Passe sanitaire généralisé : le soutien prudent des sénateurs

Passe sanitaire généralisé : le soutien prudent des sénateurs

Les sénateurs LR soutiennent plutôt la généralisation du passe sanitaire. « Si on ne prend pas des mesures, on va reconfiner 100 % de la population », met en garde René-Paul Savary. « L’applicabilité pose vraiment problème », met cependant en garde Patrick Kanner, patron des sénateurs PS. Le centriste Loïc Hervé dénonce lui le « cynisme » du gouvernement qui a pris « les parlementaires pour des imbéciles au mois de mai ».
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Obligation vaccinale pour les soignants, extension du passe sanitaire pour les restaurants, bars et trains longue distance… Emmanuel Macron a sorti l’artillerie lourde, lundi soir, face à la menace du variant delta et une quatrième vague qui commence. Un coup de pression qui vise à pousser un maximum de Français à se faire vacciner. Mais on comprend que l’exécutif n’exclut pas, dans un second temps, l’obligation vaccinale pour tous, si nécessaire.

Les sénateurs ont pu faire le point entre eux, ce mardi matin, lors des réunions de groupes hebdomadaires. Il semble se dégager un soutien, non sans critiques. « Globalement, nous sommes favorables à la vaccination obligatoire des soignants », explique Roger Karoutchi, vice-président LR du Sénat. Sur le passe sanitaire, il « comprend un peu ceux qui disent qu’on va restreindre les libertés. Mais dans un pays où il y a eu 112.000 morts du covid-19 et où il n’y a pas d’autres armes, […] on utilise les armes dont on dispose », ajoute l’ancien ministre.

« Honnêtement, ça emmerde tout le monde. Mais si ça peut éviter le confinement… »

Son collègue LR, René-Paul Savary, « soutient » aussi la mesure du passe étendu, « c’est une avancée par rapport à la vaccination obligatoire. Si on ne prend pas des mesures, on va reconfiner 100 % de la population, par rapport à un pourcentage bien moindre de personnes qui souhaitent ne pas être vaccinées ». Il préfère des « mesures qui entravent les libertés de certains et pas les libertés de tous. Ce n’est pas possible de remettre la société sous cloche avec un confinement ». Il reconnaît qu’« honnêtement, ça emmerde tout le monde, que les choses soient claires. Mais si ça peut éviter le confinement… » Mais pour l’ancien vice-président de la commission d’enquête du Sénat sur le covid, « si ce dispositif n’a pas les résultats escomptés », il faudra « se tourner vers la vaccination obligatoire dans quelques mois ».

Du côté du groupe PS, on a débattu longuement aussi des mesures. « Le Président a lancé en l’air de nombreuses idées dont l’applicabilité pose vraiment problème », met en garde Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, qui demande « comment un restaurateur vérifiera que le passe appartient bien à celui qui vient manger ? » Autre question des plus concrètes : « Quand on sanctionnera quelqu’un, que trois ou quatre personnes ne viendront plus travailler dans un Ehpad, est-ce que les personnes âgées se retrouveront toutes seules ? Plein de sujets ne sont pas traités. On avait l’impression d’avoir hier des propositions de bon sens, mais qui repose sur du sable, ce qui est plutôt inquiétant ». Au final, il voit dans ce passe généralisé une « vaccination obligatoire déguisée ». Regardez :

« La difficulté qui apparaît pour les restaurants et bistrots, c’est comment faire la police »

Serge Babary, président LR de la délégation sénatoriale aux entreprises, met aussi en garde : « La difficulté qui apparaît, c’est comment faire la police. […] Pour les restaurants et bistrots, leur inquiétude, c’est le risque d’agitation de la part de clients qui n’auront pas le passe. Ou si dans un groupe, il y a une personne qui ne l’a pas ou un enfant, ça va être difficile à gérer, c’est sûr », souligne le sénateur LR de l’Indre-et-Loire. Mais Serge Babary « s’en tient au problème général, qui est l’incitation à la vaccination. On est le pays de Pasteur, le psychodrame de la remise en cause de la vaccination, c’est surréaliste ». Pour lui, « avec une pandémie de ce type, il n’y a pas d’autre moyen que la vaccination ».

