Pierre Moscovici met en garde sur le « risque de récession économique »

Pierre Moscovici met en garde sur le « risque de récession économique »

Auditionné par le Sénat, le président du Haut conseil pour les finances publiques juge « la prévision de croissance du gouvernement à 1 % un peu élevée » voire « élevée ». Un consensus s’établit plutôt sur une prévision « entre 0 et 0,6 %. Soit un net ralentissement voire une baisse de l’activité l’hiver prochain ».
François Vignal

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C’est un classique. Chaque année, les gouvernements successifs ont tendance à bâtir leur budget sur des prévisions de croissance optimistes, voire très optimistes. Dans son avis sur les prévisions macroéconomiques du gouvernement pour le budget et le budget de la Sécu 2023, le Haut conseil pour les finances publiques, présidé par Pierre Moscovici, vient doucher quelque peu le tableau relativement positif du gouvernement. Les sénateurs de la commission des finances l’ont auditionné ce mercredi.

« La prévision du gouvernement à 1 % est un peu élevée »

Entre la guerre en Ukraine, les « chaînes d’approvisionnement encore perturbées », le risque de récession en Allemagne, qui pourrait « peser sur les exportations », et bien sûr l’inflation, qui conduit les banques centrales à relever leur taux, le contexte se détériore. Pierre Moscovici prévient : « L’atterrissage en douceur de l’économie, visé par les banques centrales, retenu par les prévisions des organismes internationaux comme des gouvernements, est d’expérience assez difficile à réussir. Ne nous le cachons pas : le redressement monétaire en cours comporte un risque de récession économique ». Dans ses prévisions, la Banque de France « donne une fourchette de -1 % à +0.8 % », rappelle l’ancien ministre de l’Economie, et « le président de la FED estime que la récession américaine est probable, voire nécessaire »…

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Si la prévision du gouvernement pour 2022, avec une croissance à 2,7 %, semble « plausible », ce n’est pas le cas avec les 1 % qu’avance le gouvernement l’année prochaine. « Pour 2023, la prévision du gouvernement s’écarte sensiblement de celle du « consensus forecast » des instituts de prévision, entre 0 et 0,6 %. Soit un net ralentissement voire une baisse de l’activité l’hiver prochain », note Pierre Moscovici. « En conclusion, la prévision du gouvernement à 1 % est un peu élevée », résume le président du Haut conseil, qui précise : « J’espère seulement un peu élevée. Mais elle pourrait être élevée ». Plus positif, il juge « la prévision d’inflation crédible » et celle « d’emploi et de masse salariale plausible ».

« Le redressement des finances publiques s’annonce lent et incertain »

Du côté des finances publiques, le gouvernement prévoit un déficit fixé à 5 % du PIB en 2023, comme en 2022. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, vise un retour à la règle des 3 % en 2027. « Le redressement des finances publiques s’annonce lent et incertain », pour Pierre Moscovici. « Nous sommes à un moment charnière pour nos finances publiques », met en garde l’ancien ministre socialiste, qui ajoute :

Je ne suis pas un ayatollah de l’austérité ni un cassandre de la dette, mais quand on est trop endetté, on n’a pas de marge de manœuvre.

Sur la loi de programmation des finances publiques pour la période 2024/2027, l’optimisme de l’exécutif est encore de rigueur, entre baisse du taux d’épargne des Français ou hausse des exportations. « Aucune de ces hypothèses, prises isolément, n’est totalement irréaliste. Chacune d’elle est favorable. Leur combinaison est optimiste. Ce n’est pas totalement impossible, mais il faudrait un alignement des planètes extrêmement favorable », tempère celui qui est aussi premier président de la Cour des comptes.

« Les règles européennes sont en partie obsolètes et devront en partie être modifiées »

Répondant à une question du sénateur RDPI (Renaissance), Didier Rambaud, sur la désuétude des règles européennes, « peut-être contraignantes et inadaptées au contexte de crise », Pierre Moscovici se montre favorable à leur révision. « N’oublions pas que la crise sanitaire a conduit la Commission européenne à déclencher la clause générale du Pacte de stabilité et de croissance, autrement dit à suspendre le pacte de stabilité. Elle devrait être désactivée en 2024, ce qui veut dire que le Pacte serait rebranché », rappelle le président du Haut conseil.

Mais ça ne l’empêche pas de penser que « les règles européennes sont en partie obsolètes et devront en partie être modifiées ». Pour autant, « il ne faut pas se faire d’illusion. Nous avons besoin d’ancre pour les finances publiques. […] Des règles seront sûrement conservées. La règle des 3 % de déficit est assez robuste, car c’est le niveau où la dette s’infléchit, en gros », note Pierre Moscovici. En revanche, « chacun voit que les 60 % de dette publique, compte tenu du niveau de divergence, n’est pas tenable. On gardera sûrement les 60 % comme une réforme de long terme, et il y aura sûrement une appréciation plus nationale du niveau de dette, ce qui n’est pas forcément un cadeau pour les pays les plus endettés ». Pierre Moscovici souligne enfin « la prise en compte de certains investissements. La question de la transition énergétique est posée ». Encore faudra-t-il convaincre les Allemands de réviser les règles du Pacte de stabilité.

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