Prêts immobiliers : le Sénat supprime le questionnaire médical pour de nombreux emprunteurs

Prêts immobiliers : le Sénat supprime le questionnaire médical pour de nombreux emprunteurs

La commission des affaires économiques du Sénat a mis fin mercredi au questionnaire médical pour les prêts immobiliers, jugé discriminatoire envers les personnes atteintes de longues pathologies ou de maladies chroniques. Le nouveau dispositif devrait être complété par une série d’amendements lors du débat en séance publique.
Romain David

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« On a mis le pied dans la porte ! », se félicite la sénatrice LR Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mercredi 19 janvier, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi, issue des rangs de l’Assemblée nationale, « pour un accès plus juste, plus simple, et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur », les membres de la commission ont fait disparaître le questionnaire médical auquel sont soumis les futurs emprunteurs. Les sénateurs entendent par cette suppression mettre fin aux discriminations subies par les personnes malades lorsqu’il s’agit d’obtenir un prêt immobilier.

Ce questionnaire, dans lequel il est demandé aux clients de dresser l’historique de leurs antécédents médicaux, permet aux banques de mettre en place une tarification du risque, généralement très défavorable aux personnes atteintes de maladies longues ou chroniques. Le dispositif actuel prévoit néanmoins, dans le cadre de la convention AERAS (« s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », ndlr), un droit à l’oubli pour les personnes ayant souffert d’un cancer, et qui ne sont plus tenues de le déclarer passé un délai de 10 ans après la fin de leur traitement.

« C’est une question de solidarité et d’humanité »

Les élus de la chambre Haute ont donc choisi d’aller beaucoup plus loin que les députés, dont le texte proposait de jouer essentiellement sur les délais relatifs au droit à l’oubli. Pour le Sénat, le seul maintien du questionnaire reste « une entrave » aux efforts des malades ou des personnes en rémission pour continuer d’avoir une vie normale. « Le faire disparaître, c’est une question de solidarité et d’humanité », fait valoir Sophie Primas. « Nous avons également voulu maintenir un esprit mutualiste. »

« Durant les auditions, on s’est rendu compte qu’il y avait un problème sur le volet santé. La convention AERAS a montré ses limites », précise à Public Sénat le rapporteur Daniel Gremillet. « Il y a une attente sociétale, notamment de la part des jeunes. Ils ont le droit de vivre, de devenir propriétaire, d’avoir des perspectives ! »

Le maintien du questionnaire dans certains cas de figure

Le questionnaire médical ne disparaît toutefois pas complètement. Il s’appliquera encore pour les prêts de plus de 200 000 euros, et à ceux qui arrivent à échéance après le 65e anniversaire de l’emprunteur. « 200 000 euros par personne, donc 400 000 pour un couple ! », précise Daniel Gremillet. « Néanmoins, j’ai conscience que ça n’est pas satisfaisant pour la région parisienne et les grandes métropoles. Je proposerai donc en séance un amendement pour que l’on puisse aller encore plus loin », souffle le sénateur, tout en rappelant que la moyenne nationale se situe autour de 185 000 euros.

Quant à l’échéance des 65 ans, « interviendront également une série d’amendements pour obtenir un droit à l’oubli plus court pour les personnes concernées ». La durée moyenne de remboursement d’un emprunt immobilier étant d’une vingtaine d’années, il s’agit pour l’essentiel des emprunteurs âgés de plus de 45 ans au moment de la souscription. Il est également question d’inclure d’autres pathologies dans le droit à l’oubli, telles que le diabète ou certaines maladies cardio-vasculaires.

Mettre la majorité présidentielle devant le fait accompli

Le sénateur Gremillet se dit confiant quant à l’adoption du texte issu des travaux de la commission, lors de la discussion en séance, prévue le mercredi 26 janvier. Reste à savoir si l’Assemblée nationale, aux mains du camp présidentiel, validera cette modification. « Je vois mal la majorité présidentielle revenir en arrière, surtout avec l’élection qui approche », relève Sophie Primas. « Il y aura une commission mixte paritaire pour trouver une version de compromis (le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée sur ce texte, il n’y aura pas de seconde lecture, ndlr), mais l’Assemblée nationale ne pourra pas rester bloquée sur une telle avancée ! », abonde Daniel Gremillet.

Car il faut dire que la commission sénatoriale a aussi retoqué ce qui était l’une des raisons d’être de cette proposition de loi : à savoir la possibilité de rompre à tout moment le contrat d’assurance emprunteur. Sur ce point, les élus du Palais du Luxembourg ont estimé que le gain en termes de pouvoir d’achat - argument mis en avant par le texte -, restait « très hypothétique ».

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