Projet de loi santé : Le Sénat vote sur l’organisation des hôpitaux de proximité

Projet de loi santé : Le Sénat vote sur l’organisation des hôpitaux de proximité

L’article 8, qui porte sur le statut des hôpitaux de proximité, était en débat au Sénat. Des sénateurs de tous bords ont tenté, sans succès, à inscrire dans le texte l‘obligation d’un maintien d’un service d’urgences et de petite chirurgie. Pour Agnès Buzyn, il revient à chaque hôpital de « s’adapter ».
Public Sénat

Par Ariel Guez

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Après l’échec de l’instauration d’une régulation à l’installation des médecins dans les territoires surdotés (voir notre article), des sénateurs de tous bords ont plaidé pour la présence obligatoire de services d’urgences et de petite chirurgie dans les hôpitaux de proximité. Après un long débat ce matin, le Sénat a finalement voté cet après-midi l’article 8, qui définit le statut des hôpitaux de proximité. Un article qui n’a donc que très peu évolué.

« Il doit y avoir des services d’urgences dans les territoires »

« Ce n’est pas forcément un gros mot que de dire que dans les territoires il doit rester des services d’urgences […] Il y a un minimum de présence territoriale qu’il est nécessaire de garder et qu’il est nécessaire d’écrire », a plaidé Daniel Gremillet (LR). Dans la discussion commune des amendements, Michelle Meunier (PS) a quant à elle milité pour que les hôpitaux de proximité puissent effectuer des actes de « petite chirurgie ».

Un dépassement des clivages partisans

« Il est essentiel que les hôpitaux de proximité soient en mesure de proposer une offre de santé la plus complète possible pour les publics qu’ils couvrent. S’il n’apparaît pas réaliste que ces hôpitaux bénéficient d’un service de réanimation en raison du faible flux d’opérations, il est néanmoins capital qu’ils puissent pratiquer des actes de chirurgie ne nécessitant pas le recours aux techniques d’anesthésie générale », a argumenté la sénatrice de Loire-Atlantique.

Des sénateurs des groupes CRCE et Union Centriste ont également signé des amendements allant dans ce sens.

PJL Santé : "Il est essentiel que les hôpitaux de proximité soient en mesure de proposer une offre de santé la plus complète possible pour les publics qu’ils couvrent" argue Meunier (PS)
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Même s’il a reconnu que les questions soulevées par les différents sénateurs étaient importantes, le président de la commission des affaires sociales et rapporteur du texte Alain Milon (LR) s’est montré défavorable à ces amendements, comme la ministre Agnès Buzyn. « Les plus grandes urgences que nous pouvons rencontrer dans notre vie de tous les jours, ce sont les accidents de voiture. Autant que je sache, quand on a un accident de ce type-là, l’hôpital n’est pas à côté, et pourtant on arrive à vous soigner et à vous guérir », justifiait Alain Milon.

La ministre a quant à elle appelé les sénateurs à « ne pas inscrire dans la loi des choses qui ne seront pas tenables ». « Nous faisons face à un défi. Ce que je vous propose aujourd’hui dans la loi, c’est de répondre ces défis par une organisation pensée et structurée […] et le projet de loi est issu de nombreuses concertations. Nous vous proposons un schéma type […] Nous avons mis de façon optionnelle un service d’urgence, en fonction des distances et de la géographie », a-t-elle expliqué.

PJL Santé : Agnès Buzyn appelle les sénateurs à « ne pas inscrire dans la loi des choses qui ne seront pas tenables ».
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S’en sont ensuite suivies de nombreuses prises de paroles, allant contre l’avis de la commission et du gouvernement. Seul René-Paul Savary (LR) les a rejoints dans sa prise de parole, tout en appelant à apporter plus de précisions, rappelant sous les applaudissements de l’ensemble de l’hémicycle que le principe des ordonnances contrariait le Sénat. Plus tôt dans les débats, son collègue PS Bernard Jomier avait lui aussi souligné le « flou » autour du texte.

« Du fait de la rédaction actuelle du texte, on est à un niveau extrêmement flou de définition de ce que sont les hôpitaux de proximité. Vous nous demandez de valider des grands principes. Ce n’est pas convenable », a dénoncé le sénateur de Paris. La ministre Agnès Buzyn lui avait répondu en appelant à laisser les territoires « s’adapter » comme ils l’entendent.

Unanimité dans l’hémicycle, pas dans les votes

De son côté, Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, s’est indigné de la situation des personnes vivant en milieu rural, qui « en cas d’AVC, ont moins de chances de s’en sortir qu’un habitant de la place Bellecour ». « On se doit d’avoir au moins les services nécessaires pour rendre vis-à-vis de chaque concitoyen le même service », a-t-il affirmé.

« Nous aurions pu profiter de ce texte pour définir des priorités […] les services d’urgences dans les hôpitaux locaux de proximité en sont une. Malheureusement, le texte ne les met pas en place », a quant à elle regretté l’élue Gisèle Jourda (PS), très émue.

