Proposition de loi Ségur de la santé : le Sénat entame les débats en séance sans cacher sa déception

Proposition de loi Ségur de la santé : le Sénat entame les débats en séance sans cacher sa déception

En séance, plusieurs sénateurs, de la droite à la gauche, ont regretté le contenu d’un texte qui ne répond pas aux espérances des professionnels de santé. Sur la méthode, ils reprochent un examen au pas de course, voire « improvisé ».
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Dire qu’une majorité de sénateurs se montrent sceptiques sur la portée de la proposition de loi « visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification » serait un euphémisme. « Mesures disparates » sans « ligne directrice », « patchwork » ou encore « texte qui n’a pas les ambitions de son titre » : la déception a été exprimée sur plusieurs bancs ce 17 février 2021, lors de l’examen en séance. Ce texte de la majorité présidentielle, adopté en décembre à l’Assemblée nationale, traduit une partie des promesses des accords du Ségur de la Santé : les mesures non budgétaires qui ne relèvent pas du champ réglementaire. Le texte prévoit notamment des évolutions dans la gouvernance des établissements de santé et une plus grande souplesse dans l’organisation, avec le souci de répondre au déficit d’attractivité de certains postes, notamment à l’hôpital.

La semaine dernière, en commission des affaires sociales, le texte a été « nettement amélioré » selon la majorité sénatoriale, de droite et du centre. Mais l’enthousiasme n’y est pas, sept mois après le Ségur de la santé, qui avait suscité des espoirs dans un système de santé encore plus bousculé par la crise sanitaire. « Le choc de confiance et de simplification tant attendu n’est clairement pas – je le regrette – au rendez-vous de ce texte », s’est ainsi ému le rapporteur LR Alain Milon.

Avant l’examen en séance, la proposition de loi a été sérieusement recentrée. Près de 10 articles sur 37 sont passés à la trappe, certains étant « insuffisamment préparés », d’autres de « trop faible portée ». C’est notamment le cas de l’emblématique article 1. Il prévoyait à l’origine la création d’une « profession médicale intermédiaire », entre l’infirmier et le médecin. Finalement, les députés ont simplement demandé un rapport. Les sénateurs ont supprimé un article vidé de sa substance sur une idée de « médecin au rabais », selon les termes de la sénatrice Florence Lassarade. Son retrait a été confirmé en début de soirée, ce jeudi, en séance. Une mission de réflexion sur le sujet a été lancée par le gouvernement, avec les ordres des médecins et des infirmiers.

« On nous demande de travailler en précipitation », s’est émue la socialiste Monique Lubin

Exactement un an après son arrivée à la tête du ministère des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran considère qu’il s’agit d’un texte « important », permettant une « plus grande organisation interne » des établissements de santé, avec le retour en grâce du service, et améliorant la « démocratie hospitalière ». Le texte prévoit aussi de lutter contre le « mercenariat de l’intérim médical » qui grève les finances des hôpitaux, et d’étendre les compétences des sages-femmes ou des masseurs kinésithérapeutes. « C’est beaucoup de points importants pour un texte qui manquait d’ambition », a fait valoir le ministre.

Déçu par un texte qui prolonge « une vision libérale » de l’hôpital et qui ne tire pas les conséquences de la crise sanitaire, le groupe communiste était partisan d’interrompre les débats lors de la première heure. La motion n’a pas été adoptée. Pas plus que celle du groupe socialiste, qui réclamait un renvoi en commission. « On nous demande de travailler en précipitation », s’est indignée la socialiste Monique Lubin. Initialement, seule une demi-journée avait été réservée à ce texte plutôt lourd pour une proposition de loi, dans le cadre d’une semaine dite du gouvernement. « Cela promettait un examen au pas de course », s’est exclamée la centriste Élisabeth Doineau. Le texte a finalement été inscrit à l’agenda une journée supplémentaire, pour venir à bout des 161 amendements qui ont passé le filtre de la recevabilité. Les socialistes, comme d’autres, ont notamment reproché la préparation concomitante d’ordonnances sur l’organisation du système de santé, dont l’habilitation avait été ouverte par la loi du 24 juillet 2019. Le délai expire en mars. Selon Olivier Véran, l’ordonnance est « en cours de concertation avec l’ensemble des acteurs ». La proposition de loi « improvise sans méthode et sans rigueur la réforme d’un système de santé, dont le bon fonctionnement est plus que jamais impératif », a insisté la sénatrice Monique Lubin.

« Croyez-le ou non, c’est une initiative parlementaire de A à Z », rétorque Olivier Véran

Pour un texte traduisant une partie des engagements du Ségur, la forme d’une proposition de loi – au détriment d’un projet de loi – a également heurté beaucoup de parlementaires. Pour l’écologiste Raymonde Poncet Monge, il s’agit « un énième projet de loi gouvernemental dissimulé en prétendu travail parlementaire, pour accélérer les réformes en contournant l’avis du Conseil d’Etat et l’étude d’impact ». « Croyez-le ou non, c’est une initiative parlementaire de A à Z, de la première à la dernière ligne, écrite avant que les accords du Ségur soient mis en place et examinés », s’est défendu le ministre.

Les membres de la commission des affaires sociales se sont surtout fait le relais des inquiétudes exprimées par les professionnels lors des auditions préparatoires. La sénatrice Union centriste Élisabeth Doineau a témoigné que certains s’étaient sentis « écartés » ou « déconcertés ». Le texte souffre, selon elle d’un « manque total d’adhésion à cette proposition ». La sénatrice communiste Laurence Cohen s’est inquiétée du « décalage » entre ce texte et le « vécu des professionnels de santé et du médico-social ».

Corinne Imbert siégeant au groupe LR, s’est montrée déçue d’un texte essentiellement hospitalo-centré, faible sur le médico-social ou encore la médecine de ville.

Débats nourris sur le rôle des sages-femmes

Dans les premiers articles examinés, les sénateurs ont renoncé, après un débat nourri, à réintroduire un article étendant les compétences des sages-femmes. Supprimé en commission, il aurait ouvert la possibilité aux sages-femmes d’adresser leurs patientes à un spécialiste, sans passer par le médecin traitant. Ce dernier aurait toutefois reçu un compte rendu des soins réalisé par la sage-femme.

Auparavant, l’hémicycle a toutefois adopté un amendement permettant aux sages-femmes de prescrire des actes, produits et prestations sur des listes fixées par voie réglementaire. L’amendement de Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire, a été adopté contre l’avis du gouvernement et de la commission des affaires sociales. Le centriste a estimé que son apport répondait à un « vrai problème d’accès aux soins » partout sur le territoire.

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