Ordonnances : une proposition de loi pour « restaurer les pouvoirs du Parlement »

Ordonnances : une proposition de loi pour « restaurer les pouvoirs du Parlement »

Alors que le Sénat dénonce régulièrement le recours abusif aux ordonnances par l’exécutif, le sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur, a déposé une proposition de loi pour restaurer leur ratification par le Parlement.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

Temps de lecture :

3 min

Publié le

« Soyons lucides, le temps s’accélère », soulignait le président de la République lors de son discours prononcé pour le 60e anniversaire de la Constitution, en octobre 2018. Emmanuel Macron n’a jamais fait mystère de sa volonté d’accélérer le travail parlementaire, lui qui critiquait « une mécanique constitutionnelle qui demande plus de 12 mois pour faire voter une loi, qui requiert un trimestre tous les ans pour voter le budget, là où nos grands voisins s’en acquittent en quelques semaines ».

Au cours de son mandat, les projets de loi faisant l’objet de procédures accélérées sont devenus la norme et les ordonnances - qui permettent au gouvernement de prendre des mesures qui relèvent habituellement du domaine législatif - ont connu une inflation record. De quoi crisper une opposition - et même certains membres de la majorité - dont les pouvoirs se sont progressivement étiolés.

La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer le phénomène avec une succession de projets de loi d’état d’urgence sanitaire habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances. « Entre le 15 mars et le 31 décembre 2020, et tandis que d’autres habilitations sur des thèmes différents ont également été accordées, 90 habilitations en lien avec la pandémie de covid-19 ont été octroyées », note la direction de la séance du Sénat dans une étude sur les ordonnances.

La proposition de loi constitutionnelle déposée par le sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur, vise spécifiquement à encadrer les ordonnances en restaurant leur ratification par le Parlement. L’ancien président de la commission des Lois n’est pas le seul au sein de la Haute assemblée à s’émouvoir d’un « recours abusif » aux ordonnances par l’exécutif que la crise sanitaire ne saurait justifier. Le président du Sénat, Gérard Larcher, avait d’ailleurs chargé une délégation sénatoriale du contrôle et du suivi des ordonnances en octobre 2020.

« Le Conseil constitutionnel a inventé la législation par voie gouvernementale »

Par sa proposition de loi, Jean-Pierre Sueur entend revenir sur une récente jurisprudence du Conseil constitutionnel ayant eu plusieurs effets néfastes.

L’article 38 de la Constitution induit que les dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi ne sont considérées comme législatives qu’à compter de leur ratification par le Parlement. Mais la décision du Conseil constitutionnel de mai 2020 a changé la donne. Désormais, « les ordonnances ont valeur législative dès l’expiration du délai imparti au gouvernement pour les faire adopter, et ce même si ces ordonnances n’ont pas été ratifiées de manière expresse par le Parlement ».

Pour l’ancien président de la commission des Lois, « le Conseil constitutionnel a inventé la législation par voie gouvernementale » que la crise sanitaire ne saurait justifier puisque « la réforme de l’ENA ou celle du corps préfectoral » ont elles aussi été inscrites par ordonnances, sans que le Parlement n’ait été consulté.

Jean-Pierre Sueur insiste sur le risque d’une substitution de fait de l’exécutif au législatif. Son texte, très technique, à donc pour but de garantir « le respect des principes de la démocratie représentative et de l’Etat en cas de législation par ordonnances » en modifiant la Constitution de manière à ce que « seule la ratification expresse du Parlement confère valeur législative aux dispositions contenues dans des ordonnances ».

Dans la même thématique

Ordonnances : une proposition de loi pour « restaurer les pouvoirs du Parlement »
5min

Politique

Européennes 2024 : après le discours d’Emmanuel Macron, Olivier Faure veut saisir l’Arcom au nom de « l’équité » entre les candidats

Le Parti socialiste demande que le discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe, prononcé jeudi 25 avril à la Sorbonne, soit décompté des temps de parole et inscrit dans les comptes de campagne de la majorité présidentielle. Pour le patron du PS, invité de Public Sénat, le chef de l’Etat est devenu « candidat à cette élection européenne ».

Le

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
6min

Politique

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe : « Il se pose en sauveur de sa propre majorité, mais aussi en sauveur de l’Europe »

Le chef de l'Etat a prononcé jeudi 25 avril à la Sorbonne un long discours pour appeler les 27 à bâtir une « Europe puissance ». À l’approche des élections européennes, son intervention apparait aussi comme une manière de dynamiser une campagne électorale dans laquelle la majorité présidentielle peine à percer. Interrogés par Public Sénat, les communicants Philippe Moreau-Chevrolet et Emilie Zapalski décryptent la stratégie du chef de l’Etat.

Le

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
11min

Politique

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe : on vous résume les principales annonces

Sept ans après une allocution au même endroit, le président de la République était de retour à La Sorbonne, où il a prononcé ce jeudi 25 avril, un discours long d’1h45 sur l’Europe. Se faisant le garant d’une « Europe puissance et prospérité », le chef de l’Etat a également alerté sur le « risque immense » que le vieux continent soit « fragilisé, voire relégué », au regard de la situation internationale, marquée notamment par la guerre en Ukraine et la politique commerciale agressive des Etats-Unis et de la Chine.

Le

Police Aux Frontieres controle sur Autoroute
5min

Politique

Immigration : la Défenseure des droits alerte sur le non-respect du droit des étrangers à la frontière franco-italienne

Après la Cour de Justice de l’Union européenne et le Conseil d’Etat, c’est au tour de la Défenseure des droits d’appeler le gouvernement à faire cesser « les procédures et pratiques » qui contreviennent au droit européen et au droit national lors du contrôle et l’interpellation des étrangers en situation irrégulière à la frontière franco-italienne.

Le