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Passe vaccinal : « Cela ouvre beaucoup d’interrogations en matière de libertés publiques », soulève Hervé Marseille
Par Héléna Berkaoui
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« Une forme déguisée d’obligation vaccinale, mais plus efficace qu’une obligation vaccinale. » Voilà comment le ministre de la Santé a résumé la volonté du gouvernement de transformer le passe sanitaire en passe vaccinal. Avec cette nouvelle mesure, les lieux soumis au passe ne seront plus accessibles avec un test négatif. Il faudra avoir été vacciné (ou avoir guéri du Covid) et avoir reçu une dose de rappel.
Un durcissement justifié par l’arrivée du variant Omicron et par l’augmentation du nombre de patients atteints du Covid-19 dans les services de réanimation. Selon les chiffres publiés dimanche par Santé publique France, les contaminations dépassent les 50 000 cas par jour sur une semaine.
Le Premier ministre doit rencontrer les présidents de groupes parlementaires, mardi, pour discuter des futurs champs d’application du passe sanitaire. Un projet de loi sera ensuite présenté en Conseil des ministres le 5 janvier et le texte sera débattu au Parlement à partir du 10 pour une promulgation « espérée avant fin janvier » et une « entrée en vigueur dans la foulée ».
Au Sénat, les chefs de groupes parlementaires formulent d’ores et déjà un certain nombre de critiques et plusieurs inquiétudes. Au premier rang : la constitutionnalité d’un passe qui pourrait être étendu à l’ensemble des entreprises.
Passe sanitaire en entreprise : des partenaires sociaux rétifs
L’instauration du passe sanitaire en entreprise est en effet envisagée par le gouvernement. Ce lundi, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, recevait les partenaires sociaux tout en assurant que « rien n’est acté ». Il faut dire que les partenaires sociaux ont fait part de leurs réticences.
La perspective de l’extension du passe à l’ensemble des entreprises est jugée « absurde » par le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. « Mieux vaut convaincre et inciter que de contraindre », a déclaré à l’AFP Michel Beaugas (FO), tandis que Cyril Chabanier (CFTC) s’est dit pour sa part « assez réservé ».
Le président du groupe Union centriste, Hervé Marseille, partage ces réserves et en réfère aux précédentes décisions du Conseil constitutionnel. Le Conseil des Sages avait en effet été saisi de l’obligation vaccinale en août dernier mais ne s’était pas prononcé sur les articles concernés. Néanmoins, l’obligation vaccinale pour les salariés n’étant pas au contact de personnes vulnérables peut poser un certain nombre de questions au regard des libertés individuelles.
« Qui sera responsable du contrôle ? Les employeurs ? Est-ce que cela voudra dire que les chômeurs ne devront pas se faire vacciner ou qu’ils ne seront pas indemnisés ? », interroge encore Hervé Marseille. « Cela ouvre beaucoup d’interrogations en matière de libertés publiques », observe le sénateur. Son autre crainte est qu’une telle mesure « jette tout un tas de gens dans la précarité » si elle conditionne in fine le maintien à l’emploi ou des licenciements.
« L’interdiction d’accès aux salariés non vaccinés soulève des questions sensibles », pointe Philippe Bas (LR)
Le sénateur LR, Philippe Bas, met lui aussi en garde contre toute « improvisation ». Et de rappeler quelques limites constitutionnelles : « Hors professions de santé ou au contact du public, l’interdiction d’accès aux salariés non vaccinés soulève des questions sensibles : contrôle d’informations médicales par l’employeur, continuité de l’activité, indemnisation du salarié, licenciement » (lire ici).
Une préoccupation partagée par le président du groupe Écologiste, solidarité et territoires (GEST), Guillaume Gontard, qui va même plus loin : « Je comprends qu’il existe des gens qui, pour différentes raisons, ne souhaitent pas se faire vacciner. Et je ne suis pas certain qu’ils aillent se faire vacciner avec cette obligation ».
« On a abandonné l’acte de convaincre pour n’aller que sur du répressif », critique Guillaume Gontard
Pour Guillaume Gontard, c’est l’idée même de passe vaccinal qui pose question. S’il n’est pas opposé à la vaccination, le sénateur de l’Isère regrette qu’on « ait abandonné l’acte de convaincre pour n’aller que sur du répressif ». Il juge que « c’est une manière de cliver encore la société ». Ne plus subordonner les tests au passe sanitaire lui apparaît risqué, cela reste « assez performant » d’un point de vue sanitaire. L’écologiste attend donc davantage d’éléments de la part du Premier ministre.
Sur une ligne totalement différente, le président du groupe socialiste, écologiste et républicain (SER), Patrick Kanner, regrette que le gouvernement n’aille pas jusqu’à l’obligation vaccinale. Une proposition portée depuis des mois par le Parti socialiste.
« Si on l’avait fait à l’été ou l’automne, les Français ne se poseraient pas la question. On est dans une politique de gribouille depuis des mois sur le sujet. Il y a un manque de courage », peste le sénateur du Nord. Selon lui, le ministre de la Santé était favorable pour l’obligation vaccinale mais « ça ne s’est pas fait pour des raisons purement électoralistes ». Patrick Kanner fustige donc « un gouvernement qui avance masqué sur l’obligation vaccinale ». Des récriminations dont il pourra faire part au Premier ministre demain.