Projet de loi sanitaire : les sénateurs et les députés tombent d’accord sur la version du Sénat

Projet de loi sanitaire : les sénateurs et les députés tombent d’accord sur la version du Sénat

La version définitive du 13ème projet de loi de lutte contre le covid a été définie par les parlementaires en commission mixte paritaire. Elle reprend globalement la version adoptée ce mercredi soir au Sénat. Une victoire pour la droite sénatoriale, mais au prix de certaines positions que la gauche du Sénat qualifie de « clins d’œil aux antivax » et qui font grincer des dents jusque dans la majorité sénatoriale.
Louis Mollier-Sabet

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« C’est une CMP Potemkine », regrette un parlementaire. La pique peut sembler un peu obscure pour les non-initiés, mais lors de la « commission mixte paritaire » (CMP) des représentants des députés et des sénateurs tentent de se mettre d’accord, après avoir voté des textes différents en séance. Enfin en théorie, puisqu’avec la nouvelle configuration parlementaire issue des dernières élections législatives, la gauche reproche à la majorité sénatoriale d’avoir « dealé » un compromis sur le projet de loi « veille et sécurité sanitaire » avec la majorité présidentielle, avant même l’examen du texte en séance par le Sénat ce mercredi soir. D’où les attaques de la gauche du Sénat, qui accuse la majorité sénatoriale d’avoir servi de point d’équilibre entre Ensemble et le groupe LR de l’Assemblée nationale, en enjambant finalement l’examen du texte au Sénat, et la commission mixte paritaire qui doit normalement servir à régler ces différends, devenant ainsi « Potemkine », du nom de ce village en trompe-l’œil prétendument visité par Catherine de Russie au XVIIIè siècle.

« Je ne suis pas là pour tirer la couverture du côté du Sénat »

Et de fait, le texte qui sort aujourd’hui de la CMP ressemble furieusement à la version votée hier en séance au Sénat, qui découlait elle-même presque directement de la version du texte proposée par Philippe Bas et votée par la commission des Lois mardi. Les grandes orientations proposées par la commission des Lois et le rapporteur LR du texte, Philippe Bas, ont donc bien été retenues, comme il l’explique lui-même au micro de Public Sénat : « Nous avons trouvé un accord sur des bases claires et cohérentes. D’abord, abrogation du passe vaccinal, du passe sanitaire et de toute mesure d’exception et retour au droit d’avant le covid. Deuxièmement, possibilité exceptionnelle que, si un variant dangereux apparaissait à l’étranger, on protège nos frontières en demandant un test pour venir en France ; et troisièmement, créer un chemin vers la réintégration des personnels au moment où il n’y aura plus de raisons médicales d’imposer une obligation vaccinale contre le covid. »

Certes, avec la majorité relative dont dispose maintenant Ensemble à l’Assemblée, les LR sont dans une position plus confortable en CMP pour arracher certains compromis au gouvernement. Le ministre de la Santé, François Braun, a d’ailleurs salué sur twitter l’accord trouvé en CMP sur la base du texte issu du Sénat, en se « félicitant de ce consensus au service de la protection des Français. » À gauche, on continue à dénoncer un « deal » entre les LR du Sénat, de l’Assemblée, et du gouvernement : « Comme nous l’avions pressenti hier, la commission mixte paritaire n’a pas pu toucher un seul mot du texte adopté au Sénat. » Face aux critiques, Philippe Bas botte en touche : « Je ne suis pas là pour tirer la couverture du côté du Sénat. C’est une nécessité dans la République que nos deux chambres puissent apporter des garanties pour la qualité de la loi. » Après un examen chaotique à l’Assemblée et au rejet de l’article 2 par de nombreux députés LR, le gouvernement s’en est tout de même probablement remis à la majorité sénatoriale de droite et du centre pour faire tampon, et les orientations poussées par Philippe Bas semblent bien être le fruit de ce compromis entre majorité présidentielle, sénateurs LR et députés LR. Une « CMP » qui donne donc le ton du prochain quinquennat, où le gouvernement va devoir composer avec le groupe LR à l’Assemblée, mais où les sénateurs vont aussi devoir accorder leurs violons avec leurs collègues députés, tout en légiférant avec le gouvernement.

« Une position politique destinée à flatter les antivax pour obtenir le vote des LR à l’Assemblée nationale »

Si cette gymnastique semble presque logique vu la nouvelle configuration parlementaire, elle ne sera pas si facile à tenir. La position de droite a déjà du mal à passer au sein même de la majorité sénatoriale, puisque le groupe centriste a « regretté l’abandon de toute référence au vaccin comme justificatif » et voit dans la version définitive de ce texte « un mauvais coup à la politique de santé publique. » Philippe Bonnecarrère, sénateur Union Centriste, avait d’ailleurs déposé un amendement pour réintégrer le schéma vaccinal complet dans le « certificat sanitaire de voyage » mis en place par l’article 2, derrière lequel s’étaient rangés la gauche et le gouvernement. « Dans un tiers des cas elle vous protège contre la contamination donc si vous voulez protéger les Français contre l’importation d’un variant très grave, il faut un test négatif. C’est pour ces raisons scientifiques que nous avons voulu imposer le test », se défend Philippe Bas.

Des arguments qui sont loin de convaincre Bernard Jomier, sénateur socialiste présent en CMP : « On ne fabrique pas des arguments scientifiques. On ne sait pas du tout si ce sera le vaccin ou le test le plus efficace pour le prochain variant. Personne ne le sait, et le rapporteur fait semblant de dire que le vaccin ne le sera pas. Nous voulions garder les hypothèses ouvertes et s’il fallait les deux, et bien il fallait les deux. C’est aussi ce qu’a dit le ministre. » Pour lui, s’en tenir aux tests, « c’est une position politique destinée à flatter les antivax pour obtenir le vote des LR à l’Assemblée nationale et montrer que c’est la droite qui fait la loi. » Parce qu’en plus de ce choix du test comme unique justificatif dans le « certificat sanitaire de voyage », la version du Sénat a rajouté un article sur la réintégration des soignants non-vaccinés suspendus. Un ajout qui fait des remous jusque dans la majorité présidentielle, qui a pourtant voté le texte issu de la CMP. « Cet article est inefficace, inutile et dangereux. Je ne doute pas un instant que l’avis de la Haute Autorité de Santé [qui tranchera sur cette réintégration] soit de même nature que l’avis de l’Académie de médecine ou du Conseil scientifique [qui s’y sont montrés défavorables, ndlr] », lâche ainsi Sacha Houlié, président Renaissance de la commission des Lois de l’Assemblée nationale.

Le sujet a visiblement été discuté lors de la commission mixte paritaire, puisque Bernard Jomier se fait écho des réserves de Sacha Houlié : « Le président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale a dit en CMP que c’était probablement inconstitutionnel d’introduire cette question de la réintégration des soignants, qui ne figurait pas dans le périmètre initial du texte. Ce ne sont pas des compromis efficaces, mais des postures politiques qui visent à flatter les extrémistes. » Réponse de Philippe Bas : « La loi a suspendu ces personnels, elle ne les a pas licenciés. Il faudra bien un jour, quand la vaccination ne sera plus nécessaire, qu’ils reprennent leur travail. La réintégration, ce n’est pas nous qui la créons, nous créons juste la procédure qui permettra de constater que ça n’est plus médicalement justifié. »

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