Participation citoyenne locale : la droite sénatoriale refuse d’ouvrir le débat

Participation citoyenne locale : la droite sénatoriale refuse d’ouvrir le débat

Les sénateurs et sénatrices ont examiné cette après-midi les dispositions du projet de loi dit « 3DS » concernant la participation citoyenne locale. Les écologistes et les socialistes ont proposé un certain nombre de dispositifs de participation, de consultation ou de concertation qui ont tous été refusés par la majorité sénatoriale.
Louis Mollier-Sabet

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C’est un dialogue de sourds qui a même fini par agacer Roger Karoutchi, président de séance du jour. « Allons, restons calme. Ça ne sert à rien de s’énerver au mois de juillet » a fini par tenter le vice-président du Sénat pour faire avancer les débats. Mais même le flegme du sénateur LR des Hauts-de-Seine n’a pas réussi à écourter des débats plus frustrants qu’autre chose pour les écologistes et les socialistes qui n’ont pas réussi à faire voter un seul de leurs amendements sur la question de la participation citoyenne locale.

Consultation sur le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne : « 105 000 citoyens de Loire Atlantique se sont prononcés en faveur d’une consultation »

C’est Ronan Dantec, le sénateur écologiste de la Loire-Atlantique, qui a parfaitement ouvert le bal par un échange tendu avec la rapporteure Françoise Gatel. Le sénateur de la Loire-Atlantique a défendu un amendement rendant obligatoire l’organisation par l’Etat d’une consultation sur le rattachement d’un département à une région lorsqu’un dixième des électeurs le demandent. La proposition est générale, mais s’appuie sur l’exemple du département de Ronan Dantec : « 105 000 citoyens de Loire Atlantique se sont prononcés en faveur d’une consultation sur le découpage administratif et le lien avec la Bretagne. C’est plus que ce que toutes les listes aux régionales en Loire Atlantique ont eu comme voix. Il faut apporter une réponse démocratique claire et que l’Etat organise cette consultation. »

Une disposition qui « avait été supprimée pour donner de la souplesse au processus [de rattachement à une région] » et qui n’emporte donc pas les suffrages de Françoise Gatel. La rapporteure du texte étant sénatrice d’Ille-et-Vilaine, la discussion s’est très vite régionalisée : « Je ne voudrais pas que mon identité bretonne fasse interpréter ma réponse comme un rejet des habitants de la Loire-Atlantique » a-t-elle d’emblée précisé. Mais Françoise Gatel a tenu à rappeler l’avenir de la dernière consultation organisée dans la région sur l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, dont l’issue avait été moins favorable au sénateur écologiste, mais sur laquelle l’Etat s’était « assis ».

« Soit l’on revient sur ces grandes régions, soit ça sera toujours des choses à la marge qui ne satisferont personne »

L’amendement défendu par Ronan Dantec semble pourtant préoccuper bien au-delà des frontières bretonnes et même de la majorité sénatoriale : « Nous rouvrons les nombreuses heures que nous avons passées à définir les découpages régionaux idéaux. On n’en finira pas, on peut aller de consultation en consultation. Soit l’on revient sur ces grandes régions, soit ça sera toujours des choses à la marge qui ne satisferont personne » prévient par exemple la sénatrice communiste de la Loire, Cécile Cukierman. Elle est rejointe dans ses craintes, une fois n’est pas coutume, par le sénateur LR René-Paul Savary : « Si chacun va à vau-l’eau… Personnellement j’ai un canton à 100km de Paris et ma capitale régionale est Strasbourg. Moi dans ce cas-là je demande mon rattachement à la région parisienne. Soyons raisonnables. »

Ronan Dantec proteste : « On propose un processus démocratique, de quoi avez-vous peur ? On a un problème de participation massif, il faut remettre sur la table des processus démocratiques. Il faut arrêter d’être tétanisés par cette question qui est un véritable tabou. » Enfin pas cette après-midi au Sénat en tout cas.

« Vous déstructurez le commun, c’est-à-dire la République, en proposant un monde où chacun pétitionne en fonction de son intérêt »

« Ces discussions sont un parfait préambule à nos propositions sur ce qui touche à la participation citoyenne » conclut Guy Benarroche, sénateur écologiste des Bouches-du-Rhône. Et en effet, ces accrochages n’étaient qu’un préambule aux inlassables refus de la majorité sénatoriale devant les multiples amendements des groupes écologistes et socialistes, qui allaient de l’incitation aux consultations citoyennes, à la possibilité pour des électeurs de venir poser des questions orales dans les conseils municipaux, en passant par l’obligation de motiver un refus d’une pétition citoyenne ouvrant la possibilité d’un recours devant le tribunal administratif.

Françoise Gatel motive parfois ses avis défavorables par des considérations légales et techniques, mais assume la dimension politique de ses choix : « Je vais être politiquement incorrect mais je l’assume. Les formes que vous proposez peuvent tendre à être une démocratie parallèle qui ne ramèneront jamais nos concitoyens aux urnes. C’est ce que l’on appelle le not in my backyard. Vous déstructurez le commun, c’est-à-dire la République en proposant un monde où chacun pétitionne en fonction de son intérêt. Ce que peut donner votre système me fait peur et j’y suis profondément, sincèrement et de manière républicaine défavorable. »

« On fait de la concertation comme M. Jourdain faisait de la prose »

Les sénateurs socialistes et écologistes protestent contre ce qu’ils estiment être un manque de considération pour leurs propositions de la part de la majorité sénatoriale. « Nous avons proposé des solutions qui doivent devenir des évidences pour faire vivre la démocratie locale. Mais allons-y, surtout ne faisons rien. Par contre, le soir des élections tout le monde pleure des larmes de crocodile » assène notamment Éric Kerrouche, le sénateur socialiste des Landes. Guy Benarroche abonde : « Je n’entends pas l’interstice de la première écoute considérant à nous dire ‘effectivement il y a un problème’. Je peux comprendre que les instruments que nous proposons ne vous conviennent pas, on peut en discuter. Mais la seule chose que l’on entend c’est ‘la démocratie participative’. Or, si nous continuons comme si de rien était, la démocratie participative a ses jours comptés. »

Les amendements s’enchaînent, mais le débat sur la démocratie participative s’enlise. Roger Karoutchi tente bien de recadrer les débats autour de la discussion des amendements à sa façon : « Continuons ce débat qui est le même depuis 15 amendements où tout le monde fait des considérations générales… » Le président de séance n’est pas le seul qui semble agacé par l’insistance des socialistes et des écologistes. Françoise Gatel, rejointe par son co-rapporteur Mathieu Darnaud, finit même par renvoyer la gauche sénatoriale à l’efficacité jusqu’ici limitée de ces dispositifs de participation citoyenne locale, notamment à l’occasion d’un amendement visant à rendre obligatoire les budgets participatifs dans les communes de plus de 10 000 habitants : « Les budgets participatifs, je veux bien, mais ont-ils fait qu’à la ville de Rennes il y a eu un taux de participation plus important ? Qui peut me convaincre que l’électeur qui ne veut pas voter viendra une fois par an au conseil municipal poser des questions orales ? Il faut arrêter de s’illusionner sur des choses qui ne marchent pas. […] On fait de la concertation comme M. Jourdain faisait de la prose. Ce ne sont pas ces outils qui ramèneront les gens aux urnes. »

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