pour mission de « vérifier que tout le monde vote bien comme il faut » dans le groupe. Un costume qu’avait justement endossé Julien Dive lors de la dernière législature, et qui pourrait mettre cette expérience à profit.

Olivier Marleix : « le choix d’une éthique gouvernementale »

Pour Emilien Houard-Vial, le débat n’est actuellement « pas si polarisé » au sein de LR, et toutes les lignes sont finalement d’accord sur l’attitude à avoir à l’égard d’Emmanuel Macron. C’est encore plus vrai au sein du groupe parlementaire, un « parti dans le parti », qui a son propre agenda et qui jouera d’après lui le jeu du travail parlementaire, dans un registre de « sérieux » qui correspond au chef de file élu aujourd’hui : « L’opposition à l’Assemblée nationale est toujours entre deux rôles traditionnels. Il y a un rôle de parleur, un travail de tribunicien, pour porter la voix des mécontents, puis il y a un rôle de faiseur, avec des députés qui jouent le jeu des commissions en essayant d’orienter les textes de loi. Le groupe LR va tenter de renvoyer l’image de députés qui ont conscience que leurs votes ont un impact sur la réalité quotidienne des Français, en affichant une sorte d’éthique de gouvernement. Même les plus radicaux expliquent qu’ils seront responsables et qu’ils ne feront pas comme le Rassemblement national. »

Le vrai moment de choix d’une ligne politique devrait donc plutôt être l’élection du prochain président de LR fin octobre prochain. Cette différence de culture entre les générations s’y jouera peut-être dans un registre plus politique que la présidence du groupe à l’Assemblée nationale, puisque Laurent Wauquiez et Aurélien Pradié sont pressentis comme candidats potentiels.

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