Réforme d’Action Logement : un acquis du pacte social à préserver

Réforme d’Action Logement : un acquis du pacte social à préserver

Inquiète d’un possible « démantèlement d’un pilier du logement social », la commission des affaires économiques du Sénat a décidé de créer une mission flash pour mieux comprendre les enjeux que pose la réforme d’Action Logement. Après avoir mené plus de 25 auditions, la mission demande qu’Action logement soit considérée à sa juste valeur, à savoir, celle d’un atout à préserver pour le pays et les Français.
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Par Elise Le Berre

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La mission est composée de Valérie Létard, vice-présidente du Sénat et rapporteure du projet de loi réformant Action Logement, Dominique Estrosi Sassone (LR), coauteur d’un rapport de la commission des affaires économiques sur le plan de relance, Viviane Artigalas (PS), rapporteure de la commission sur le budget de la politique de la ville, et Marie-Noëlle Lienemann (rattachée au groupe communiste), présidente du conseil fédéral de la Fédération nationale des sociétés coopératives de HLM.

En préambule, le rapport rappelle que le « 1 % logement », créé en 1943 par le résistant Albert Prouvost, est avant tout un héritage à préserver, un pilier du pacte social de l’après-guerre issu du Programme du Conseil national de la Résistance, qui voulait « garantir à tous les citoyens les moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer directement par leur travail », au moment où émerge une prise de conscience nationale du manque de logements.

Le « 1 % logement » repose alors sur un triptyque : d’une part, une contribution volontaire des entreprises, qui n’est pas un impôt d’État mais un salaire différé en nature, d’autre part, la mise en commun de cet effort pour obtenir des résultats qui ne pourraient pas être atteints par de petites entreprises seules, et enfin, la gestion paritaire entre patrons et salariés des actions menées. Ces principes sont toujours valables aujourd’hui.

 

Une réforme inachevée

 

Action Logement finance les autres organismes HLM (offices publics, entreprises sociales et coopératives), ainsi que les aides aux particuliers. Toutes les entreprises sociales pour l’habitat (ESH) et foncières sont rassemblées au sein de la filiale nationale Action Logement Immobilier (ALI), et cette structure est complétée par une organisation foncière spécifique liée à la rénovation urbaine, l’Association Foncière Logement (AFL). Enfin, l’Association pour l’Accès aux Garanties Locatives (APAGL) prend en charge la garantie de loyer.

Les reproches adressés à Action Logement, concernant sa politique trop coûteuse ou l’inefficacité du groupe, ont pour la plupart été réfutés par la mission, car ils sont basés sur des rapports portant sur les années 2016 à 2018 qu’elle considère aujourd’hui dépassés. Mais elle a reconnu des axes d’amélioration.

 

Quatre axes d’amélioration

 

Des reproches structurels ont été reconnus : une « ligne hiérarchique » insuffisamment identifiée, qui ne permet pas à l’État d’avoir un interlocuteur doté de pouvoirs suffisants, la perte du lien entre entreprises cotisantes et salariés, la dilution du lien entre territoires et élus, et enfin, une interrogation sur les modalités d’intervention entre prêts et subventions. La mission en a retenu quatre axes d’amélioration :

  • renforcer la ligne hiérarchique du groupe pour mener une stratégie de long terme ;
  • développer les services aux entreprises et aux salariés autour du lien emploi-logement ;
  • amplifier la territorialisation des politiques en lien avec les élus ;
  • et adapter les modes d’action entre prêts et subventions.

 

Des « règles du jeu à respecter »

 

Trois principales exigences ont été posées, des « lignes rouges à ne pas franchir ».

