Réforme de la Constitution : vers un « deal » entre Macron et Larcher ?

Réforme de la Constitution : vers un « deal » entre Macron et Larcher ?

Alors que la réforme de la Constitution va faire son retour, les conditions seraient plus favorables à un accord entre l’exécutif et le Sénat sur le sujet. La volonté d’aboutir serait là, entre un gouvernement « qui a mis de l’eau dans son vin » et des sénateurs qui assurent ne pas préparer de « mauvais coup ».
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« Ils veulent aboutir ». L’analyse vient d’un fin connaisseur de la Haute assemblée, du côté de la majorité sénatoriale. « Ils », ce sont Emmanuel Macron et Gérard Larcher, au sujet de la réforme de la Constitution. Aboutir, mais « à des conditions raisonnables » précise le même. Ces conditions sont en cours de discussion. Car le gouvernement a décidé de mettre un coup d’accélérateur sur la réforme constitutionnelle. Un nouveau texte va être présenté en Conseil des ministres en juillet. Avant cela, Edouard Philippe a demandé à la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, et à celui chargé des Relations avec le Parlement, de consulter tous les présidents de groupes parlementaires de l’Assemblée et du Sénat la semaine prochaine (voir notre article). Il s’agit de mettre en pratique la nouvelle méthode de dialogue prônée par Emmanuel Macron depuis le grand débat. Le président LR du Sénat, Gérard Larcher, a vu de son côté Edouard Philippe mardi et a petit-déjeuné avec son homologue LRME de l’Assemblée, Richard Ferrand, mercredi matin.

« Le gouvernement va consulter tout le monde pour voir si on peut arriver à quelque chose de cohérent »

« Le gouvernement va consulter tout le monde pour voir si on peut arriver à quelque chose de cohérent. C’est de l’issue de ces conversations que dépendra la suite » explique François Patriat, président du groupe LREM du Sénat. Jusqu’ici, les discussions sur cette réforme ont oscillé entre périodes de réchauffement et d’autres de glaciation, voire d’époque glaciaire. Chacun ayant tendance à regarder l’autre camp en se demandant ce qu’il souhaite vraiment. Le baromètre semble être plutôt au beau temps aujourd’hui.

Comme il le dit depuis le début, le président LR du Sénat, sans qui la révision de la loi fondamentale est impossible, continue de se montrer « toujours ouvert », a-t-il souligné lundi sur France Info. Il rappelle l’enjeu essentiel de la réforme à ses yeux : « Permettre que chaque département et collectivité territoriale à statut spécifique soient représentés de manière correcte ». C’est-à-dire avec, au minimum, un sénateur et député par département, après abaissement du nombre de parlementaires. C’est l’un des points forts de la réforme, avec l’introduction d’une dose de proportionnelle à l’Assemblée.

Du côté de la majorité sénatoriale, on attend l’arrivée du texte. « Nous n’avons jamais varié. On a tout mis sur la table depuis le début » souligne le président LR de la commission des lois, Philippe Bas. « Le Sénat a toujours dit, par la voix de son président, qu’il était disposé à discuter et dans la mesure du possible aboutir à un accord. L’état d’esprit n’a pas changé, il y a toujours la volonté de travailler avec l’exécutif, en partenariat, à un accord qui serait utile pour tout le monde : le gouvernement, le Sénat et le pays » explique Hervé Marseille, président du groupe centriste du Sénat, sans qui les LR n’ont pas de majorité.

Convergences sur la réduction du nombre de parlementaires et les droits du Parlement

Au Palais du Luxembourg, on décèle une série de signaux positifs venus de l’exécutif. Surtout sur la question de la baisse du nombre de parlementaires, sujet sensible. « Alors que c’était 30% avant, Emmanuel Macron dit maintenant 25%. Et c’est discutable » a bien noté Hervé Marseille. Même analyse à droite : « Je crois que le gouvernement a mis beaucoup d’eau dans son vin. On était à 30%, on est passé à 25. Et ils envisagent 20%. C’est dans les tuyaux. On va pouvoir converger vers quelque chose de raisonnable ». 20%, c’est justement le niveau fixé par Gérard Larcher, ce qui ferait 280 ou 285 sénateurs, contre 348 aujourd’hui. De quoi satisfaire indirectement aussi les députés LREM – ils le diront moins ouvertement – tout autant concernés par la réduction du nombre de parlementaires.

