Procès des indépendantistes catalans : 41 sénateurs dénoncent « des manquements aux valeurs démocratiques »

Procès des indépendantistes catalans : 41 sénateurs dénoncent « des manquements aux valeurs démocratiques »

Une quarantaine de sénateurs de tous bords dénoncent dans une tribune « la répression d'élus » indépendantistes catalans, actuellement en procès. Le gouvernement français ainsi que le président du Sénat, Gérard Larcher, se sont désolidarisés de cette tribune estimant que la France n’avait pas à « s’immiscer dans les affaires intérieures espagnoles »
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« Les manquements aux valeurs démocratiques peuvent paraître choquants en Hongrie, en Pologne, ou en Roumanie mais ne le sont pas forcément quand il s’agit de l’Espagne » observe Simon Sutour, sénateur socialiste et vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat.

Dimanche sur le blog hébergé par Mediapart du sénateur LREM André Gattolin, également vice-président de la commission des affaires européennes de la haute assemblée, 41 sénateurs de tous partis confondus, co-signent une tribune intitulée : « Pour le respect des droits fondamentaux en Catalogne ». Si les parlementaires prennent soin de préciser que s’ils ne prennent pas parti « sur le sujet de l’indépendance de la Catalogne », ils dénoncent « les répressions dont sont victimes des élus légitimes, représentants politiques de la Generalitat de Catalogne emprisonnés ou forcés à l’exil pour leurs opinions dans l’exercice des mandats que leur ont confiés les électeurs ».

Des peines allant de 7 à 25 ans de prison

Assez peu relayé en France, le procès des indépendantistes catalans devant la Cour suprême de Madrid a démarré depuis le 12 février. Une douzaine de personnes encourent entre 7 et 25 ans de prison. Des anciens membres du gouvernement régional catalan, l’ancienne Présidente du Parlement catalan et des responsables associatifs sont accusés d’avoir « déchiré » le pays en octobre 2017, en mettant en place un référendum illégal, suivi d’une déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne. Parmi les chefs d’accusation, les délits de « sédition », de « malversations de fonds », d' « appartenance à organisation criminelle », de « désobéissance à l’autorité », le délit le plus lourd étant celui de « rébellion » puni de 25 ans de prison.

Pas d’appel possible devant la Cour Suprême espagnole

Dès le 14 mars au Sénat, à l’occasion du débat préalable au Conseil européen, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, vice-président de la commission des affaires européennes de la haute assemblée et signataire de la tribune, avait déjà interpellé la ministre Nathalie Loiseau sur « le respect des droits de la défense et de la conformité des procédures pénales aux valeurs démocratiques européennes » du procès catalan. « Sachez mes chers collègues que les décisions du tribunal suprême sont définitives et sans recours. Que sa composition n’obéit pas aux règles d’indépendance puisque ces membres ont été nommés par le pouvoir de la précédente majorité. Enfin que l’accusation publique est secondée au titre de l’accusation populaire par un membre du parti d’extrême droite, VOX, dont l’objectif politique revendiqué est, je le cite : de suspendre l’autonomie de la Catalogne jusqu’à la défaite des putschistes » avait-il développé.

Procès des indépendantistes catalans: quand Pierre Ouzoulias interpellait Nathalie Loiseau
07:27

« Il faut que la France et l’Union européenne interviennent pour un retour au dialogue »

Contacté par publicsenat.fr, Pierre Ouzoulias considère que ce procès « n’est pas uniquement une affaire espagnole » mais contrevient « à la liberté démocratique » telle que mise en avant par Emmanuel Macron, lui-même, dans sa lettre adressée aux citoyens européens le 4 mars dernier. « Nous voulons réveiller la conscience européenne et faire en sorte que ce procès ne se déroule pas dans l’indifférence. Il faut que la France et l’Union européenne interviennent pour un retour au dialogue » ajoute-il.

« Ce qui m’a intéressé dans cette tribune, c’est qu’il ne s’agit pas d’une démarche politique. La tribune a été envoyée à tous les groupes du Sénat et nous avons eu 41 retours » ajoute François Calvet, sénateur LR des Pyrénées-Orientales. À noter que si tous les membres du groupe CRCE du Sénat (Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste) ont répondu à l’appel, le groupe Les indépendants-République et Territoire est le seul à ne compter aucun membre parmi les signataires. « Le problème c’est que la Constitution espagnole date de 1978 et elle est très en retrait par rapport aux valeurs démocratiques de l’Union européennes. Je connais personnellement l’ancienne présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell, une grand-mère attentionnée. Elle en détention préventive depuis un an et demi pour ses idées et ce pour quoi elle a été élue » s’insurge François Calvet.

Manuel Valls retweete le communiqué des sénateurs LREM

De l’avis de Pierre Ouzoulias, André Gattolin a été « très courageux » en s’impliquant dans la rédaction de cette tribune dont il est l’un des initiateurs. En effet, dès hier soir, un communiqué du groupe LREM du Sénat se désolidarisait des quatre sénateurs LREM signataires. « Elle (cette tribune) est l’expression individuelle de sénateurs et ne reflète pas la position de notre groupe » peut-on lire dans ce court texte, immédiatement retweeté par Manuel Valls, candidat à la mairie de Barcelone.

Gérard Larcher réaffirme « sa pleine confiance et son soutien à l’égard des autorités espagnoles »

Mardi, à la mi-journée, c’est le président du Sénat, Gérard Larcher qui prend la plume pour « rappeler son attachement à l’unité et à l’intégrité de l’Espagne, ainsi qu’au respect de son cadre constitutionnel ». Sans s’immiscer dans les affaires intérieures espagnoles », Gérard Larcher réaffirme « sa pleine confiance et son soutien à l’égard des autorités espagnoles ».

Sur Twitter, la ministre chargée des affaires européennes, Nathalie Loiseau a rappelé la ligne du gouvernement sur ce sujet à savoir « le strict respect des règles constitutionnelles espagnoles ». « C’est un sujet qui relève de la responsabilité de l’Espagne, qui est un État de droit, dans lequel personne, fut-il parlementaire français, n’a à s’immiscer. Pour le sénateur socialiste, Simon Sutour, « le gouvernement ne réagit pas en défendant les citoyens européens mais préfère pratiquer le principe de la solidarité entre États. Il est vrai qu’à l’approche des élections européennes, Emmanuel Macron a besoin d’alliés. Et l’Espagne en fait partie ».

 

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