Réforme de la fonction publique : quelle est la version du Sénat ?

Réforme de la fonction publique : quelle est la version du Sénat ?

Adopté par l’Assemblée nationale le 28 mai dernier, le projet de loi de transformation de la fonction publique arrive au Sénat la semaine prochaine. En commission des lois, les sénateurs ont mis l’accent sur la fonction publique territoriale et sur l’accès et l’accompagnement des agents handicapés.
Public Sénat

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

« Moderniser » la fonction publique, « la rendre plus attractive et plus réactive », c’est le vœu formulé par Olivier Dussopt, secrétaire d'État en charge du projet de loi de transformation de la fonction publique. Adopté fin mai, en procédure d’urgence, par les députés, le texte de 37 articles prévoit notamment un recours accru aux contractuels et la fusion des instances de dialogue social, mais aussi des mobilités facilitées, un dispositif de rupture conventionnelle, ou encore un « contrat de projet » (sorte de CDD de 1 à 6 ans) sur le modèle du privé.

En commission des lois, ce mercredi, les sénateurs ont examiné, en une matinée, les 430 amendements déposés sur ce texte. « Même s’il ne traduit pas une véritable vision du service public, ce projet de loi très technique constitue une boîte à outils pour améliorer la gestion des ressources humaines. Beaucoup de dispositions reprennent d’ailleurs des propositions du Sénat, comme l’harmonisation du temps de travail ou l’introduction de la rupture conventionnelle dans la fonction publique » a mis en avant le président LR de la commission des lois, Philippe Bas

Parmi les modifications que souhaite apporter la Haute assemblée, on peut relever l’adoption de plusieurs amendements des deux rapporteurs, Catherine Di Folco (LR) et Loïc Hervé (UDI) visant à limiter le périmètre d’habilitation à légiférer par ordonnances du gouvernement. Dans le texte initial, c’est par ordonnance que la réforme de l’ENA, dont la mission a été confiée à Frédéric Thiriez, ancien président de la LFP (ligue de football professionnelle), devait prendre forme. Une habilitation jugée trop large par les sénateurs, qui ne souhaitent pas autoriser le gouvernement à fusionner plusieurs écoles de service public par voie d’ordonnances. De même, les sénateurs ont supprimé l’article 5 habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances en matière de négociations d’accords dans la fonction publique.

« Mieux répondre aux attentes des employeurs territoriaux »

Chambre des territoires, le Sénat a souhaité « mieux répondre aux attentes des employeurs territoriaux ». Le licenciement pour insuffisance professionnelle a, par exemple, été facilité. Il serait prononcé après audition de l’intéressé et passage en commission administrative paritaire (CAP), en lieu et place du conseil de discipline. La commission des lois a aussi souhaité que l’État participe à hauteur de 23 millions d’euros au financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale. « Les 14 000 apprentis du secteur public sont les grands oubliés de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les régions n’ayant plus de compétence pour aider les employeurs territoriaux. Nous demandons donc à l’État de s’engager massivement pour développer l’apprentissage dans les collectivités territoriales » a plaidé le co-rapporteur Loïc Hervé. Les sénateurs ont voulu étendre la possibilité de recours à des contractuels dans la fonction publique territoriale : à tous les types de congés, aux détachements de courte durée et à certaines disponibilités de courte durée ou encore au détachement pour l'accomplissement d'un stage ou d'une formation statutaire.

Encourager les agents publics à s’installer dans des zones enclavées

Au sujet de la reconnaissance des mérites des agents territoriaux, un amendement de la co-rapporteure Catherine Di Folco demande à ce que soient pris en compte les résultats du service, et pas uniquement les résultats individuels, pour le calcul du montant des primes. « Fixer des objectifs collectifs peut, en effet, constituer un levier managérial efficace, notamment pour des missions d’exécution ». De même, le régime indemnitaire des agents pourrait prendre en considération les spécificités territoriales, notamment pour encourager les agents publics à s’installer dans des zones enclavées.

