Pour répondre au « profond malaise » des directeurs d’école, le Sénat propose ses solutions

Pour répondre au « profond malaise » des directeurs d’école, le Sénat propose ses solutions

Alors que le déconfinement a placé les directeurs d’école sous la lumière, un rapport du Sénat fait 16 préconisations pour changer la donne de cette fonction marquée par les burn-out et la crise des vocations. Plus de temps dégagé, revalorisation salariale et tâches clarifiées, les pistes sont nombreuses.
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Des tâches qui se multiplient, un manque de temps, une surcharge de travail chronique… Bienvenue dans le monde merveilleux des directeurs d’école. Une fonction indispensable qui n’a pourtant pas la cote. La déconfinement et l’organisation compliquée du protocole sanitaire a rappelé combien elle était nécessaire.

Un rapport du Sénat se penche sur la situation et, surtout, fait des propositions pour « changer la donne », expliquait la semaine dernière à publicsenat.fr le sénateur LR Max Brisson, co-rapporteur avec la sénatrice du groupe RDSE, Françoise Laborde. Comme nous l’écrivions, les sénateurs ont fixé quatre grands axes : « Il y a un besoin de cadre administratif, un besoin de formation, un besoin de temps par un nouveau système de décharge et un besoin de clarification des missions » résume Max Brisson. Le rapport, adopté la semaine dernière à l’unanimité, a été dévoilé ce mardi. Il fixe seize préconisations. Elles tombent à pic. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, qui a déjà annoncé quelques mesures en novembre dernier, entend creuser le sujet, qui reste à son agenda.

60% des directeurs seraient en burn-out, 50% se font insulter

Seize préconisations, ce n’est pas de trop pour répondre au « profond malaise », selon les mots du rapport, que connaît la profession, marquée par un suicide il y a quelques mois. « Près des deux tiers des directeurs d’école déclaraient en novembre 2018 avoir un moral moyen voire mauvais et plus de la moitié estime que les conditions de travail se sont dégradées ces dernières années. Près de 60 % des directeurs d’école seraient en burn-out, dont un tiers relevant du « burn-out » clinique » soulignent les sénateurs dans ce rapport de 47 pages.

Parmi les causes de ce malaise, 80% des directeurs estiment, selon une étude réalisée sur 7.365 d’entre eux, que trop de décisions leur sont imposées par leur hiérarchie. En outre, « plus de 50 % des directeurs d’école déclarent avoir été insultés au cours de l’année 2017-2018, principalement par les parents (78 %) ; 13 % ont été bousculés, 6 % frappés, 26 % harcelés » souligne le rapport. Autre chiffre : « Plus de 90 % des directeurs d’école estiment leur temps de travail hebdomadaire annualisé supérieur à 45 heures, et plus de 50 % à 50 heures ».

Résultat : une crise des vocations. « Près de 4 000 postes de directeur seraient vacants selon les syndicats, soit 9 % des écoles ». Les petites écoles rurales sont concernées, mais aussi – et c’est nouveau – les plus grandes, en milieu urbain.

Nouveau cadre administratif et éviter une « culture d’infantilisation »

Il est donc urgent d’agir. Premier point mis sur la table par les sénateurs pour améliorer la situation : un vrai cadre administratif, plutôt qu’un nouveau corps. Cette dernière solution n’est pas du goût des syndicats et empêcherait de redevenir professeur des écoles. Car les directeurs restent en même temps professeurs, qui enseignent plus ou moins selon la taille de l’école.

Les rapporteurs défendent ainsi l’idée de « créer un emploi fonctionnel pour les directeurs d’école, s’accompagnant d’une revalorisation de leur régime indemnitaire ». Un point essentiel. Pour éviter une « culture d’infantilisation », il convient aussi d’inscrire « la relation entre directeur d’école et inspecteur de l’Education nationale dans une logique partenariale de co-pilotage et de co-responsabilité ».

Revoir le système de décharge en changeant les seuils

Pour pouvoir réaliser au mieux leurs tâches, les directeurs ont besoin de plus de temps. D’où l’idée de revoir le système actuel de décharge de cours. Contrairement à une proposition de loi de l’Assemblée, qui propose une décharge totale dès 8 classes, qui aurait un coût important, les sénateurs préfèrent une décharge à 100% à partir de 13 classes, contre 14 actuellement pour les écoles mêlant classes de maternelle et d’élémentaire

Les sénateurs de la commission de la Culture et de l’Education pensent aux petites écoles. Ils veulent créer « une strate commune aux écoles de 1 à 3 classes » et accorder « un temps de décharge supplémentaire aux écoles de 4 à 7 classes ». En cas de fermeture d’une classe, une période de transition d’un an permettrait de limiter les effets de seuil. Pour les petites écoles, il convient de « sanctuariser les jours de décharge ».

Renforcer la formation

Max Brisson et Françoise Laborde ont identifié un besoin de formation : renfort de la formation initiale avec la prise en compte de « l’ensemble des facettes du métier », développer les échanges entre pairs, des directeurs référents et renfort de la formation continue.

Limiter la multiplication de tâches parfois vides de sens

Enfin, clarification des tâches, avec une nouvelle nomenclature, « notamment en matière de sécurité », afin de préciser les responsabilités entre directeurs et collectivités, et la mise en place d’une aide administrative pour les écoles de 8 classes et plus. Pour limiter la multiplication des tâches chronophages et parfois vides de sens, « il est urgent de procéder à une « chasse aux doublons » », écrivent les rapporteurs.

Exemple de ces tâches : le directeur d’école doit imprimer et signer à la main chaque certificat de scolarité, et chaque exemplaire, alors que les chefs d’établissement du secondaire peuvent les éditer et signer électroniquement. « C’est typiquement l’exemple de tâches chronophages de début d’année, et qui a peu de sens. Pour une école de 10 classes avec 24 élèves en moyenne, le directeur d’école devra signer manuellement 240 certificats – s’il donne aux parents un unique exemplaire – et 960 s’il le donne en quatre exemplaires »… pointe le rapport.

Mais Max Brisson et Françoise Laborde mettent cependant en garde : le tout numérique n’est pas la panacée. Les parents posent parfois des questions à toute heure et traiter les mails prend du temps. « Ainsi, dans de nombreux cas, l’outil numérique a amplifié le travail au lieu de le simplifier » souligne le rapport, effet « renforcé par l’absence de formation au numérique d’un certain nombre de directeurs d’école mais également des équipements parfois inadaptés ». Ainsi, « ces problèmes de bureautique représentent trois des quatre premières attentes prioritaires des directeurs d’école en matière de ressources matérielles ». Autrement dit, un ordinateur récent et en bon état, c’est mieux pour travailler. L’amélioration des conditions de travail, c’est aussi du concret.

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