PMA : le Sénat va rejeter le texte d’emblée car « ça ne sert à rien de faire durer » les débats

PMA : le Sénat va rejeter le texte d’emblée car « ça ne sert à rien de faire durer » les débats

Pour le dernier passage du projet de loi sur la bioéthique devant le Sénat, les sénateurs vont adopter ce mardi en commission une « question préalable », qui revient à rejeter le texte. Face au désaccord entre députés et sénateurs, « multiplier les discussions inutiles, ça n’a pas de sens », explique le corapporteur Olivier Henno.
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On ne refait pas le match. Pour son troisième et dernier passage devant le Sénat, le projet de loi de bioéthique, qui porte la PMA pour toutes, ne sera pas débattu par les sénateurs. Non pas qu’ils aient choisi de faire l’impasse, mais ils font le constat que les positions ne peuvent plus se rapprocher avec les députés, après un long processus parlementaire. Ce projet de loi est l’un des rares à ne pas avoir été soumis par le gouvernement à la procédure accélérée. Il y a donc eu deux lectures par chambre, et non une seule, avant la commission mixte paritaire, où aucun accord n’a été trouvé.

« La porte était maintenant fermée à la discussion »

Cet après-midi, en commission spéciale, les sénateurs déposeront « une question préalable », annonce à publicsenat.fr le centriste Olivier Henno, corapporteur du texte. Il s’agit d’une motion de procédure qui permet de mettre un terme aux débats, avant même l’examen des articles. Ce qui revient à rejeter le texte d’emblée. Il en sera de même, la semaine prochaine, le 24 juin, lors de l’examen en séance, où les débats se limiteront à la portion congrue, c’est-à-dire à la discussion générale. Le recours à la question préalable n’est pas rare, après l’échec d’une CMP.

« On a bien compris que du côté de la majorité LREM de l’Assemblée, et sûrement du gouvernement, la porte était maintenant fermée à la discussion, dans le cadre de la navette. A partir de là, multiplier les discussions inutiles, ça n’a pas de sens. Ce serait de l’acharnement sinon », soutient Olivier Henno. Si quelques modifications adoptées en première lecture par le Sénat avaient été conservées par les députés, les deux assemblées étaient allées au bout des rapprochements possibles.

« Estimant que la commission mixte paritaire entre députés et sénateurs a échoué, les capacités à faire évoluer le texte n’existait plus. Il n’y a plus lieu de prolonger la délibération. Ça ne sert à rien de faire durer », confirme le sénateur du groupe PS, Bernard Jomier, autre corapporteur. Il « souscrit à l’idée qu’on ne pourra plus modifier le texte ». Mais celui de l’Assemblée, qui porte la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, lui « convient plutôt ». La mesure est défendue par la gauche.

Une question préalable qui évite aussi à la droite et au centre de se diviser à nouveau

Cette question préalable a aussi un autre avantage, plus politique, pour la majorité sénatoriale : éviter de se diviser sur cette question sociétale sensible, qui traverse les clivages. Pour rappel, en première lecture, la majorité de droite et du centre avait adopté la PMA, mais en limitant son remboursement par la Sécurité sociale aux seuls cas d’infertilité, excluant de fait les couples de femmes. Le projet de loi avait été adopté de peu, à dix voix d’écart.

En seconde lecture, en février dernier, surprise : le Sénat change de position. La Haute assemblée avait été le théâtre d’un imbroglio parlementaire qui n’était pas vraiment à son avantage. La majorité sénatoriale de droite et du centre avait rejeté l’article 1 du projet de loi sur la PMA, après en avoir exclu les femmes seules et avoir par surprise adopté la PMA post-mortem. L’article n’avait finalement pas été réintroduit et le Sénat avait adopté le texte comme tel. En réalité, entre les opposants à la PMA pour toutes, comme Bruno Retailleau, et de nombreux sénateurs de droite et du centre qui y sont favorables, la majorité sénatoriale se trouve dans une situation délicate. Et si les votes en commission sont en général plus cadrés, l’examen en séance peut réserver quelques surprises, on l’a vu, surtout quand les votes sont serrés.

« Le débat sur la PMA a cannibalisé des questions de bioéthique pourtant lourdes »

Durant tout le parcours législatif, les débats se sont concentrés sur la PMA, alors que le texte comporte de nombreux autres points. Une situation que regrette Olivier Henno, rapporteur de la partie sur la recherche.

« Le débat sur la PMA a cannibalisé cette question de bioéthique pourtant lourde », déplore le sénateur du Nord, « il y a des questions comme les cellules souches pluripotentes induites, la question de la recherche scientifique, qui bouscule les questions d’éthique et qui méritait qu’on s’y arrête un peu plus. La PMA, c’est plus une question de projet de société, que purement d’éthique. Et les deux sujets se sont entrechoqués ». Olivier Henno ajoute :

Les questions de recherche n’ont pas attiré l’attention et on n’est peut-être pas allé au bout de la discussion.

« Il n’y aura évidemment aucune naissance d’enfant par cette loi avant la fin du quinquennat »

Mais selon le centriste, « c’était une chronique annoncée. De toute façon, ce texte est mal né ». Autre critique, formulée par Bernard Jomier : « Sur la PMA, on a eu un festival de pronostics hasardeux des membres du gouvernement ». Il pointe des effets de « communication ».

Début juin, la ministre Marlène Schiappa a dit espérer « que la loi sera adoptée et promulguée d’ici l’été. Le ministre de la Santé Olivier Véran a dit qu’il souhaitait qu’il y ait des premiers bébés PMA, enfin de premières femmes enceintes de la PMA, à partir de la rentrée ». Bernard Jomier ne « doute pas que les textes d’application sont déjà rédigés, pour une fois, mais la loi sera adoptée définitivement par l’Assemblée début juillet, puis il y a le délai des recours au Conseil constitutionnel, donc ce sera promulgué au plus tôt au mois d’août. Puis viendront les textes d’application ». Ensuite, « les femmes ou couples de femmes candidates à la PMA s’inscriront dans une file d’attente. Je ne pense pas qu’elles auront accès aux gamètes nécessaires dans les 15 jours. Il n’y aura évidemment aucune naissance d’enfant par cette loi avant la fin du quinquennat ». Mais pour Bernard Jomier, « l’essentiel est que cette loi soit votée et le soit rapidement ». Après le rejet par les sénateurs des conclusions de la CMP, le texte fera pour une dernière fois son retour devant les députés, qui auront le dernier mot et pourront adopter définitivement le texte.

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