Réforme des retraites : la droite sénatoriale veut réactiver le Fonds de réserve créé sous Lionel Jospin
Le rapporteur René-Paul Savary veut rendre au Fonds de réserve des retraites son mécanisme initial, celui d’un abondement continu par l’État, pour amortir les déséquilibres futurs du système, à travers de solides placements financiers. Le groupe LR au Sénat étudie la possibilité d’amendements au projet de loi de réforme des retraites.

Réforme des retraites : la droite sénatoriale veut réactiver le Fonds de réserve créé sous Lionel Jospin

Le rapporteur René-Paul Savary veut rendre au Fonds de réserve des retraites son mécanisme initial, celui d’un abondement continu par l’État, pour amortir les déséquilibres futurs du système, à travers de solides placements financiers. Le groupe LR au Sénat étudie la possibilité d’amendements au projet de loi de réforme des retraites.
Guillaume Jacquot

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Tous les aspects du système de retraite ne sont pas traités dans le projet de loi transmis par le gouvernement. Parmi les grands absents du texte, on pourrait par exemple citer le sort du Fonds de réserve des retraites (FRR). Créée en 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin, cette tirelire avait été constituée dans l’idée d’assurer la pérennité du système, en vue de l’arrivée massive en retraite des générations du baby-boom, dans les décennies 2020 et 2030. L’idée était simple : préparer les périodes difficiles lorsque l’économie se porte bien. Plusieurs sources de financement ont contribué aux provisions en vue de cette bosse démographique : des sommes issues de certaines privatisations, des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine ou encore des excédents de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

Ses provisions sont placées sur les marchés financiers, pour bénéficier de rendements élevés. Au moment de sa création, l’objectif était d’atteindre environ 150 milliards d’euros de réserves à l’horizon 2020. Mais la crise financière de 2008 et la réforme des retraites de 2010, sous Nicolas Sarkozy, sont venus contrarier les plans initiaux, étant donné le besoin de financement du régime général à l’époque. Le FRR a été détourné de son objectif initial. Depuis 2010, le Fonds n’est plus abondé et doit même reverser de l’argent pour éponger une partie de la dette sociale, et notamment les déficits de la branche vieillesse de la Sécurité sociale. Chaque année, le Fonds de réserve transfère 2,1 milliards d’euros à la Cades, la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

« Un signe de confiance pour les jeunes générations »

Au 31 décembre 2021, la valeur des actifs du Fonds de réserve des retraites représentant 26 milliards d’euros, contre 37 milliards en 2011, au moment de la réorientation de sa mission. Compte tenu des déficits à venir pour le régime des retraites, la somme restante serait insuffisante dans l’hypothèse où elle devrait être mobilisée.

À l’occasion de l’examen du projet de loi de réforme des retraites, la droite sénatoriale envisage d’amender le texte pour redynamiser de Fonds de réserve, en revenant à la philosophie initiale qui avait présidé à sa création. « Je suis de ceux qui disent qu’il pourrait retrouver sa vocation initiale. On a plein d’idées, elles sont encore au stade l’étude », indique René-Paul Savary, le rapporteur (LR) du projet de loi, interrogé par Public Sénat. Le monsieur retraites des Républicains au palais du Luxembourg y voit notamment le moyen d’envoyer un message aux plus jeunes générations. « Ce serait quand même bien qu’on adresse un signe de confiance pour les jeunes générations. » Le sénateur de la Marne commence à se pencher sur la meilleure manière de traduire son ambition. « On est contraint dans un texte législatif de type projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les marges de manœuvre sont parfois étroites. »

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Le FRR aurait pu être doté de 89 milliards d’euros en 2021, si ses objectifs n’avaient pas été modifiés

En juillet 2021, dans un rapport d’information corédigé avec la socialiste Monique Lubin, sur l’avenir des réserves des régimes de retraite, le sénateur appelait à « réaffirmer la vocation du Fonds de réserve pour les retraites à assurer l’équilibre financier de la branche vieillesse du régime général et lui affecter le produit de toute recette exceptionnelle qui pourrait être perçue par l’État ».

Le rapport sénatorial insistait notamment sur la « forte performance financière » des placements opérés par les gestionnaires du Fonds de réserve. Depuis 2004, sa performance moyenne annuelle est de 4 %. En 2021, sa performance, nette de frais, était de 6,95 %. Les deux rapporteurs ont surtout procédé en 2021 à plusieurs simulations, riches d’enseignement. Depuis 2011, si l’État avait continué d’abonder le Fonds, à raison de 1,5 milliard d’euros par an, et en l’absence de tout prélèvement, le FRR aurait été doté 89 milliards d’euros de réserves en 2021. Dans l’intervalle, le FRR a versé 21 milliards d’euros à la Cades, et 5 milliards d’euros à la Caisse nationale d’assurance vieillesse en 2020 (année marquée par un plongeon des cotisations sociales).

Et selon le FRR, les placements du Fonds de réserve ont rapporté depuis 2011 12,3 milliards d’euros de plus que ce qu’aurait rapporté un remboursement anticipé de la dette en termes d’économies d’intérêts. À l’époque, la faiblesse des taux d’intérêt invitait à « reconsidérer la pertinence » de l’affectation du Fonds de réserve au remboursement de la dette sociale, écrivaient les sénateurs. Lorsque le rapport sénatorial a été rédigé, les taux d’intérêt étaient néanmoins plus bas qu’à l’heure actuelle.

« Si on avait suivi les objectifs, on n’aurait pas de problème », insiste Jérôme Bascher

Membre du conseil de surveillance au Fonds de réserve des retraites, le sénateur Jérôme Bascher (LR) confirme également cette piste de travail au sein de la droite sénatoriale. « On est plutôt sur l’idée de conforter le Fonds de réserve des retraites plutôt que de le piller. Si on avait suivi les objectifs, on n’aurait pas de problème », s’exclame le sénateur de l’Oise, qui salue le modèle de cette « capitalisation publique, gérée sous le regard des partenaires sociaux ». « On a fait des dépenses courantes, plutôt que de remplir le bas de laine. On va essayer de remettre de l’ordre et d’arrêter de faire les choses à la petite semaine. »

Il existe également d’autres réserves, gérées par d’autres régimes de retraite, notamment celui de l’Agirc-Arrco (salariés du privé). En 2021, ses réserves s’élevaient à 86,5 milliards d’euros, un matelas de sécurité pour continuer à assurer le versement des pensions complémentaires à ses millions de pensionnés. Au total, selon le Conseil d’Orientation des retraites, la situation patrimoniale nette du système de retraite – tous régimes confondus – atteignait en 2021 163 milliards d’euros (en comprenant le FRR). Mais ces réserves ne sont pas fongibles entre elles. Pierre-Louis Bras, président du COR auditionné au Sénat le 14 février, était catégorique : « Ce n’est pas avec ces réserves qu’on peut régler par exemple le déficit à venir du régime général. »

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