On vous explique pourquoi la droite sénatoriale apparaît comme l’une des grandes gagnantes des législatives

On vous explique pourquoi la droite sénatoriale apparaît comme l’une des grandes gagnantes des législatives

Réunis ce mardi 21 juin en réunion de groupe, les sénateurs LR ont acté le renforcement inattendu du poids politique de la droite, après le fort recul du camp présidentiel aux élections législatives. Par extension, la majorité de droite et du centre au Sénat devrait voir son rôle dans la vie parlementaire passer au premier plan.
Romain David

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Comment (re)donner un centre de gravité à un paysage parlementaire qui a rarement été aussi fragmenté depuis la mise en place de la Ve République ? Difficile réflexion que celle engagée ce mercredi, en réunion de groupe, par les sénateurs LR, qui observent depuis dimanche soir, mi-attentifs mi-défiants, la recomposition chaotique de l’Assemblée nationale. Le second tour des législatives a scindé l’hémicycle en trois blocs distincts, l’attelage présidentiel (Ensemble !), l’union des principaux partis de gauche (NUPES) et l’extrême droite. Une situation qui, paradoxalement, replace la droite, sortie amoindrie de ce scrutin avec seulement 61 députés contre 101 en 2017, au centre du jeu politique ; les élus LR sont en mesure d’apporter à Emmanuel Macron, prisonnier d’une majorité relative, les voix salutaires à la mise en œuvre de son programme de réélection.

Il s’agit d’un véritable jeu d’équilibriste pour LR qui entend s’opposer sans participer à la paralysie de la vie politique – il y va de sa capacité à se revendiquer parti de gouvernement -, mais veut aussi à tout prix éviter l’écueil d’une dilution au sein de la macronie, qui l’a déjà largement dépouillé de ses forces vives. « Comment parvenir à incarner une opposition ferme sans bloquer le pays ? C’est compliqué », admet le sénateur LR des Hauts-de-Seine, vice-président du Sénat, Roger Karoutchi. La Chambre haute détient peut-être la clef de cette équation aux multiples inconnues. Le Sénat dispose d’une majorité claire – à droite – et qu’il devrait conserver, sauf énorme surprise, jusqu’à la fin du quinquennat. Le Palais du Luxembourg se trouve ainsi en capacité de mener un travail législatif qui risque d’être empêché du côté du Palais Bourbon par les querelles politiciennes.

Dès lors, à la charge des sénateurs LR de conduire un travail de fond sur les textes, susceptible de tirer à droite les réformes présentées par le gouvernement, tandis que les députés pourront conditionner leur soutien, sur tel ou tel projet de loi, à la ratification des modifications opérées par les sénateurs. « Si dans le débat parlementaire, le gouvernement accepte un certain nombre de nos propositions, on avancera. Si le gouvernement ferme tout, comme il l’a fait jusqu’ici, il se débrouillera sans majorité », balaye Roger Karoutchi. « Emmanuel Macron et son gouvernement vont devoir accepter des idées, des propositions, des textes venus de la droite, ce qui, je le reconnais, va compliquer la gestion de sa majorité avec des gens issus de la gauche. »

» Lire aussi - Législatives : le rôle charnière de LR à l’Assemblée nationale, loin d’être confortable

Emmanuel Macron consulte, la droite attend qu’il mette « des propositions sur la table »

Emmanuel Macron reçoit jusqu’à mercredi les représentants des principales forces politiques qui prendront place dans la nouvelle Assemblée nationale. « Jamais on ne sera dans le blocage des institutions mais il n’est pas question de rentrer dans une logique de pacte de coalition, de participation ou de quoi que ce soit de cette nature », a rappelé mardi matin le président des LR Christian Jacob, au sortir de sa rencontre avec le chef de l’Etat. « C’est lui qui est président de la République, c’est lui qui est demandeur de ce rendez-vous, c’est à lui de mettre des propositions sur la table », a-t-il ajouté. « Je suis surpris que ce soit le président de la République qui organise ces consultations, et non pas la Première ministre, qui aura à gérer ce contexte à l’Assemblée nationale et à dégager des majorités », relève le sénateur Laurent Lafon, membre du groupe centriste, les principaux alliés de la droite au Sénat.