Un meilleur accompagnement des agents handicapés

La commission des lois du Sénat s’est également appuyée sur les 28 propositions, d’une mission d’information, destinées à « donner un nouveau souffle » à l’embauche des personnes handicapées dans la fonction publique (voir notre article). Parmi lesquels : la possibilité pour les apprentis en situation de handicap d’intégrer la fonction publique à l’issue de leur contrat d’apprentissage, sous réserve de leur aptitude professionnelle, la mise en place d’un « droit à la portabilité » des aménagements de poste lorsqu’ils changent d’employeur ou encore l’expérimentation d’un nouveau modèle de financement du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).

« Du Fillon allégé » pour le groupe PS

« Ce texte n’attaque pas frontalement le statut de la fonction publique mais le contourne » a regretté Didier Marie sénateur socialiste de la commission des lois, qui fustige l’émergence d’une « fonction publique de mission et donc de contrats ». Sur Twitter, son collègue Jérôme Durain (PS) dénonce « l’affaiblissement des instances de dialogue social et une mise en concurrence des contractuels avec les titulaires » avant d’oser cette comparaison : « En somme, Macron sur les fonctionnaires c'est du Fillon allégé. Il y a moins de suppressions de postes mais le même goût désagréable d'affaiblissement du service public que le Fillon normal ».

Le groupe PS a d’ailleurs fait passer un amendement pour généraliser aux trois versants de la fonction publique la garantie selon laquelle un emploi public ne peut être réservé à un contractuel. Un autre applique aux agents contractuels l'exigence de casier judiciaire vierge à laquelle sont actuellement soumis les agents publics. Les sénateurs PS veulent, en outre, rendre obligatoire la pénalité financière dont devront s'acquitter les employeurs concernés par l'obligation mise en place des plans action pluriannuelle en matière d'égalité professionnelle femmes/hommes. Annick Billon, présidente centriste de la délégation aux droits des femmes a fait passer un amendement qui accordera aux salariées de la fonction publique de bénéficier d'une heure par jour, non rémunérée, sur leur temps de travail pour allaiter leur enfant ou tirer leur lait et ce pendant un an à compter de la naissance du bébé.

Le projet de loi sera examiné en séance publique à partir du 18 juin.

Dans la même thématique

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
6min

Politique

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe : « Il se pose en sauveur de sa propre majorité, mais aussi en sauveur de l’Europe »

Le chef de l'Etat a prononcé jeudi 25 avril à la Sorbonne un long discours pour appeler les 27 à bâtir une « Europe puissance ». À l’approche des élections européennes, son intervention apparait aussi comme une manière de dynamiser une campagne électorale dans laquelle la majorité présidentielle peine à percer. Interrogés par Public Sénat, les communicants Philippe Moreau-Chevrolet et Emilie Zapalski décryptent la stratégie du chef de l’Etat.

Le

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
11min

Politique

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe : on vous résume les principales annonces

Sept ans après une allocution au même endroit, le président de la République était de retour à La Sorbonne, où il a prononcé ce jeudi 25 avril, un discours long d’1h45 sur l’Europe. Se faisant le garant d’une « Europe puissance et prospérité », le chef de l’Etat a également alerté sur le « risque immense » que le vieux continent soit « fragilisé, voire relégué », au regard de la situation internationale, marquée notamment par la guerre en Ukraine et la politique commerciale agressive des Etats-Unis et de la Chine.

Le

Police Aux Frontieres controle sur Autoroute
5min

Politique

Immigration : la Défenseure des droits alerte sur le non-respect du droit des étrangers à la frontière franco-italienne

Après la Cour de Justice de l’Union européenne et le Conseil d’Etat, c’est au tour de la Défenseure des droits d’appeler le gouvernement à faire cesser « les procédures et pratiques » qui contreviennent au droit européen et au droit national lors du contrôle et l’interpellation des étrangers en situation irrégulière à la frontière franco-italienne.

Le

Objets
4min

Politique

Elections européennes : quelles sont les règles en matière de temps de parole ?

Alors que le président de la République prononce un discours sur l’Europe à La Sorbonne, cinq ans après celui prononcé au même endroit lors de la campagne présidentielle de 2017, les oppositions ont fait feu de tout bois, pour que le propos du chef de l’Etat soit décompté du temps de parole de la campagne de Renaissance. Mais au fait, quelles sont les règles qui régissent la campagne européenne, en la matière ?

Le