Du côté des professionnels des cafés, bars et restaurants, consultés ce mardi par le ministère de l’Economie, ces derniers demandent un report de l’application du passe à début septembre, la jugeant « techniquement pas possible » à appliquer pour leurs salariés, jeunes et peu vaccinés. Face à ces différentes craintes, les mesures du gouvernement, à peine annoncés, connaissent déjà quelques adaptations. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a parlé ce mardi de « souplesse » dans l’application du passe pour le personnel des restaurants, cafés et centres commerciaux. Des « règles de souplesse » s’appliqueront aussi pour les enfants de 12 à 18 ans, a assuré le porte-parole. « La loi ne sera pas applicable à compter du 1er août, il y aura quelques jours de délai », a aussi nuancé le ministre de la Santé Olivier Véran sur BFMTV. En fin d’après-midi, Alain Griset, ministre chargé des Petites et moyennes entreprises, a prévenu en revanche qu’il n’y aura pas de report de l’application du passe pour les clients des restaurants.

« C’est n’importe quoi »

Il y en a un pour qui ça ne suffit pas. C’est Loïc Hervé. Le sénateur centriste de la Haute-Savoie, opposant de la première heure au passe sanitaire, avoue n’avoir « pas dormi de la nuit », tellement il est « très en colère ». « Extrêmement préoccupé par l’annonce du Président sur la généralisation du passe sanitaire, qui est quelque chose d’inacceptable », il dénonce « le cynisme » du gouvernement. En effet, « on nous a dit il y a deux mois, quand on a voté la loi, que ce sera le temps d’un été. Puis on passe en douce aux discothèques, et maintenant, on généralise. C’est n’importe quoi ».

Loïc Hervé pourrait dire à juste titre « je l’avais bien dit ». Le 18 mai dernier, dans l’hémicycle du Sénat, il annonçait en quelque sorte ce qui risquait d’arriver : « Personne ne sait où nous seront le 15 septembre pour la situation sanitaire. Si un variant ou une quatrième vague nous tombe sur la tête, nos finances publiques ne permettront pas de faire un nouveau confinement. Et on aura entre les mains l’outil formidable qui nous permettra de ne pas confiner : le passe sanitaire. A partir du moment où il existe, le danger sera là et à ce moment-là, on aura basculé dans une société de surveillance généralisée », alertait le 18 mai dernier le sénateur centriste, lors des débats sur le texte de gestion de sortie de crise sanitaire (voir ici la vidéo).

Le Conseil d’Etat a validé la première version du passe car il « n’est pas requis pour les activités du quotidien »

Aujourd’hui, il n’en démord pas. « Un contrôle d’identité et d’état de santé pour aller boire un verre, dans quel pays on accepterait ça ? On va aux devants de difficultés d’application majeures », dit-il, avant d’ajouter : « On a pris les parlementaires pour des imbéciles au mois de mai ».

Ce membre de la CNIL compte sur les aspects juridiques et administratifs pour peut-être limiter l’impact de la décision. « En droit des données personnelles, c’est un détournement de finalité. Le passe sanitaire n’a pas été créé pour ça. Par ailleurs, il y a un problème de proportionnalité. On va atteindre les libertés de façon lourde et durable », soutient Loïc Hervé, qui espère que le Conseil constitutionnel sera saisi, une fois la loi adoptée. Il attend aussi l’avis du Conseil d’Etat, le juge administratif. Le sénateur rappelle au passage l’avis de la plus haute juridiction administrative, le 6 juillet dernier, après une saisine par la Quadrature du Net, qui demandait de suspendre le passe sanitaire. Le Conseil d’Etat, qui avait refusé de le suspendre, avait notamment relevé dans son communiqué que le dispositif « n’est pas requis pour les activités du quotidien », pour motiver sa décision… Le Conseil prenait même l’exemple des « restaurants ». L’exécutif assurait lui-même que le passe ne concernerait pas les activités du quotidien. Mais c’était avant l’arrivée du variant delta.

« Le moins d’entraves possibles à la liberté »

Pas sûr que cela permette à Loïc Hervé de dormir sereinement, mais Roger Karoutchi assure qu’« au Sénat, le débat sera sur la sécurité sanitaire et aussi le moins d’entraves possibles à la liberté ». Philippe Bas, le sourcilleux sénateur LR de la Manche et ancien président de la commission des lois, a déjà prévenu que « le passe sanitaire ne doit être exigé que dans les lieux où les gestes barrières ne peuvent être respectés. Difficile à envisager pour les supermarchés, qui sont restés ouverts même pendant le confinement ! ».

Le projet de loi sur l’obligation vaccinale des soignants devrait logiquement porter les mesures sur le passe sanitaire. Il n’y a pas le choix. Le texte de mai dernier prévoyait son existence jusqu’au 30 septembre, tout comme pour le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire. On sait déjà que ce régime transitoire sera prolongé jusqu’au 31 décembre. Les débats, prévus à la Haute assemblée les 22 et 23 juillet, devraient être animés.

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