Passe vaccinal : après le psychodrame en CMP, des rapprochements « de bon augure » entre députés et sénateurs

Passe vaccinal : après le psychodrame en CMP, des rapprochements « de bon augure » entre députés et sénateurs

Malgré l’échec de la CMP sur le passe vaccinal, les députés ont repris des éléments du compromis issu des discussions hier avec le Sénat. De quoi plaire aux sénateurs et peut-être même permettre un vote conforme. « L’Assemblée peut reprendre les éléments de l’accord. Si les députés le font, on oubliera vite et nous voterons », a assuré Bruno Retailleau, président du groupe LR.
Public Sénat

Temps de lecture :

7 min

Publié le

La CMP – commission mixte paritaire – sur le passe vaccinal aurait pu devenir l’acronyme de « c’est mal parti ». Après le psychodrame entre députés et sénateurs hier, au terme d’une CMP interminable marquée de rebondissements et conclue par un bouquet final en forme de tweet clash, la chose semblait entendue : l’Assemblée pouvait revenir à sa version du projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi, petit rappel : alors que les rapporteurs des deux assemblées étaient arrivés à un accord sur un texte de compromis, malgré deux versions différentes du texte à la base, un tweet de Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, est venu mettre le grain de sable dans une mécanique fragile, sensible et prête à s’emballer à la moindre étincelle. Le sénateur annonçait l’accord en CMP, au profit du Sénat, avant même que les travaux ne soient totalement terminés. La présidente LREM de la commission des lois de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, n’a pas attendu longtemps pour mettre un terme au conclave et décréter l’échec.

Philippe Bas veut « dépasser cet échec »

Mais après l’orage, une éclaircie se dessine. Le texte repasse maintenant devant l’Assemblée et hier soir, tard, en commission, les députés ont malgré tout repris des éléments de la CMP. Un espoir que caressait hier après les événements Philippe Bas, rapporteur LR du texte au Sénat. « Je pense qu’on peut encore dépasser cet échec et le rendre provisoire en faisant en sorte que les points de vue qui se sont considérablement rapprochés puissent s’exprimer par le vote des deux assemblées. J’appelle chacun à prendre des responsabilités et faire en sorte que l’unité que nous avions pratiquement réalisée puisse se traduire dans le texte », a-t-il affirmé à publicsenat.fr. Contacté également, Bruno Retailleau ne disait pas autre chose : « Demain, l’Assemblée peut reprendre les éléments de l’accord. Si les députés le font, on oubliera vite et nous voterons. Mais si ce n’est pas le cas, ça signifiera que tout ça n’était qu’un prétexte ». Un vœu pieux, était-on tenté de dire. Mais les faits semblent montrer que les rêves les plus fous sont parfois exaucés.

Nous avons donc une CMP officiellement non conclusive, qui se termine en vive polémique, dont les éléments discutés, ou une partie, se retrouvent intégrés… comme si l’accord en CMP était là. Ce qui, avant la polémique, était bien le cas. La procédure législative réserve décidément ses surprises.

Main tendue

En commission, les députés ont ainsi repris la version sénatoriale sur la question du contrôle. Et pour éviter tout malentendu, c’est clairement souligné. Il ne manque plus qu’à stabiloter en fluo. « Cet amendement réintroduit le dispositif relatif à la vérification de concordance des éléments d’identité entre le passe et un document officiel, dans sa rédaction adoptée par la commission des lois du Sénat sur proposition de son rapporteur », dit clairement l’exposé des motifs du rapporteur du Palais bourbon, Jean-Pierre Pont, qui caresse ici dans le sens du poil. Une main tendue on ne peut plus claire. En séance, les sénateurs avaient finalement supprimé la possibilité de contrôler dans les bars ou restaurants, mais ce retour au texte de la commission des lois du Sénat est dans l’esprit de la recherche de compromis.

Concernant les mineurs, c’est bien aussi ce qui ressortait des discussions de la CMP qui est repris par les députés. A savoir, application du passe vaccinal à partir de 16 ans et passe sanitaire de 12 à 15 ans, quelles que soit les situations et les lieux. Une simplification voulue par le Sénat. On retrouve en revanche le seuil de 16 ans, issu d’un compromis tiré de tous les bancs de l’Assemblée. Le mécanisme de péremption du passe vaccinal, institué au Sénat, selon le niveau de l’épidémie (à partir de 10.000 patients à l’hôpital pour covid-19 et dans les départements avec moins de 80 % de vaccination) n’est en revanche pas conservé. Les députés n’ont pas non plus retenu l’amendement sénatorial qui supprime l’application du passe sanitaire aux grands magasins et aux centres commerciaux. Quant à l’amende de 1.000 euros par salarié, infligée aux employeurs qui n’appliquent pas le télétravail, que les sénateurs avaient supprimée, elle est rétablie par les députés. Mais son montant maximal est divisé par deux, pour être fixé à 500 euros.

« Ils ont tenu compte de nos discussions »

Au premier abord, cette attitude des députés est plutôt bien vue au Palais du Luxembourg. « Il y a quelques éléments issus de la CMP, ce qui laisse entendre qu’ils ont tenu compte de nos discussions. Car hier, on avait l’accord. On attendait simplement la rédaction des documents pour rouvrir la CMP après la suspension et l’entériner », explique François-Noël Buffet, président LR de la commission des lois du Sénat. Sur les mineurs, « c’est plutôt bien qu’ils aient retenu cela », salue aussi le sénateur du Rhône. En revanche, il trouve « embêtant » que la mesure qui exclut les centres commerciaux du passe vaccinal ne soit pas conservée.

Mais globalement, François-Noël Buffet reconnaît que tout cela « est plutôt de bon augure. Et ça pourrait éventuellement démontrer qu’ils ont manifestement surjoué hier l’échec de la CMP. Ce sont eux qui l’ont voulue ».

Malgré l’échec de la CMP, son esprit perdure

Cette CMP quasi conclusive qui ne dit pas son nom pourrait bien changer les choses. Car lorsque les deux assemblées s’accordent sur un texte commun, les lectures des conclusions de la CMP se traduisent toujours par un vote conforme, c’est-à-dire à l’identique. Logique. Il s’agit d’entériner en séance l’accord obtenu dans le huis clos de la CMP. Pourra-t-il en être de même, après la bonne volonté exprimée par les députés ? C’est possible. Un vote conforme du Sénat ne serait pas surprenant dans ces conditions. Il serait synonyme d’adoption définitive du texte par le Parlement. De quoi permettre la mise en œuvre du passe en quelques jours, après l’éventuelle saisine du Conseil constitutionnel.

François-Noël Buffet préfère pour l’heure rester prudent. « Je ne sais pas si on est au stade du vote conforme. Mais on constate qu’ils ont repris les choses où il y avait un point d’accord », remarque le président de la commission des lois. Il ajoute : « On va voir comment ça se passe en séance ce soir et on appréciera demain. A mon avis, il n’y aura pas trop de changement ».

Le coup de fil hier soir du président LR du Sénat, Gérard Larcher, à son homologue LREM de l’Assemblée, Richard Ferrand, pour tenter de sauver la CMP, comme publicsenat.fr l’a révélé, n’aura peut-être pas été vain. Les deux hommes souhaitent que les assemblées puissent arriver à un accord. Si la CMP n’a pas repris, son esprit (d’avant clash) perdure. La pression est déjà redescendue comme un soufflet. Si tout se termine en bonne entente, on pourra dire en revanche, tout ça pour ça…

Dans la même thématique