 

  • Il est tout d’abord essentiel de préserver la PEEC (participation des employeurs à l’effort de construction) comme ressource dédiée au logement. La mission d’information s’oppose à la budgétisation de la PEEC, qui conduirait à la perte de plus d’un milliard d’euros par an au profit du logement ; la sénatrice du Nord Valérie Létard (de l’Union centriste) rappelle la nécessité, en ces temps de crise, de garantir des ressources dédiées au logement pour financer des programmes de long terme, qu’ils soient pilotés par l’État ou les partenaires sociaux. En mettant la PEEC dans le budget de l’État, plus rien ne garantirait, alors, que ces moyens soient sanctuarisés pour le logement, alors même que « les années qui viennent » promettent de « mettre le logement à rude épreuve ».
  • La mission exige également de préserver la gouvernance paritaire, qu’elle voit comme une richesse pour le pays ; elle rappelle que le patronat est loin de se désintéresser du logement des salariés. L’État ne doit pas vouloir s’immiscer dans tous les détails de la gestion, et les partenaires sociaux doivent avoir une réelle liberté d’action et de décision.
  • Enfin, la mission souhaite préserver et sécuriser le capital immobilier fort de plus de 1,1 million de logements. Ce patrimoine commun, qui appartient à tous les Français, a été construit par près de 70 ans de cotisations.

 

Trois objectifs comme « fil conducteur » de la réforme

 

La mission soutient l’idée de poursuivre la réforme, avec trois objectifs.

 

  • Retrouver la confiance entre l’État et les partenaires sociaux, ce qui passe notamment par le respect de l’État des prérogatives des partenaires sociaux : à ce titre, il doit se placer comme partenaire et non comme donneur d’ordre.
  • Faire émerger une ligne hiérarchique clarifiée au sein du groupe, pour une gouvernance plus fonctionnelle.
  • Et retrouver un meilleur équilibre entre centralisation et financement de politiques publiques d’un côté, et lien emploi-logement et déclinaison sur les territoires, de l’autre côté. Après tout, l’ADN d’Action Logement reste l’implication locale des entreprises, des salariés et des élus au service d’un bassin économique.

 

Un écho entendu par le gouvernement

 

Aujourd’hui, la mission se félicite d’avoir été entendue par le Gouvernement, qui a renoncé à l’idée d’une habilitation à légiférer par ordonnance pour cette réforme. Pour la sénatrice, il n’était en effet pas possible d’entamer un dialogue avec les partenaires sociaux dans un tel cadre, et ce d’autant plus que l’ordonnance ne se justifiait pas dans ce cas. « Inacceptable, sur un sujet aussi important, en période aussi sensible » de décider « en catimini au détour d’un amendement » du sort « d’un des acquis du pacte social d’après-guerre », « au même titre que la Sécurité sociale ».

Action logement est non seulement un outil au service du logement, rappelle la sénatrice, mais c’est aussi « l’un des rares acteurs à pouvoir encore investir dans la construction neuve ».

 

Pour cette réforme, un outil législatif « qui ne sera pas une ordonnance »

 

Un travail d’échange doit maintenant avoir lieu jusqu’au mois d’avril : le Gouvernement s’est engagé à revenir devant le Parlement au travers « d’un outil législatif qui ne sera pas une ordonnance », ce qui permet dès lors, estime la sénatrice du Nord, de démarrer le dialogue avec les partenaires sociaux sous de meilleurs auspices.

Par ailleurs, la mission, transformée en groupe de suivi, demande une consultation des élus locaux, qui doivent « être mis dans la boucle ». Valérie Létard affirme qu’elle sera attentive à la façon dont cette réforme d’Action Logement trouvera « sa territorialisation », mais aussi aux moyens d’améliorer son efficacité afin d’en faire un acteur privilégié des territoires et des maires, notamment pour accompagner la mobilité professionnelle.

Enfin, la sénatrice envisage des « points d’étape réguliers avec tous les acteurs de cette réforme ». Le groupe de suivi restera également attentif au déroulement des discussions afin d’être force de proposition et d’apporter le regard du Parlement sur un sujet « majeur », dans un « contexte économique et social » particulier, rappelle la sénatrice. « On a besoin d’Action Logement », notamment parce qu’il représente un « soutien des salariés dans les difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans le cadre de leur logement ».

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