Parlement : face à un mois de juillet surchargé, les sénateurs dénoncent « un embouteillage législatif »

Parlement : face à un mois de juillet surchargé, les sénateurs dénoncent « un embouteillage législatif »

Convoqué en session extraordinaire par le gouvernement durant le mois de juillet, le Parlement aura à examiner un nombre important de textes, dont la dernière lecture de la loi sur le séparatisme, la loi 4 D ou encore le projet de loi de finances rectificative. À la Haute Assemblée, les sénateurs dénoncent une « dénégation du travail législatif ».
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Par Jules Fresard

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« Ce programme est extrêmement copieux » établit avec son flegme habituel le sénateur socialiste et membre de la commission des lois Jean-Pierre Sueur, en référence à l’ordre du jour de la session parlementaire extraordinaire annoncée pour le mois de juillet.

Ces sessions, réunies sur décret du Président de la République à la demande du Premier ministre ou d’une majorité de députés, visent à prolonger la session ordinaire, qui court normalement du premier jour ouvrable d’octobre au dernier jour ouvrable de juin. L’objectif ? Continuer les discussions, ou les entamer, concernant les textes n’ayant pas pu être promulgués durant la session ordinaire.

Et celle qui s’apprête à débuter le mois prochain se caractérise par sa densité. Au total, selon le décret paru au Journal Officiel mardi 15 juin, ce seront 11 projets de loi, cinq propositions de lois et quatre projets de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux qui seront débattus au Parlement, le tout complété par un projet de loi de finances rectificative. Un programme particulièrement « copieux » donc, d’autant que parmi les textes à l’ordre du jour, plusieurs textes majeurs sont présents, comme la loi 4D ou le projet de loi sur la lutte antiterroriste.

Le point sur les textes

Pour y voir plus clair sur ce raz-de-marée législatif, publicsenat.fr fait le point sur les différents textes qui vont occuper une partie de la période estivale des députés et sénateurs.

Avec en tête de peloton le projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme. Adopté par l’Assemblée le 16 février, le projet de loi entend notamment encadrer de manière plus stricte l’enseignement à domicile tout comme l’attribution à des associations de subventions, qui devraient dorénavant s’engager à « respecter les principes et valeurs de la République ». Le Sénat avait voté une version beaucoup plus musclée du texte le 12 avril, poussant à l’organisation d’une commission mixte paritaire qui s’est soldée par un échec. Le texte fera son retour en séance publique au Palais Bourbon à partir du 29 juin pour la deuxième lecture après l’échec de la commission mixte paritaire (7 sénateurs et 7 députés se réunissent pour tenter de trouver un accord sur le texte), avant de revenir au Sénat.

Également à l’ordre du jour pour l’été, l’arrivée annoncée au Parlement du projet de loi relatif à la protection des enfants. Porté par le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles Adrien Taquet, ce texte devrait arriver en Conseil des ministres le 16 juin avant d’être débattu à l’Assemblée en première lecture durant la première quinzaine de juillet. Avec comme mesure annoncée celle de l’interdiction des placements hôteliers, dénoncés par les associations mais encore pratiqués par certains départements, responsables de la protection de l’enfance.

L’ordre du jour mentionne également la loi dite « 4D » ou relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. Elle est actuellement étudiée en commission au Sénat depuis le 9 juin, et sa première lecture à la Haute Assemblée devrait intervenir durant le mois de juillet. Elle prévoit de nombreuses dispositions, comme de confier aux régions volontaires la gestion de certaines routes nationales.

Parmi les projets de loi, est également mentionné celui relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, qui vise à fusionner le CSA et Hadopi, adopté au Sénat le 20 mai et discuté à l’Assemblée du 22 au 24 juin prochains, mais également le projet de loi constitutionnelle visant à instaurer l’environnement dans la Constitution, qui est de retour à l’Assemblée Nationale après un vote non conforme du Sénat.

