« On ne peut être que satisfaits » : le plan d’Emmanuel Macron contre les feux de forêt salué au Sénat

« On ne peut être que satisfaits » : le plan d’Emmanuel Macron contre les feux de forêt salué au Sénat

Les annonces du chef de l’État en faveur de la prévention et du combat contre les incendies – risque accentué par le réchauffement climatique – ont été favorablement accueillies auprès des cadres d’une mission du Sénat spécialisée sur le sujet. Beaucoup de propositions de l’Élysée font écho à leur rapport.
Guillaume Jacquot

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Après une « saison en enfer », selon les mots d’Emmanuel Macron, l’heure de la reconnaissance et des réponses opérationnelles face aux incendies. Cet été, la France a été particulièrement éprouvée par le feu. 72 000 hectares sont partis en fumée, six fois plus que la moyenne des dix dernières années. Un département sur deux a été concerné par des feux significatifs. « Il nous faut nous adapter à cette transformation du risque. Cette année exceptionnelle ne le sera peut-être pas tant », a mis en garde le président de la République ce 28 octobre, lors d’une cérémonie d’hommage à l’Élysée aux acteurs de la lutte anti-incendie. Face à près de 300 personnes – pompiers, élus, bénévoles – Emmanuel Macron a surtout présenté ce vendredi une « stratégie nouvelle » de lutte et de prévention contre les incendies, avec des moyens renforcés, alors que le réchauffement climatique risque d’accroître la fréquence et l’ampleur de ces catastrophes.

La réponse présidentielle semble avoir fait mouche auprès du groupe sénatorial qui travaille depuis le printemps sur la prévention et la lutte contre l’intensification des incendies. Plusieurs annonces ou confirmations d’engagements se recoupent avec le long rapport de 70 recommandations de la chambre haute, dévoilées cet été « pour éviter l’embrasement ». « Je salue l’approche. La prévention, la lutte et le reboisement : c’est exactement ce que nous avons décliné », applaudit Pascal Martin, sénateur Union centriste, présent à l’Élysée.

« C’est la première fois qu’au niveau national, on a des propositions de type là. Il faut reconnaître qu’elles vont tout à fait dans le sens des conclusions de notre rapport. On ne peut être que satisfaits », accueille positivement le sénateur du Var Jean Bacci (LR), lui aussi convié au palais. Il ajoute néanmoins : « On va désormais voir comment les choses sont gérées. » Retenue pour des engagements dans sa circonscription de Côte-d’Or, Anne-Catherine Loisier s’est « réjouie » également des échos de ses collègues. Rapporteure elle aussi de la mission sénatoriale, elle insiste sur la « mise en œuvre » désormais du plan d’Emmanuel Macron. « La saison va vite arriver », avertit-elle.

Renouvellement et accroissement de la flotte de Canadair

L’un des volets les plus visibles du programme d’investissements matériels concernera la remise à niveau de la flotte aérienne de la sécurité civile. Le président de la République a promis un « réarmement aérien d’urgence » à hauteur de 250 millions d’euros. « Nous allons investir massivement pour que d’ici la fin du quinquennat » en 2027, les douze Canadair déjà en service « soient remplacés et que leur nombre soit porté jusqu’à 16 » (dont deux dans le cadre d’un programme européen), a-t-il précisé. Les incendies de l’été ont mis en évidence une fois encore l’état de vieillissement avancé de ces aéronefs, dont la production a été arrêtée en 2015. Insistant sur un « volume inédit », le chef de l’État a indiqué que « seule une commande massive permettra de rouvrir les lignes de production ».

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Le renforcement des moyens aériens était la première des propositions sénatoriales consacrées aux nouveaux moyens de lutte à la hauteur du risque d’incendie. Françoise Dumont (LR) se montre toutefois très réservée sur le calendrier promis par le chef de l’État. « On ne peut pas nous dire d’un côté que les lignes de production ne sont pas relancées, et de l’autre, dire qu’on 12 Canadair neufs en 2027. Je veux bien que l’on fasse des effets d’annonce, mais il faut dire la vérité. »

Autre rallonge budgétaire promise par l’Élysée ce vendredi : l’État va abonder de 150 millions d’euros supplémentaires l’an prochain les investissements dans les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) pour renforcer les capacités matérielles et les moyens humains. Ancien président de conseil départemental, le sénateur Pascal Martin exprime quelques doutes. « Il faudra être plus ambitieux dans les inscriptions budgétaires », s’inquiète cet ancien colonel des sapeurs-pompiers.

