« 45 % des personnes touchées par une pénurie de médicaments ont dû modifier leur traitement ou y renoncer », alerte France Assos Santé au Sénat

« 45 % des personnes touchées par une pénurie de médicaments ont dû modifier leur traitement ou y renoncer », alerte France Assos Santé au Sénat

Des associations d’usagers et de patients et l’ONG médicale Médecin du Monde ont été interrogées mercredi 29 mars 2023 par la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments. Ils dressent un constat préoccupant sur les conséquences de ces pénuries pour les patients et appellent à agir pour renforcer la souveraineté sanitaire de la France. 
Stephane Duguet

Par Stéphane Duguet

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Les étagères vides d’Amoxicilline dans les pharmacies ont eu des répercussions concrètes sur les patients. « Ces pénuries ont poussé certains parents à quitter Paris pour Bruxelles dans le but de trouver un flacon de l’antibiotique », explique le docteur Julie Allemand-Sourrieu du Collectif Santé en danger qui représente les patients en ville et à l’hôpital. C’est ce type de témoignages qu’ont pu recueillir les sénateurs de la commission d’enquête parlementaire sur les pénuries de médicament en interrogeant cinq personnes représentants des associations de patients : France Assos Santé, Collectif Santé en Danger, Collectif notre santé en danger et l’AFM-Téléthon et l’ONG médicale Médecins du Monde.

Les résultats d’une étude de l’observatoire de France Assos Santé sont sans appel : « 37 % des gens ont été confrontés à une pénurie en 2023 alors qu’ils n’étaient que 25 % en 2018. Parmi ces personnes, 45 % ont dû modifier leur traitement ou y renoncer », expose Catherine Simonin membre du bureau France Asso Santé. Et à la question de savoir si les pénuries ont des conséquences sur les chances de survie des patients malades, Catherine Simonin prend l’exemple d’une étude sur le CHU Édouard Herriot à Lyon : « Sur 402 personnes traitées pour un cancer de la vessie entre 2011 et 2016, en période de pénurie, il y a eu plus de récidives. Ce qui veut dire que l’incidence de ces pénuries sur les anticancéreux amènera une augmentation de la mortalité à 5 ans », explique-t-elle.

 

Prix trop élevés

 

Parmi les constats et les doléances des associatifs auditionnés au Sénat, il y a celui de l’opacité de la fixation des prix. France Assos Santé demande ainsi que soient prises en compte par le Comité économique des produits de santé, les aides publiques accordées aux géants pharmaceutiques. Même revendication du docteur Franck Prouhet, médecin généraliste et représentant du Collectif notre santé en danger : « Sanofi a touché 7 milliards d’euros de Crédit impôt recherche en 10 ans. En même temps, l’entreprise a licencié 5 000 chercheurs », dénonce-t-il. Lui, comme l’ONG Médecins du monde, réclame la levée des brevets des médicaments : « Le gouvernement refuse d’appliquer les dispositions qui lui permettent de réquisitionner. On a une impuissance organisée, car en France il y a de fortes connivences entre pouvoirs publics et les laboratoires », affirme Franck Prouhet.

 

Toujours sur les tarifs des médicaments, Juliana Veras coordinatrice de Médecins du Monde, explique que « Les prix élevés sont au cœur du modèle économique des multinationales pour lesquelles les brevets viennent jouer un rôle central, assurant une situation de monopole d’exploitation. » Elle appelle ainsi le gouvernement à se saisir des licences d’offices qui permettent de lever la propriété intellectuelle d’un médicament pour le produire sur son territoire.

 


En attendant la législation européenne
 

Lors de l’audition de ces cinq associations, l’AFM-Téléthon a mis en avant le cas des maladies rares qui concernent 3 millions de personnes en France. Au total, on compte environ 7 000 maladies dont 95 % n’ont aucun traitement spécifique. Christophe Duguet, directeur des affaires publiques de l’association, explique que si l’on peut « s’enthousiasmer du fait que la recherche donne des perspectives de traitement, les perspectives économiques et commerciales sont moins réjouissantes avec l’arrivée de médicaments trop chers », ce qui exclut beaucoup de patients. Il demande ainsi, entre autres mesures, de créer des modèles commerciaux pour ces maladies avec, par exemple, « un fonds d’innovation public pour le développement de ces traitements ».

L’une des solutions pour faire face à la pénurie de médicament serait de permettre de « fluidifier les ventes de médicaments au sein de l’Union européenne pour qu’un pays puisse venir en aide à un autre », plaide de son côté la docteure Julie Allemand-Sourrieu du Collectif Santé en danger. Elle note la fragile souveraineté sanitaire française où « 80 % des substances actives consommées sont fabriquées à l’étranger en Chine et Inde, contre 20 % il y a 30 ans. » La modification de la législation européenne concernant les médicaments devrait être reportée, d’après la sénatrice Laurence Cohen, rapporteure communiste de la commission d’enquête. Une situation que « déplore » France Assos Santé.

Dans un registre différent, mais avec des revendications qui se rejoignent, les cinq associations présentes au Sénat ont aussi plaidé pour que les entreprises pharmaceutiques soient obligées de constituer plus de stocks de médicaments d’intérêt thérapeutiques majeurs (MITM). Ils aimeraient porter la jauge à l’équivalent de 4 mois de stocks contre deux aujourd’hui. Autre demande : celle de mieux contrôler les plans de gestions des pénuries des entreprises pharmaceutiques. Tous réclament aussi une meilleure communication des pénuries aux patients et aux médecins généralistes pour arrêter de « laisser les patients faire la tournée des officines » dans le but de se soigner.

 

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