Seront également d’actualité le projet de loi de finances rectificative, mais aussi plusieurs propositions de loi dont une « pour renforcer la prévention en santé au travail », adoptée en première lecture à l’Assemblée en février et actuellement à l’étude en commission au Sénat. La liste complète des textes est disponible ici.

Une surchauffe mettant en danger le travail législatif

Face à cet inventaire à la Prévert, Catherine Procaccia, membre de la commission des affaires sociales, est sans appel, « je trouve ça démesurément chargé ». « Cela fait 18 ans que je suis sénatrice, et il n’y a eu que deux années en 18 ans où nous n’avons pas eu de sessions extraordinaires. Mais généralement, elles se terminent vers le 15 ou le 20 juillet. Là, ça va se terminer fin juillet, j’ai rarement vu un agenda aussi rempli » analyse-t-elle.

Une surchauffe législative, qui fait craindre à la sénatrice centriste du Calvados Sonia de La Provôté un travail parlementaire incomplet dû au timing imposé. « Compte tenu de l’ordre du jour, il paraît compliqué d’avoir les moyens et l’efficacité de discuter pleinement de tous les sujets. C’est n’est pas la quantité de travail qui nous inquiète, on sait travailler, mais sa qualité. On ne nous donne pas les moyens de travailler efficacement et bien » juge-t-elle.

Constat partagé par Jean-Pierre Sueur. « Je regrette cet embouteillage, et je regrette qu’il n’y ait presque plus de procédure normale. Bon nombre de textes à l’ordre du jour sont en procédure accélérée, ce qui n’est pas conforme ni à la lettre, ni à l’esprit de la Constitution ». La procédure accélérée, prévue dans la Constitution, limite à une lecture par chambre l’analyse d’un projet de loi par le Parlement, contre deux lectures habituellement. Une disposition qui entend permettre au gouvernement de légiférer de manière plus rapide quand cela s’impose. Une mesure exceptionnelle donc, qui concerne aujourd’hui pourtant le projet de loi 4D.

« C’est toujours une mauvaise méthode de croire qu’à chaque événement, la réponse est dans une nouvelle loi. La réponse est bien souvent dans l’application des lois existantes. Il faut assurément moins de lois, et quand on légifère, il faut y passer beaucoup de temps, pour en peser chaque mot, avec des doubles lectures qui permettent la maturation nécessaire », conclut le sénateur du Loiret.

Une volonté de l’exécutif de légiférer avant les présidentielles ?

Pour les sénateurs interrogés, derrière ce mois de juillet chargé, se cacherait la volonté de l’exécutif d’acter un certain nombre de textes avant la présidentielle. « On a l’impression qu’il faut tout boucler, comme si la présidentielle était déjà là », lâche Catherine Procaccia. « Il y a des calendriers électoraux qui sont plus importants dans la tête de l’exécutif que d’autres. Avec cette envie de tout boucler avant la présidentielle de l’année prochaine, l’exécutif montre que le calendrier le plus important est bien celui-ci », juge de son côté Sonia de La Provôté.

D’autant que, toujours selon Catherine Procaccia, le gouvernement n’en est pas à son coup d’essai. « Avec le gouvernement, cela fait quatre ans que ça dure. Le Parlement est vu comme un lieu de passage obligé, car il ne peut pas faire autrement. Et il se dit que plus il nous en met, plus cela va passer ». De son côté, Jean-Pierre Sueur juge que « chaque gouvernement veut aller vite, mais on arrive là à une forme de paroxysme ». « Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation », met en garde le sénateur.

La conférence des présidents, prévue mercredi 16 juin, devra fixer la durée allouée à chaque texte, une durée qui sera donc relativement courte étant donné le nombre de projets et propositions de loi. En attendant cette réunion, un sénateur de la majorité résume son état d’esprit face à l’ampleur de la tâche. « Ça fait chier ! ».

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