Recours aux cabinets de conseil dans l’armée : « On vérifie la probité des individus », assure Florence Parly

Recours aux cabinets de conseil dans l’armée : « On vérifie la probité des individus », assure Florence Parly

Le recours aux prestations de cabinets de conseil privés par le ministère des Armées est passé de 28 millions d’euros en 2018 à 21 millions en 2021, selon Florence Parly. Son ministère a développé sa propre « capacité interne de prestation de conseil », une source d’économie.
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La commission d’enquête du Sénat « sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques », lancée à l’initiative du groupe communiste, continue ses auditions. Ce mardi, c’est la ministre des Armées, Florence Parly, qui a levé la main droite et dit « je le jure ».

Son ministère présente une particularité, qui a intéressé la rapporteure, la communiste Eliane Assassi, et le président LR de la commission, Arnaud Bazin, à savoir qu’il dispose de son propre cabinet de conseil interne. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir recours, comme les autres ministères, aux cabinets de conseil privés, notamment pour la transformation dans le domaine du numérique.

« Nous avons renforcé le processus de validation des demandes de prestations de conseil »

Une prestation encadrée, assure Florence Parly. Elle se justifie notamment quand le ministère « ne dispose pas de l’expertise nécessaire » ou encore pour permettre ensuite un « transfert de compétences ». Ces prestations couvrent les « domaines stratégiques, l’organisation de nos services, l’accompagnement et la transformation des armées et des services ». Depuis 2015, « le ministère a procédé à une forte rationalisation de la fonction achat » de ces prestations et « nous avons renforcé le processus de validation des demandes de prestations de conseil », assure la ministre, avec une validation en trois étapes, jusqu’à son cabinet.

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Ce recours aux cabinets de conseil entraîne l’importation, dans le fonctionnement de l’Etat, des pratiques issues du privé. La ministre explique ainsi avoir elle-même « demandé à la direction générale de l’armement de travailler en lien avec un cabinet de conseil pour essayer de décliner les principes du lean management (système de production et d’organisation, développé au Japon avec Toyota, ndlr) pour garantir que nos programmes d’armement soient conduits de la façon la plus efficace possible ». « Nous avons énormément gagné dans les délais. Nous avons pu réduire la durée des essais », assure Florence Parly, qui prend exemple de « notre sous-marin nucléaire d’attaque de nouvelle génération, dit Barracuda, qui a vu sa durée d’essais quasiment divisée par deux ».

Pour le numérique, le recours à des cabinets privés a coûté « 11 millions d’euros » en 2021

Florence Parly est venue avec quelques chiffres. « En 2018, les prestations de conseil s’élevaient à plus de 22 millions d’euros, en dehors du numérique », avant d’être « divisées par deux, en 2021, avec un montant de l’ordre de 10 millions d’euros ». Précision : « En 2021, il y a eu 41 demandes de prestations en vue d’un recours à un cabinet de conseil extérieur. Seules 14 auront été finalement validées ».

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Pour le seul secteur du numérique, « le montant des prestations a évolué de 6 millions d’euros en 2018, pour atteindre 11 millions en 2021 », explique Florence Parly, assumant une « très forte ambition de transformation pour notre ministère ». Sur la période 2017/2020, la direction du numérique s’est ainsi appuyée sur les cabinets Deloitte et Eurogroupe. Si ce dernier est un cabinet français, Deloitte est une entreprise anglaise. Au total, l’ensemble des prestations des cabinets de conseil privés est passé de 28 millions d’euros en 2018, à 21 millions d’euros en 2021. Soit une baisse d’environ 7 millions d’euros.

Capacité d’« internalisation de la prestation de conseil » depuis 2019

En 2019, la ministre des Armées a ensuite « développé une capacité interne de prestation de conseil, en créant une délégation à la transformation et à la performance ministérielle ». Elle dispose de vingt-cinq agents et de six apprentis. « C’est une offre alternative pour l’accompagnement des états-majors pour la mise en place de leurs projets de transformation », soutient la ministre. 105 projets ont déjà été couverts. Florence Parly souligne évidemment « l’intérêt budgétaire » que présente cette « internalisation de la prestation de conseil », ainsi que la « plus grande autonomie » pour le ministère.

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Question d’Eliane Assassi, qui demande s’il y a un lien entre l’énorme problème de l’ancien système de paie des soldats, Louvois, et « la création de cette doctrine » de conseil interne. « Je pense que ce projet Louvois, et les errements qu’il a donnés lieu, a été source de très nombreux enseignements », répond la ministre. « A un moment, il ne faut pas s’acharner dans l’échec. Nous avons totalement revu notre méthode de fonctionnement et elle a reposé sur un travail de définition de notre besoin extrêmement précis », ajoute-t-elle, alors que le logiciel a finalement été abandonné, car jugé « pas réparable », malgré le temps et l’argent investis.

Risque de travailler avec des cabinets de conseil étrangers ?

Mais recourir aux cabinets privés sur la matière sensible qu’est la défense est tout sauf anodin. Le sénateur PS Mickaël Vallet a ainsi interrogé la ministre sur le risque d’avoir des cabinets issus de grands groupes mondiaux, notamment américains, qui travaillent avec l’armée. Après notamment « les révélations sur la NSA », « il peut y avoir quelques raisons de s’interroger sur les garde-fous », pointe du doigt le sénateur.

Premier point, apporté par la ministre : pour ces marchés de la défense et de la sécurité, le code des marchés publics autorise pour le numérique de « faire jouer la préférence européenne ». « Il faut, quand c’est nécessaire, éviter certains cabinets de conseil », ajoute même la ministre…

« Il y a nécessité de s’assurer que ces personnes ne pourraient pas compromettre des informations qui sont en lien avec la Défense nationale »

Le profil des intervenants est ensuite étudié de près. « Par ailleurs, nous faisons le criblage. Nous passons au crible les personnes qui ont vocation à entrer dans le ministère des Armées. Il y a nécessité de s’assurer que ces personnes ne pourraient pas compromettre des informations qui sont en lien avec la Défense nationale », affirme Florence Parly. « Ces personnes doivent disposer d’une habilitation niveau « secret », dans le domaine du numérique. C’est ce qu’on appelait avant « le confidentiel défense » ». Elle ajoute :

On vérifie la probité des individus, leur vulnérabilité, suivant votre situation familiale, vos liens avec des pays étrangers éventuels.

« Quel est l’ordre de grandeur des consultants qui sont habilités chaque année ? » demande Laurent Bazin. « Je n’en ai pas la moindre idée », assure Florence Parly, mais « les demandes sont nombreuses ».

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