Perturbateurs endocriniens : vers une meilleure réglementation ?
Organisée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, une table ronde sur les perturbateurs endocriniens s’est déroulée au Sénat mercredi. Réunissant les acteurs concernés, ces échanges ont souligné l’urgence de nouvelles réglementations plus spécifiques.

Perturbateurs endocriniens : vers une meilleure réglementation ?

Organisée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, une table ronde sur les perturbateurs endocriniens s’est déroulée au Sénat mercredi. Réunissant les acteurs concernés, ces échanges ont souligné l’urgence de nouvelles réglementations plus spécifiques.
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Alors que l’Assemblée nationale a rendu un rapport en décembre sur les perturbateurs endocriniens, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat s’est penchée sur le sujet ce mercredi en organisant une table ronde dans laquelle est intervenu un bon nombre d’acteurs concernés.

Mis en lumière au moment de l’interdiction du Bisphénol A, les perturbateurs endocriniens (phtalates, parabens…) qui ont le pouvoir d’interférer avec notre système hormonal, sont présents dans un grand nombre de produits, alimentation comprise : cosmétiques, jouets, emballages alimentaires….

Touchant en particulier mais pas seulement, les femmes enceintes et les jeunes enfants, les perturbateurs endocriniens (PE) peuvent être responsables de dégâts considérables. Or Santé publique France, l’agence nationale de santé publique, a publié une étude en septembre dernier dans laquelle elle a mesuré la présence de ces polluants chez plus de 3600 individus. Résultat : toutes les personnes testées ont des perturbateurs endocriniens dans leur organisme.

Durant cette table ronde au Sénat, tout le monde a semblé d’accord pour qu’une réglementation soit forte sur le sujet. Mais les différences de point de vue, pourtant exprimées à mots couverts, étaient évidemment inévitables entre les intervenants représentant les fabricants d’emballages plastiques ou de cosmétiques et ceux issus d’ONG et associations pro santé environnementale.

Natacha Cingotti, responsable santé produits chimiques à Health and Environnement Alliance (HEAL) a souligné l’importance du rôle des États membres de l’Union européenne « dans le développement des politiques européennes » : « Si on n’a pas des États qui sont leaders et moteurs à ce niveau du travail, c’est très difficile d’avancer ». La représentante de cette ONG a expliqué qu’il y avait deux échéances importantes pour l’UE : à la fin de ce mois de janvier, se terminera « une consultation publique sur la rénovation du cadre réglementaire sur les PE au niveau européen » dont les résultats serviront de base pour les cinq prochaines années sur ce dossier.

La seconde échéance se trouvant être en juin 2020 où il y aura « une stratégie d’action globale » de la commission européenne sur les produits chimiques et notamment les perturbateurs endocriniens.

Mais la réglementation européenne met du temps à évoluer. André Cicolella président de Réseau environnement santé (RES) a lui insisté sur le rôle des collectivités locales et la mobilisation de la société civile. Il est revenu sur la charte que RES a lancée en 2017. Une charte des villes et territoires sans perturbateurs endocriniens, signée par quatre régions et cinq départements : « Aujourd’hui on peut dire qu’un Français sur deux dépend d’une collectivité locale qui a signé la charte ».

De son côté Anne Dux, directrice des affaires scientifiques et réglementaires à la Fédération des entreprises de beauté (Febea) a plutôt souhaité que « les mesures françaises soient cohérentes avec les mesures de l’Union européenne : « La réglementation européenne est dans beaucoup de domaines, solide. »

Natacha Cingotti de HEAL, a expliqué la nécessité d’un classement avec les trois catégories : « suspectés », « avérés », et « présumés », concernant les perturbateurs endocriniens. Liste que publiera l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) courant 2020 comme l’a confirmé son directeur d’évaluation des risques, Mathieu Schuler. « C’est très important que ce doute scientifique soit intégré dans ce classement parce que sinon c’est impossible de pouvoir définir un cadre réglementaire qui soit à jour » a insisté Natacha Cingotti.

De son côté Anne Dux, directrice des affaires scientifiques et réglementaires à la Fédération des entreprises de beauté (Febea) ne souhaite pas ce classement : « Un produit de quelque nature que ce soit, qui est présent sur le marché européen est un produit qui doit être sûr. Si un produit n’est pas sûr, il doit être retiré du marché. On ne peut pas imaginer que l’on ait des produits à demi sûrs (…) On ne peut pas imaginer que ces produits à demi sûrs, ce soit le consommateur qui décide de les acheter ou de ne pas les acheter (…) On ne peut pas imaginer de déléguer aux consommateurs une obligation générale de sécurité qui pèse sur les industriels (…) mais qui pèse également sur les autorités chargées du contrôle du marché (…) C’est ce qui nous inquiète énormément dans cette idée que l’on ait une liste de substances ayant une action endocrine ou une catégorie de perturbateurs endocriniens qui soit suspectée. »

« Les produits cosmétiques sont sûrs »

La représentante de la Fédération des entreprises de beauté, s’est aussi voulue rassurante. À plusieurs reprises, elle a insisté sur le fait que les cosmétiques en France étaient sûrs.

Une réponse exprimée notamment après la réflexion du président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable Hervé Maurey :« De plus en plus, on entend dire que l’on se met sur le visage des produits qu’il ne faudrait pas se mettre sur le visage ». Le même qui lui demandera son avis sur les applications « qui laissent à penser que certains cosmétiques, on ferait mieux (…) de les retirer des rayons des magasins ».

Le sénateur évoque ici les applications de type Yuka, qui permettent aux consommateurs de se faire un avis sur des produits de consommation en leur donnant la composition et en les évaluant.

Anne Dux répondra au sénateur qu’elle voit malheureusement dans l’utilisation de ces applications par les consommateurs, une réponse au « discours anxiogène véhiculé, y compris par les pouvoirs publics ». Des applications qu’elle n’apprécie pas car comportant pour la majorité d’entre elles, des informations pas suffisamment à jour du fait de la non-actualisation régulière du code-barres des produits, par les industriels eux-mêmes. Elle a également remis en question la notation par couleurs : vert, orange et rouge.  

Durant ces échanges, la sénatrice (PS) de Charente Nicole Bonnefoy, a insisté sur l’importance de l’évaluation des risques par les agences, avant la mise sur le marché des produits : « Les propriétés spécifiques des perturbateurs endocriniens invalident en grande partie la méthodologie classique d’évaluation des risques puisque ce n’est pas la dose qui fait le poison. C’est plutôt la période (…) Certaines substances semblent avoir des effets sur plusieurs générations voire des effets combinés appelés « effets cocktails » ».  

 

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