En marge de ces rencontres, le Conseil des ministres a été annulé et Élisabeth Borne, qui a vu sa démission de courtoisie retoquée par le chef de l’État, a réuni en début d’après-midi, les membres du gouvernement de manière plus informelle. Cette fébrilité trahit la situation particulièrement inconfortable dans laquelle se trouve désormais l’exécutif, et qui laisse de marbre la majorité sénatoriale. « Emmanuel Macron va essayer de trouver une majorité à travers une stratégie d’accords au coup par coup », commente le sénateur LR François-Noël Buffet, président de la commission des lois. « Je n’attends pas grand-chose de ces consultations, sauf s’il décidait de changer de méthode, de façon de faire et, sur un certain nombre de sujets, de position. »

Contrôle, propositions et contre-pouvoir

L’élection du président du groupe LR à l’Assemblée nationale, mercredi matin, devrait apporter plus de clarté sur la manière dont le Palais du Luxembourg et le Palais Bourbon entendent travailler de concert. Le député de Dreux Olivier Marleix a confié à la presse locale son intention de candidater. Le député de l’Aisne Julien Dive s'est également positionné. Deux profils en phase avec la ligne d’indépendance défendue par le siège de la rue de Vaugirard. Si quelques voix, en tête desquelles celle de Jean-François Copé, le maire de Meaux, s’élèvent pour réclamer un pacte de gouvernement avec le camp présidentiel, cette attitude reste largement minoritaire ce qui éloigne le risque de fracture et limite celui des débauchages. « Sur quelque 200 parlementaires LR, cette position ne concerne que cinq ou six élus », indique Roger Karoutchi.

Durant les cinq années écoulées, la Chambre haute a largement fait montre de son action de contrôle de l’exécutif, à travers plusieurs commissions d’enquête, en tête desquelles celle sur l’affaire Benalla et, plus récemment, celle sur le recours aux cabinets de conseil ou les incidents en marge de la finale de la Ligue des champions. En prenant la main sur les travaux législatifs, le Palais du Luxembourg va voir sa capacité à bousculer le gouvernement encore élargie. « Le Sénat avait déjà trouvé sa place à l’occasion du premier quinquennat d’Emmanuel Macron : un pouvoir de contrôle et de propositions, et même un contre-pouvoir, a dit le président Larcher. Je crois que c’est encore plus vrai aujourd’hui. Le Sénat sera la seule chambre en capacité de dire des choses claires, de voter des choses claires, et d’être un véritable lieu de stabilité, ce que ne sera pas l’Assemblée nationale », commente le sénateur François-Noël Buffet. De quoi donner l’occasion à LR, au cours des cinq années à venir, de se démarquer comme principale force d’opposition, même après être arrivée derrière NUPES et le Rassemblement national lors du scrutin de dimanche dernier.

La droite sénatoriale, en mesure de peser dans la refondation de LR

Par ailleurs, la droite sénatoriale pourrait aussi profiter de cette situation pour reprendre l’ascendant sur la vie du parti. Par ricochet, son travail d’amendements viendra fixer des lignes directrices. « L’enjeu pour la droite républicaine est de redevenir majoritaire un jour, le plus rapidement possible, mais il faut d’abord passer par une phase de reconstruction. Cette reconstruction passera par le parti politique, évidemment, mais aussi par le fait que l’on prenne le temps de se poser, de mettre toutes les idées sur la table et de rénover un corpus idéologique », explique François-Noël Buffet.

Le travail de synthèse entre les différentes chapelles qui agitent le parti depuis plusieurs années, notamment entre les représentants d’une droite libérale alliée au centre, et les tenants d’un positionnement plus identitaire - que n’est pas parvenue à effectuer Valérie Pécresse pendant la présidentielle -, pourrait aboutir dans les couloirs du Sénat. Les élus aiment à rappeler la capacité du groupe, malgré sa diversité, à travailler de manière transpartisane, solidifiée par « des liens humains », selon une formule de son président Bruno Retailleau.

À moins que la bataille pour la succession de Christian Jacob, qui doit quitter la tête de LR dans quelques jours, ne fasse basculer le parti dans un camp ou l’autre. « Ce que je prône, c’est que cette fois le Sénat ne soit pas spectateur », martèle Roger Karoutchi. « La dernière fois, il n’y avait pas de candidat issu du Sénat, il n’y avait même pas, dans les équipes des candidats, des gens représentant le Sénat. On ne peut pas laisser faire ça plusieurs fois. Il faudra que le Sénat soit plus influent, à la fois dans nos fédérations et au niveau national. Pour participer à l’élaboration des projets du prochain candidat à la présidence de la République. »

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