Projet de loi santé : feu vert du Sénat à la réforme des recrutements de praticiens hospitaliers

Projet de loi santé : feu vert du Sénat à la réforme des recrutements de praticiens hospitaliers

Les sénateurs ont adopté l’article 6 du projet de loi relatif à l’organisation du système de santé. Il autorise le gouvernement à prendre des ordonnances pour créer un statut unique de praticien hospitalier. Objectif : redonner de l’attractivité à l’hôpital et limiter le recours à un intérim coûteux, en facilitant les ponts avec la médecine libérale.
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On ne compte plus les difficultés auxquelles est confronté l’hôpital aujourd’hui en France. L’article 6 du projet de loi relatif à l’organisation du système de santé, examiné au Sénat depuis le 3 juin, doit donner un début de réponse à la pénurie de médecins et de professeurs que connaît l’hôpital public. Il doit aussi permettre d’enrayer la spirale du recrutement des docteurs intérimaires, très coûteux au niveau budgétaire.

Les sénateurs ont adopté l’article ce mercredi en fin d’après-midi, qui autorise le gouvernement à prendre des mesures par voie d’ordonnance sur les conditions d’exercice et le recrutement de certains praticiens dans les hôpitaux. L’exécutif souhaite notamment créer un statut unique de praticien hospitalier. Une solution qui, de l’avis du sénateur LR René-Paul Savary, peut « faire en sorte de régler un certain nombre de problèmes. » Selon Agnès Buzyn, la solution était portée par les hôpitaux eux-mêmes.

27 % de postes vacants pour les praticiens hospitaliers à l’été 2018

De manière générale de nombreux sénateurs ont souscrit aux objectifs de l’article : attirer de nouveaux profils dans les carrières hospitalières. Car plus de 27 % des postes de praticiens hospitaliers sont vacants. « Ces statuts plus souples vont permettre de rendre plus attractifs certains postes de praticiens hospitaliers, notamment pour certaines spécialités en tension, comme les anesthésistes, où les salaires sont plus importants dans le privé », a argumenté Agnès Buzyn.

Projet de loi santé : Agnès Buzyn défend le statut unique de praticien hospitalier
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Le futur contrat unique doit aussi faciliter les passerelles entre la médecine libérale et la médecine hospitalière, à laquelle aspire le gouvernement. Mais cet exercice mixte n’est pas sans risques. Beaucoup de sénateurs, comme Bernard Jomier (apparenté socialiste), redoutent des « dérives », citant par exemple le cas d’un cumul entre une activité à temps plein et une autre activité. Il faut « imposer des garde-fous », a approuvé le rapporteur Alain Milon.

Des « garde-fous » pour encadrer les emplois du temps à cheval entre l’hôpital et la ville

Agnès Buzyn a précisé que le texte gouvernemental y répondrait. « Le développement de l’exercice mixte ne doit pas aboutir à des situations individuelles de temps de travail excessif, qui seraient de nature à compromettre la sécurité des soins. Les dispositifs qui seront arrêtés devront être attentifs à ce risque », a-t-elle promis.

Autre encadrement installé par la commission des Affaires sociales, validé en séance : un mécanisme veillant à éviter les conflits d’intérêts entre les praticiens qui exercent à la fois dans un hôpital et dans un cabinet situé dans le même secteur (article 6 bis A).

Adressé par le groupe communiste, un autre reproche est soulevé : le rapprochement entre médecine de ville et hôpital aura des conséquences sur la gestion du temps. Dans un sens ou dans l’autre. Michelle Gréaume, sénatrice communiste, y a vu une « incohérence ». « Vous prétendez favoriser l’exercice à l’hôpital des professionnels libéraux. Alors que nous parlons depuis quelques jours du manque de professionnels libéraux dans les zones sous-denses, on va leur demander d’exercer demain en plus dans les hôpitaux publics ! » Inversement, Bernard Jomier, pour le groupe socialiste, craint des « désinvestissements » au détriment d’activités privées dans les services publics.

Exercice mixte hôpital-ville : Michelle Gréaume souligne une « incohérence »
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Exercice mixte hôpital-ville : Michelle Gréaume souligne une « incohérence »

Un effet attendu sur l’intérim coûteux des médecins

La promesse d’un statut refondu et d’une passerelle entre ces deux médecines devrait alléger les besoins en intérim. Guillaume Arnell, sénateur RDSE, s’est inquiété de savoir si l’ordonnance allait encadrer les écarts de rémunérations entre les titulaires et les personnes recrutées sous contrat. « Le recours massif aux intérimaires est un sujet préoccupant. Il plombe le budget des hôpitaux », a souligné le sénateur de Saint-Martin.

Le gouvernement a répondu que l’encadrement des rémunérations serait bien inscrit dans l’ordonnance. Agnès Buzyn a elle-même reconnu que les salaires des médecins en intérim étaient « difficiles à réguler », malgré un récent décret pris pour limiter cette progression. Rappelons qu’en 2013, un rapport du député Olivier Véran (PS à l’époque, LREM aujourd’hui) estimait à 500 millions d’euros pour les hôpitaux publics le coût du recours aux médecins en contrats d’intérim.

La centriste Jocelyne Guidez a, elle, redouté les conséquences de la fin du concours national des praticiens hospitaliers, induit par la réforme, et la montée en puissance des directions d’établissements. La « procédure de nomination restera nationale », a assuré Agnès Buzyn, qualifiant la sélection actuelle de « faux concours », « sur titres et CV ».

L’agacement des sénateurs devant le choix de l’ordonnance et les contours vagues

Face à la méthode retenue, les sénateurs n’ont pas manqué de partager leur profonde déception. « Sur un sujet aussi fondamental, le gouvernement a recours à des ordonnances, et nous sommes plutôt confrontés à un flou sur le champ de l’habilitation », a regretté Laurence Cohen, chef de file des communistes sur ce projet de loi. Le rapporteur, Alain Milon (LR), lui aussi n’a eu cesse d’afficher son agacement depuis les premiers travaux en commission des Affaires sociales. Pour autant, pas question de supprimer l’article. « En dépit de nos réserves, nous voulons nous montrer aussi constructifs que possible », a-t-il expliqué, « mais nous serons attentifs au contenu de l’ordonnance lorsqu’elle sera soumise à ratification. » Avant d’ajouter, lassé : « J’espère qu’un tel dessaisissement du Parlement ne se représentera pas à l’avenir ».

Ordonnances sur la loi santé : « J’espère qu’un tel dessaisissement du Parlement ne se représentera pas » (Milon)
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Ordonnances prévues par le projet de loi santé : « J’espère qu’un tel dessaisissement du Parlement ne se représentera pas » (Alain Milon)

La ministre s’est engagée à venir présenter l’ordonnance devant la commission, avant l’examen de loi d’habilitation. Selon elle, il était impossible d’inscrire précisément les dispositions dans le marbre de la loi, car la concertation avec les professionnels n’est pas terminée.

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