Spécialiste du budget de la sécurité civile, la sénatrice Françoise Dumont considère que la somme reste « bien mieux » que ce qui était prévu. « Pour obtenir 150 millions euros, la bataille a été dure », confie-t-elle. « J’espère que les départements auront une capacité à abonder. Là est la question. » Globalement, l’amélioration de la force de frappe est un « premier pas qui en appelle d’autres », selon elle. Signe que la demande était prégnante, le discours présidentiel a été bien accueilli à l’Assemblée des départements de France (ADF). « Il était temps que l’Etat prenne toute sa part », a déclaré son président François Sauvadet.

Le Sénat force de proposition sur le soutien aux sapeurs-pompiers volontaires

Mais que seraient les nouveaux véhicules sans soldats du feu ? Avant d’aborder le matériel, Emmanuel Macron a promis un « plan de soutien au volontariat » dans les SDIS. Le président de la République souhaite notamment « allonger la durée pendant laquelle les entreprises pourront libérer leur sapeur-pompier volontaire », en indemnisant « mieux les entreprises citoyennes ». Saluant le « travail des parlementaires », Emmanuel Macron s’est dit « prêt à ce qu’on aille encore plus loin ».

Les idées sont déjà sur la table. « On ne fait que reprendre une proposition du Sénat », rappelle la sénatrice centriste Anne-Catherine Loisier. « Il y a un vivier majeur de sapeurs-pompiers volontaires dans les entreprises mais dont les employeurs ne sont pas prêts à signer la convention. C’est très important pour les employeurs qu’il y ait un retour de la mise à disposition de leurs salariés ». En 2021, lors de l’examen de la loi Matras sur le volontariat des sapeurs-pompiers, les sénateurs avaient introduit un système d’allègement de cotisations patronales, en contrepartie de la disponibilité de leurs salariés engagés dans la lutte contre les incendies. Le dispositif avait été retiré lors de la réunion de compromis avec les députés. Selon le rapport de la mission d’information sénatoriale, ce type de proposition est nécessaire pour atteindre l’objectif de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires en 2027. Actuellement, 50 000 manquent à l’appel.

Les rapporteurs de la mission sénatoriale peaufinent leur proposition de loi

Dans la « stratégie nouvelle » voulue par Emmanuel Macron, la prévention des risques incendiaires occupe également une large place. Le chef de l’État promet « une carte nationale à la maille la plus fine » pour recenser « les zones particulièrement vulnérables ». Pour mieux prévenir les départs de feux, l’Élysée plaide pour une clarification des responsabilités, et une simplification des règles, notamment pour l'application des obligations de débroussaillement, en permettant à la puissance publique de se substituer aux propriétaires « défaillants ». « Il faut élaguer ce maquis des règles. Nos sous-bois sont parfois enchevêtrés, nos textes également », a résumé Emmanuel Macron. « Il y a un défi de coordination. Il faut amener les gens à travailler ensemble », considère la sénatrice Anne-Catherine Loisier. Et il le faudra, dans une forêt française composée d’une multitude de propriétaires, pour aboutir à l’objectif présidentiel d’un milliard d’arbres replantés d’ici 2027.

Trois mois après un rapport nourri, les sénateurs n’en resteront pas là. Pour entreprendre les changements législatifs nécessaires à leurs recommandations, ils présenteront prochainement leur proposition de loi, une fois le marathon budgétaire achevé. Probablement en janvier 2023. Jean Bacci estime que l’exécutif est à l’écoute. « On travaille de façon très proche avec des missions ministérielles en cours. On a revu un coordinateur, il est prêt à appuyer nos revendications. » D’ici la présentation du texte, les investigations se poursuivent. « L’enjeu, c’est qu’on éprouve nos préconisations aux réalités de terrain », insiste Anne-Catherine Loisier.

Les réalités du terrain Anne Catherine Loisier et ses collègues de la mission sénatoriale sur la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, les connaissent bien. Comme en témoigne ce reportage de Mathilde Ibanez, qui les a suivi le 14 octobre dernier en Gironde. Les sénateurs sont allés à la rencontre des élus et des acteurs locaux afin de tirer le bilan des actions à mener après les incendies qui ont ravagé la région cet été.

 

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