Réforme des retraites avant 2022 : un scénario « inapproprié » pour les sénateurs

Réforme des retraites avant 2022 : un scénario « inapproprié » pour les sénateurs

Selon Les Echos, un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans avant la présidentielle serait envisagé au sein du gouvernement. Une information tombée au lendemain d’une « rouste électorale » pour la majorité. Au Sénat, la rumeur agace fortement.
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Par Héléna Berkaoui

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Au lendemain du second tour des régionales et des départementales, Les Echos raconte les tensions au sein de l’exécutif pour faire passer la réforme des retraites avant la présidentielle. Les tenants d’une réforme coûte que coûte, pressent le Président de la République d’introduire un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans dans le prochain projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS). Parmi les pro réformes, on retrouve Bruno Le Maire qui, lors d’une audition sur la dette Covid au Sénat, appuyait sur la nécessité de maîtriser les dépenses publiques par des réformes structurelles, notamment celle des retraites.

« La Rem ose tout, c’est à ça qu’on la reconnaît »

Ballon d’essai ou réel projet, le scénario fait bondir les sénateurs. « La Rem ose tout, c’est à ça qu’on la reconnaît », lâche sans ambages le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner. « C’est une atteinte à l’ensemble des travailleurs français, sans qu’aucun effort ne soit demandé à ceux qui se sont enrichis pendant la crise », peste Patrick Kanner. Le sénateur du Nord s’agace d’autant plus que le sujet tombe au lendemain d’une « rouste électorale » pour la majorité présidentielle : « C’est non respectueux des résultats, un message a été envoyé hier y compris par l’abstention ».

« Malgré la crise, ils ne perdent pas de vue de mettre en place des réformes structurelles pour réduire la dépense publique. On passe du « quoiqu’il en coûte » à la facture qu’on nous présente », souffle le vice-président communiste de la commission des Finances. Éric Bocquet n’est en revanche pas très surpris, « ça fait quelques semaines qu’on prépare l’opinion sur le sujet ». Le sénateur communiste du Nord s’oppose forcément à un scénario qui mettrait de côté la question essentielle : « Quelle part de richesse est-on prêt à consacrer au financement des retraites qui reste un acquis de lutte sociale ? »

Réforme des retraites avant 2022 : un piège pour la droite

A droite, la question est plus délicate. Dans un entretien à Libération, le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Éric Woerth (LR), plaidait, lui aussi, pour augmenter rapidement l’âge de départ à la retraite « à 64 ans et plus tard à 65 ans ». Si cette interview date de début juin, le monsieur retraite de Nicolas Sarkozy assurait déjà qu’il soutiendrait un tel projet même s’il était porté par le gouvernement actuel.

Le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Jean-François Husson (LR), s’étrangle lui, à l’idée d’un tel scénario. « C’est un dossier important qui nécessite un débat au meilleur niveau. Ces petits calculs d’arrière-boutique ne sont pas à la hauteur des débats dont les Français ont besoin », réagit-il. Pour autant, il partage le constat du ministre de l’Économie cité plus haut, avec certes des termes plus tranchants : « On a un Etat obèse, on a besoin d’avoir une dépense publique maîtrisée et plus efficace ».

« La question de la réforme des retraites doit se poser dans le cadre du débat présidentiel », insiste Jean-François Husson, une position que partage également Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef. L’opposition de droite majoritaire au Sénat risquerait toutefois de se retrouver gênée aux entournures, si elle était amenée à voter contre l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite lors du PLFSS pour 2022. D’autant plus qu’elle vote chaque année pour l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite lors de l’examen du PLFSS.

« Au regard de ce qu’il vient de se passer, cette réforme serait à contretemps, inappropriée »

Tous taclent par ailleurs la déconnexion du président de la République et de l’exécutif. Le sénateur communiste, Éric Bocquet, craint même « une crise politique majeure à terme » si le président persiste à vouloir faire passer des réformes en force comme celle de l’Assurance-chômage, finalement retoquée par le Conseil de d’Etat. Un risque d’autant plus prégnant que la crise sociale et économique tend à se confirmer dans les prochains mois, notamment avec la fin des aides d’urgence. « Au regard de ce qu’il vient de se passer, cette réforme serait à contretemps, inappropriée. C’est non respectueux du résultat », enfonce Jean-François Husson.

Mais pour le président de la République, l’abstention et les mauvais scores de son parti ne sauraient être « un discrédit politique ». Interrogé par le magazine Elle sur l’abstention record des élections, Emmanuel Macron en garde une tout autre lecture : « La première explication, c’est le Covid-19. Ces élections sont arrivées à un moment où ce n’était pas le rythme du pays. […] Force est de constater que les gens n’avaient pas du tout la tête à cela ». Aussi, le porte-parole du gouvernement a annoncé que le président de la République s’exprimera sur « le cap des dix prochains mois dans le courant du mois de juillet ». L’occasion d’infirmer ou de confirmer le scénario sur la réforme des retraites.

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