PJL Santé : "Vous faites des gestes, Madame la Ministre, mais ils sont minimalistes", lance Laurence Cohen (PCF=
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Laurence Cohen, pour le groupe communiste, a directement interpellé la ministre, en rappelant la grève des urgences qui se déroule actuellement dans le pays (lire notre article). « C’est un problème global de médecine. Si les gens vont aux urgences, c’est effectivement parce qu’il y a parfois des cas critiques, mais certains vont aux urgences parce qu’ils n’ont pas d’autres réponses sur leurs territoires. Il y a une défaillance de la médecine libérale. […]. Vous faites des gestes, Madame la Ministre, mais ils sont minimalistes, car vous êtes enfermée dans un gouvernement qui a fait le choix de réduire les dépenses publiques. »

Daniel Gremillet a lui aussi repris la parole pour s’adresser à Agnès Buzyn. « On est dans la diminution de l’offre territoriale. Si je suis un peu provocateur dans mon propos, sur certains territoires, disons-le clairement, il ne sera plus possible d’y habiter. Ce sera de la non-assistance à personne en danger parce qu’on aura déserté la présence et notre offre médicale sur ces territoires. Je vous ai écouté Madame la Ministre, mais écoutez les élus du territoire. On ne peut pas partir à l’aveuglette. Il nous faut des certitudes », s’est-il alarmé.

PJL Santé : "On ne peut pas partir à l’aveuglette. Il nous faut des certitudes" plaide Daniel Gremillet (LR)
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Agnès Buzyn leur a répondu sur les services des urgences, rappelant que pour qu’un service fonctionne correctement, il faut au moins 8 personnes. Or, selon la ministre, « nous n’avons pas les effectifs ». « Nous avons prévu que les services d’urgences puissent être maintenus dans les hôpitaux de proximité en fonction des besoins du territoire et de l’offre avoisinante […] Si nous commençons à inscrire dans la loi des choses que nous ne tiendrons pas, je pense que l’on déconstruit un schéma qui a été pensé pour répondre au mieux à notre situation. […] Nous allons permettre à ces hôpitaux de revivre », a conclu Agnès Buzyn.

Finalement, après tous ces échanges, les sénateurs ont voté à scrutin public (à la demande du groupe LREM) et chacun des amendements a été sèchement rejeté, alors que les positions sur le sujet dépassaient les clivages partisans.

Les centres de planification des naissances et d’accès à l’IVG ne seront pas inclus obligatoirement dans les hôpitaux de proximité

Les sénateurs socialistes ont néanmoins failli faire passer deux amendements, avec le soutien du groupe CRCE, visant à inscrire dans l’article 8 la lutte contre la désertification médicale, et assurer dans les hôpitaux de proximité la présence d’un service d’orthogénie. (Les services d’orthogénie sont des services médico-sociaux dans lesquels il est possible de pratiquer une IVG).

Sur ce dernier point, la ministre a reconnu une inquiétude « légitime ». « On doit pouvoir vérifier que les IVG instrumentaux puissent être pratiqués dans les centres de périnatalité avec des sages-femmes ou des obstétriciens. […] Mais des IVG se pratiquent aujourd’hui dans des centres où il n’y a pas de chirurgie », a justifié la ministre, donnant donc un avis défavorable à l’amendement de Laurence Rossignol. Agnès Buzyn a par ailleurs rappelé dans l’hémicycle qu’il n’y avait pas de volonté de fermeture de maternités, comme elle l’avait déjà fait en commission il y a quelques semaines. (Voir notre article)

PJL Santé : Il serait bien d’inscrire dans la loi l’inclusion des centres de planification et d’accès à l’IVG aux hôpitaux de proximité, selon Laurence Rosssignol
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Laurence Rossignol lui a répondu que, selon elle, il serait bien d’inscrire dans la loi l’inclusion des centres de planification et d’accès à l’IVG aux hôpitaux de proximité. « Je n’ai pas totalement confiance dans 100 % des médecins des futurs hôpitaux de proximité pour prendre en charge ces centres de planification et veiller à ce que les femmes aient bien accès à la planification des naissances, je ne parle même pas de l’IVG », a-t-elle argumenté.

Laurence Cohen a de son côté une nouvelle fois interpellé directement Agnès Buzyn. « Quand on vous écoute, on a l’impression que tout est réglé. On se demande pourquoi on se réunit pour échanger sur ce projet de loi. […] Quelle est cette politique qui ne tient compte ni des territoires, ni de la sécurité des femmes ? », a-t-elle lancé.

Les deux amendements ont failli être adoptés, mais le vote à main levée a débouché sur une parfaite égalité (19 voix pour, 19 voix contre), synonyme de rejet des propositions. Une situation rarissime qui a provoqué la colère de Laurence Rossignol sur les réseaux sociaux.

Plusieurs chantiers renvoyés au PLFSS

La seule avancée sur l’article 8 votée par le Sénat a donc été la mise en place de plateaux de télé santé dans les hôpitaux de proximité, sous la proposition des sénateurs du groupe RDSE. Plusieurs chantiers ont néanmoins été renvoyés au projet de loi de finance de la sécurité sociale. La question des maternités sera abordée, avec la présentation d’un « pack maternité », a annoncé Agnès Buzyn, tout comme la mutualisation des moyens des hôpitaux.

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