Port du voile pour les mères accompagnatrices: l’état du droit

Port du voile pour les mères accompagnatrices: l’état du droit

Les mères accompagnatrices pour les sorties scolaires sont autorisées à porter le voile, selon un avis du Conseil d’Etat. Mais la législation a évolué dans le temps. S’il ne veut pas légiférer, le ministre Jean-Michel Blanquer n’est pas, sur le principe, favorable à la présence de mères voilées.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

L’épisode du conseil régional du Bourgogne-France Compté, où un élu RN a interpellé une mère accompagnatrice voilée lors d’une sortie scolaire, a remis sur le devant de la scène cette question. Quelle est l’état de la législation en la matière ?

Un avis du Conseil d’Etat, saisi alors par le Défenseur des droits et rendu public le 23 décembre 2013, stipule qu’« entre l'agent et l'usager, la loi et la jurisprudence n'ont pas identifié de troisième catégorie de 'collaborateurs' ou 'participants' qui serait soumise en tant que telle à l'obligation religieuse ». Les mères accompagnatrices ne sont pas considérées comme des agents auxiliaires du service public et ne sont donc pas soumises au principe de neutralité religieuse. Autrement dit, une mère qui porte le voile peut accompagner les enfants d’une classe.

Mais la réglementation a évolué dans le temps. Avant l’avis du Conseil d’Etat, le ministre de l’Education nationale de Nicolas Sarkozy, Luc Chatel, avait émis en 2012 une circulaire s’opposant au port du voile pour les mères accompagnatrices.

Avec Hollande, le port du voile des accompagnatrices d’abord interdit puis autorisé

Sous François Hollande, la position évolue en deux temps. Avant l’avis du Conseil d’Etat, le nouveau ministre de l’Education nationale, Luc Peillon, s’en tient alors au droit. Invité de Public Sénat en décembre 2013, le ministre souligne que « l'état du droit aujourd'hui, et je n'ai pas abrogé la circulaire Chatel, c'est que les parents accompagnateurs – essentiellement les mères en l'occurrence – sont considérés comme des auxiliaires du service public » (voir la vidéo, à 7 min).

Après l’avis du Conseil, il maintient malgré tout la circulaire Chatel. Il précise par communiqué que « les parents d’élèves qui participent à des déplacements ou des activités scolaires doivent faire preuve de neutralité dans l’expression de leurs convictions, notamment religieuses ». Vincent Peillon précise bien que « la circulaire du 27 mars 2012 (…) reste valable ».

Changement de doctrine moins d’un an après. En octobre 2014, Najat Vallaud-Belkacem lui succède rue de Grenelle. La ministre, auditionnée par l'Observatoire de la laïcité, fixe ainsi la nouvelle règle : « L’acceptation de leur présence (des mères voilées) aux sorties scolaires doit être la règle et le refus l’exception ».

Le « en même temps » du ministre Blanquer

Depuis qu’Emmanuel Macron est Président, on en reste, sur le plan du droit, à l’avis du Conseil d’Etat. Mais avec de sérieuses nuances en termes d’orientations, apportées par le ministère de l’Education, Jean-Michel Blanquer. S’il ne veut pas légiférer, il renvoie la responsabilité aux directeurs d’école, à qui il « recommande » d’avoir « le plus possible de situations où il n’y a pas de signe ostentatoire ». C’est ce que le ministre affirmait en mai dernier devant le Sénat, lors de l’examen de son texte sur l’école. Regardez :

Le ministre Blanquer opposé à l’interdiction du port du voile pour les accompagnatrices lors des sorties scolaires
01:50

S’il se montrait sensible à la question, il estimait qu’interdire le port du voile « poserait tout un tas de problèmes pratiques, qui iraient à l’encontre du développement des sorties scolaires ». Pratiquant le « en même temps » macronien, il ajoutait : « Il pourrait y avoir quelque chose de contre-productif en ayant une mesure législative en la matière. Mais je respecte ceux qui pensent le contraire ».

Dimanche 13 octobre, le ministre est allé plus loin sur BFM-TV, affirmant que le port du voile n’est « pas souhaitable dans la société ». Il estime que ce que le voile « dit sur la condition féminine n’est pas conforme à nos valeurs ».

Les sénateurs LR reviennent à la charge pour interdire le port du voile

Le sujet dépasse le droit et est bien sûr éminemment politique. Lors de l’examen de la loi école, en mai dernier, la majorité sénatoriale de droite avait adopté, contre l’avis de Jean-Michel Blanquer, un amendement sur l’interdiction du port du voile pour les mères accompagnatrices (voir l’article). Il avait été supprimé dans la version finale du texte.

Les sénateurs comptent bien revenir à la charge. Ils ont inscrit dans leur « niche parlementaires », qui leur permet d’avoir la main sur l’ordre du jour, l’examen d’une proposition de loi de la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio, « tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l’éducation » (voir notre article). Elle est totalement soutenue par le président du groupe LR, Bruno Retailleau.

Dans la même thématique

Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »
5min

Société

Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »

Dans son discours sur l’Europe à la Sorbonne, Emmanuel Macron a appelé à reprendre le contrôle sur les contenus en ligne et à protéger la jeunesse des contenus dangereux. Pour Olivia Tambou, maître de conférences, la clé d’une telle réglementation au niveau européen réside dans la vérification de l’âge. La sénatrice Catherine Morin-Desailly appelle à une réflexion plus globale sur les usages et la formation.

Le

Police operation de lutte contre les depots sauvages a Nice
5min

Société

Couvre-feu pour les mineurs : quel pouvoir pour les maires ?

La décision de Gérald Darmanin d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs en Guadeloupe inspire les maires de métropole. À Béziers, la mesure est en vigueur depuis lundi. À Nice, Christian Estrosi songe aussi à la mettre en place. Dans quelle mesure les maires peuvent-ils restreindre la liberté de circuler ?

Le

Manifestation contre les violences sur les mineurs, Toulouse
4min

Société

Relaxe d’un homme accusé de violences familiales : le droit de correction invoqué par les juges est « contraire à la loi »

Ce 18 avril, la cour d’appel de Metz a relaxé un policier condamné en première instance pour des faits de violences sur ses enfants et sa compagne. Dans leur arrêt, les juges ont indiqué qu’un « droit de correction est reconnu aux parents ». Une décision qui indigne la sénatrice Marie-Pierre de la Gontrie, rapporteure d’une proposition de loi qui interdit les « violences éducatives » depuis 2019.

Le