D’autres points de discorde seraient levés. « Sur la question du droit du Parlement, c’est acquis. Je crois que c’est compris. Ce n’est plus une épine » selon un sénateur LR bien avisé. « Sur la réforme du Parlement, Gérard Larcher et Richard Ferrand sont à peu près d’accord : hors de question de le vider de son pouvoir » confirme-t-on de source parlementaire.

« Débat plus serein et plus ouvert »

Mais les sénateurs de la majorité attendent de voir le texte final. Ils restent attentifs. « Notre responsabilité va consister à essayer à redresser le cap de cette réforme pour en retirer le poison » glisse un sénateur LR.

Du côté de la majorité présidentielle, on pense que la claque que la liste LR a prise aux européennes n’est pas sans conséquence sur les discussions. La majorité sénatoriale serait moins en mesure de faire monter les enchères. « Je pense que les élections de dimanche ouvrent une nouvelle opportunité d’un débat plus serein et plus ouvert. Le niveau des LR, ça change la tonalité des discussions pour les municipales et bien entendu pour la réforme de la Constitution. Ça ne peut pas être sans influence » selon François Patriat. Il ajoute : « J’ai le sentiment que la volonté du Président, c’est de faire la réforme. Il y a d’autres parties prenantes qui sont peut-être moins décidées à la faire ».

« Il ne faut pas se lancer dans des mois de bataille si à la fin le Sénat n’en veut pas » (un responsable LREM)

C’est la question que se pose LREM depuis des mois. Gérard Larcher, en bon négociateur, jouerait-il un double jeu pour mieux faire capoter la réforme d’Emmanuel Macron ? « Il ne faut pas se lancer dans des mois de bataille si à la fin le Sénat n’en veut pas » met en garde un haut dirigeant de LREM. « Et le sujet ne passionne pas les Français. Je ne suis pas sûr que ce sera l’urgence avant les municipales… » ajoute le même responsable.

Du côté sénatorial, on assure qu’il n’y a pas de coup tordu, ni de piège dissimulé. « Si tout le monde soupçonne l’autre d’un mauvais coup, on ne va pas y arriver. Pourquoi voulez-vous que le Sénat fasse un mauvais coup ? Le Sénat se pose sur des propositions concrètes. Il n’y a aucune arrière-pensées ou états d’âme » assure le centriste Hervé Marseille. Un sénateur LR jure aussi des bonnes intentions du Sénat. Il explique ainsi les doutes du camp présidentiel et analyse la situation :

« On a les clefs de la réforme. Ils ont peur qu’on les attire dans la nasse. Mais notre intention est chimiquement pure. On veut se caler avec eux, avec toutes les garanties nécessaires pour les territoires. C’est le deal. Mais ils veulent être certains qu’on ne les lâche pas au milieu du gué ».

« Deal ». Le mot est lâché. Mais avant d’aboutir, il restera encore certains points à régler de la part du gouvernement. Faut-il garder les amendements adoptés à l’Assemblée sur le premier texte, avant son arrêt pour cause d’affaire Benalla ? Les députés avaient retiré le mot « race » de la Constitution et avaient inscrit la préservation de l’environnement et de la biodiversité.

Philippe Bas propose « qu’un référendum décidé par le chef de l’Etat ne puisse pas mettre en péril les droits fondamentaux »

D’autres idées sont déjà dans les cartons. Alors que le gouvernement voulait il y a un an un renouvellement global des sénateurs en 2021, François Patriat propose que les prochaines élections sénatoriales prévues en 2020 soient « repoussées à 2022 ». De quoi satisfaire l’opposition, laisser le temps d’adopter la réforme et réduire à un an le déséquilibre causé par la nouvelle répartition. L’autre moitié de l’hémicycle serait renouvelée en 2023, comme prévu.

Philippe Bas a aussi sous le coude un apport au texte. Le Président LR de la commission des lois compte déposer un amendement, lors de l’examen du projet de loi, « pour qu’un référendum décidé par le chef de l’Etat ne puisse pas mettre en péril les droits fondamentaux » explique-t-il. Dans l’esprit du sénateur de la Manche, il s’agirait, en cas d’arrivée au pouvoir d’un parti extrémiste, d’empêcher de soumettre à référendum une question comme la peine de mort. Selon Philippe Bas, il suffirait de dire que « le Conseil constitutionnel valide tout projet de référendum », comme pour le référendum d’initiative partagée. Une réforme constitutionnelle donne toujours beaucoup d’idées. Restera la question du calendrier parlementaire – chargé – qui pourrait repousser l’adoption du texte à 2020.

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