Projet de loi énergie et climat : ce qu’a modifié le Sénat en commission
Les sénateurs de la commission des Affaires économiques ont amendé le projet de loi énergie et climat, adopté par l’Assemblée nationale. Il était caractérisé, selon eux, par « une absence de vision stratégique à long terme ».

Projet de loi énergie et climat : ce qu’a modifié le Sénat en commission

Les sénateurs de la commission des Affaires économiques ont amendé le projet de loi énergie et climat, adopté par l’Assemblée nationale. Il était caractérisé, selon eux, par « une absence de vision stratégique à long terme ».
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Dernier texte notoire qui sera examiné au Sénat avant l’interruption estivale, le projet de loi relatif à l’énergie et au climat (adopté le 28 juin à l’Assemblée nationale) laisse des sénateurs désappointés, n’hésitant pas à le qualifier de « petite loi ». Le texte soumis aux parlementaires propose de poser un cadre à la politique climatique de la France, en accélérant le déploiement des énergies renouvelables et en améliorant la performance des logements, en luttant contre les passoires énergétiques. L’objectif de neutralité carbone en 2050 sera fixé dans le marbre de la loi : autrement dit, les émissions de gaz à effet de serres émis par la France ne pourront pas être supérieures à ce qu’elle est en capacité d’absorber.

Mais l’essentiel de l’ambition portée par le gouvernement reposera toutefois sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ce bras armé de la politique climatique échappera au Parlement car il s’agit d’un décret. « On demande au législateur d’entériner des décisions prises par décret, de faire de la technique alors que les choix stratégiques pour l’énergie et le climat ne sont pas à l’intérieur », regrette le sénateur (LR) Daniel Gremillet, rapporteur de ce projet de loi.

Projet de loi énergie : « On demande au législateur d’entériner des décisions prises par décret », regrette Daniel Gremillet
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« On demande au législateur d’entériner des décisions prises par décret », regrette Daniel Gremillet

À l’avenir, le projet de loi énergie et climat redonne une marge de manœuvre plus importante au Parlement, qui sera amené à se prononcer sur une loi de programmation quinquennale pour le climat. Le rapporteur Daniel Gremillet estime avoir renforcé cet outil ce 10 juillet, au cours de l’examen du texte par la commission des Affaires économiques. « Nous allons vraiment nous emparer de cette dimension absolument stratégique », souligne-t-il.

Les sénateurs ont notamment souhaité que ces futures lois quinquennales fixent le volume des obligations à réaliser dans le cadre des certifications d’économies d’énergie. Afin d’encourager le développement de filières françaises dans les énergies vertes, ils ont également rajouté de nouveaux objectifs à atteindre, des signaux pour le monde industriel.

Encourager le développement de l’hydroélectricité et du biogaz

L’hydroélectricité est la première citée : les capacités de production devront être portées à 27 gigawatts en 2028 (contre 25,5 actuellement). Le dispositif prévu pour faciliter l’augmentation de la puissance des centrales est d’ailleurs facilité, par rapport à l’Assemblée nationale. Si le concessionnaire n’a pas obtenu de réponse dans un délai de trois mois de la part de l’administration, le projet sera considéré comme accepté (et non plus refusé).

L’éolien en mer devra, lui, progresser d’un gigawatt par an jusqu’en 2024. Sur ce point, les sénateurs n’ont fait que reprendre un objectif affiché par le Premier ministre lors de son discours de politique générale. La part du biogaz, dans la part des énergies produites en France, devra atteindre 8 % en 2028, un palier intermédiaire introduit par les sénateurs, pour être certain que l’objectif de 10 % en 2030 soit atteint.

Autre modification sénatoriale : tous les dispositifs de soutien à l’électricité et au gaz renouvelables devront inclure un bilan carbone. La notion d’empreinte carbone (les émissions qui ne relèvent pas directement du territoire national), définie par le projet de loi, est en revanche assouplie. Les sénateurs veulent en faire un outil seulement « indicatif ». L’Outre-mer n’est pas oublié par la chambre des territoires : parmi les objectifs des futures lois quinquennales devra figurer la recherche de l’autonomie énergétique pour les départements ultramarins.

La commission des Affaires économiques répond également au défi que constituera la fermeture des dernières centrales à charbon en 2022. La copie sénatoriale précise que les mesures d’accompagnement des salariés devront être assumées par l’État.

Le Sénat desserre les sanctions

Du côté de l’énergie solaire, les sénateurs encadrent davantage ce qui était prévu dans le texte, tel qu’adopté à l’Assemblée. Le projet de loi autorisait la construction de panneaux solaires aux abords d’autoroutes et routes express. Pour que ces projets ne portent pas atteinte aux surfaces agricoles, les sénateurs ont précisé que les futurs panneaux devraient être posés sur des voies inutilisées, des aires de repos ou de stationnement. La commission des Affaires économiques a également souhaité que les permis de construire puissent continuer de s’opposer à l’installation de dispositifs d’énergies renouvelables sur des immeubles, même si ces derniers dépassent les besoins des habitants. « Retirer ce pouvoir aux maires risque d'entraîner une installation désordonnée et massive de tels dispositifs », s’est inquiété Daniel Gremillet.

Le volet de la lutte contre les passoires énergétiques (logements en classes F et G) a également été revu par les sénateurs, préférant l’incitation à la sanction. Le projet de loi prévoit une régénération en trois étapes : après une phase incitative et une phase d’obligation de travaux doit intervenir une phase de mécanisme contraignant. « Imposer des sanctions trop brutales aux propriétaires serait contre-productif et risquerait de sortir des centaines de milliers de logements du marché », a averti Sophie Primas, présidente de la commission des Affaires économiques.

Un article introduit par les députés a par ailleurs été supprimé. Il imposait aux entreprises de plus de 500 salariés de présenter un plan de transition pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, sous peine d’une amende pouvant atteindre 50.000 euros en cas de manquement. Actuellement, elles sont tenues à ne présenter qu’un bilan de leurs émissions, sous peine de se voir infliger une amende pouvant atteindre 1500 euros. « L'ampleur du déplafonnement de l'amende est excessive et difficilement justifiable sans étude d'impact ou éléments valables », ont souligné les sénateurs issus du groupe LR.

Le texte sera débattu par le Sénat en séance publique à partir du mardi 16 juillet.

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