Quotas de logements sociaux : le Sénat facilite les exemptions pour les communes

Quotas de logements sociaux : le Sénat facilite les exemptions pour les communes

La loi SRU du 13 décembre 2000 oblige les communes importantes à disposer d’au moins 25 % de logements sociaux. De nombreuses dispositions ont été adoptées depuis pour adapter cette loi au parc immobilier français et c’est à cette évolution « dans l’esprit de la loi SRU » que se sont attelés les sénateurs et sénatrices aujourd’hui dans le cadre de l’examen du projet de loi de décentralisation dit « 3DS ». Le Sénat a notamment « adapté » les critères d’exemption de quotas SRU, notamment pour les petites communes, et a modifié les modalités du calcul des quotas en excluant certains logements du nombre total à prendre en compte, tout en surpondérant les logements plus grands et très sociaux.
Louis Mollier-Sabet

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Après plusieurs points de désaccords entre le gouvernement et des sénateurs déçus par un projet de loi qui « manque de souffle », les discussions ont été bien plus cordiales entre le gouvernement et la majorité sénatoriale à l’occasion de l’examen des dispositions concernant la politique de logement social. Et pour cause, l’enjeu était de taille : de nombreuses dispositions prévues par la loi SRU en 2000 vont expirer dans les années à venir. Dans un contexte de crise du secteur, avec une baisse de 30 % de la construction de logements sociaux l’année dernière, le gouvernement et la majorité sénatoriale semblent avoir essayé de prolonger « l’esprit de la loi SRU ». Mais à la sauce sénatoriale, surtout dans un projet de loi « 3DS » de décentralisation, déconcentration, différenciation et simplification.

Prolongement de la loi SRU : « C’est une victoire pour le logement social »

De l’aveu même de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion territoriale : « Nous avons eu un travail très constructif avec la commission pour préparer cette loi. Nous avons des objectifs partagés et une préoccupation commune qui était de faire en sorte que le système ne s’arrête pas. Le but était de construire un équilibre qui permette de poursuivre et développer le logement social, mais aussi de respecter les territoires et d’appliquer le principe de différenciation. »

La ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, venue défendre les dispositions concernant le logement et l’urbanisme, abonde : « Je voudrais souligner l’importance du débat que nous avons cet après-midi puisque nous prolongeons la loi SRU, ce qui est une victoire pour le logement social. » Tout au long de l’examen des amendements, la rapporteure LR Dominique Estrosi-Sassone a confirmé cette volonté de poursuivre un travail législatif nécessaire pour sauvegarder « l’esprit de la loi SRU ».

Mais sauvegarder l’esprit d’une loi n’interdit pas d’en changer la lettre. La commission des affaires économiques a tout de même remanié plusieurs dispositions de la loi SRU, notamment concernant les exemptions de quotas et le calcul de ceux-ci. Aujourd’hui les sénateurs se sont concentrés sur deux mesures.

« Adapter » les critères d’exemption de quotas de logements sociaux

D’abord, le texte de la commission propose « d’adapter les critères d’exemption de quotas SRU ». En effet, jusqu’ici les communes pouvaient arguer d’une desserte insuffisante en transports en commun, d’une faible demande en logement social ou d’une inconstructibilité de plus de 50 % du territoire urbanisé de la commune pour se faire exempter des quotas de logements sociaux liés à la loi SRU. Le Sénat a adopté un article qui remplace le critère d’une insuffisante desserte en transports en commun par un critère d’isolement « multifactoriel ».

Ensuite, le texte de la commission prévoit d’élargir le critère de faible tension sur la demande en logement social à toutes les communes, puisque ce critère était jusque-là réservé aux communes de plus de 30 000 habitants. Pour la majorité sénatoriale, cela devrait permettre aux communes nouvelles dépassant le seuil de 3500 habitants – et qui rentrent donc dans le champ d’application de la loi SRU – de pouvoir être exemptées de quotas quand il s’agira de fusions de petites communes rurales peu concernées par les problématiques de logement social.

« Un affaiblissement de la construction de logements sociaux »

Après les exemptions à la règle, c’est le calcul même du quota de 25 % de logements sociaux pour les villes de plus 3500 habitants qui a été réaménagé par les sénateurs et les sénatrices. La majorité sénatoriale a en effet adopté contre l’avis du gouvernement des amendements qui excluent les logements militaires et les casernes de gendarmerie du total des logements pris en compte dans le calcul du quota de 25 % de logement social. Ce mode de calcul fait baisser le nombre total des logements sur une commune et fait donc mécaniquement baisser le seuil de 25 % nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par la loi SRU. La majorité sénatoriale justifie cela par le fait que ces logements sont « des logements d’Etat » et qu’il est donc normal de « les retirer du dénominateur » sans pour autant dire que ce sont des logements sociaux.

« J’entends bien qu’on dise que les logements militaires ne soient pas comptés dans des logements sociaux, très bien. Mais il faut quand même faire 25 % y compris sur ces logements ! Soit ces gendarmes ont le droit à des logements sociaux, soit on dit que c’est un truc tout à fait à part, ce sont des logements d’Etat. Dans ce cas-là pourquoi les compter dans le total de la ville pour le calcul des 25 % ? » explique par exemple Roger Karoutchi.

De nombreux amendements ont tenté, eux, d’inclure divers lieux de résidence dans les logements considérés comme « sociaux ». Des amendements entendant comptabiliser les logements d’urgence sociale, les aires permanentes d’accueil des gens du voyage ou encore les centres de détention dans le décompte des logements sociaux ont été refusés à la fois par le gouvernement et la commission. Mais ils n’ont pas manqué de faire réagir sur les bancs de la gauche sénatoriale : « Nous sommes atterrés par ce genre d’amendement qui semble considérer que tout est du logement social. […] Pourquoi pas les niches de chien ? », a interpellé le sénateur écologiste Guy Benarroche, excédé. Il est rejoint un peu plus tard par Pascal Savoldelli, sénateur communiste du Val-de-Marne : « Il faudrait faire le total du nombre de logements sociaux que nous n’aurions pas compris si nous avions voté tous ces amendements. […] Cela nous aurait donné un moment de vérité politique sur qui est motivé à mettre en place la loi SRU et qui ne l’est pas. »

Contrat de mixité sociale : « la vraie rupture de ce texte »

De même, la majorité sénatoriale a décidé de pondérer le calcul du quota de logements sociaux, notamment en augmentant le poids des logements « très sociaux » et le poids des grands logements de plusieurs pièces. Aujourd’hui, c’est uniquement le nombre de logements sociaux dans le total des résidences principales d’une commune qui permet de déterminer si une commune atteint le taux de 25 % de la loi SRU. Contre l’avis du gouvernement, la majorité sénatoriale a décidé que les logements de plusieurs pièces ainsi que les logements très sociaux compteraient plus dans ce calcul qu’un studio ou qu’un logement social classique.

La « prolongation » loi SRU n’a pas fini d’occuper les sénateurs, puisqu’ils continueront lundi d’examiner les dispositions du projet de loi concernant le logement et l’urbanisme, avec notamment la disposition phare du texte, le « contrat de mixité sociale », « la véritable rupture de ce texte » pour la présidente de la commission des Affaires économiques, Sophie Primas. Ce contrat prévoit qu’une commune pourra négocier avec le préfet « le rythme de rattrapage » de son déficit de logement social.

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