Réforme des retraites : le déroulé précis de la commission mixte paritaire rendu public

Réforme des retraites : le déroulé précis de la commission mixte paritaire rendu public

Les débats de la commission mixte paritaire sur la réforme des retraites du 15 mars ont eu lieu à huis clos, comme toutes les réunions de ce genre. Racontée le jour même, de l’intérieur, par certains de ses participants, qui s’exprimaient sur les réseaux sociaux ou qui répondaient à la presse, elle est désormais accessible sous forme de compte rendu écrit.
Guillaume Jacquot

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Rarement dans l’histoire parlementaire une commission mixte paritaire n’avait autant fait parler d’elle. Sous des projecteurs inédits, la réunion de compromis entre députés et sénateurs sur la réforme des retraites, a très certainement frustré une partie du public qui aurait aimé suivre ce temps fort législatif. Comme toutes les autres avant elles, cette CMP s’est tenue à huis clos, un environnement jugé plus propice à la négociation et à l’émergence de compromis. Ce cadre strict n’a pas empêché les parlementaires qui y siégeaient, notamment la gauche, de relayer ce qu’il s’y passait sur les réseaux sociaux. Les deux courtes interruptions, au milieu de ce marathon de huit heures, ont aussi permis à la presse de rendre compte, en partie, des échanges en cours.

Le compte rendu de la commission mixte paritaire vient d’être publié. Très détaillé, il relate en 90 pages les interventions et les débats qui se sont succédé ce mercredi entre les murs la salle de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. À sa lecture, un constat s’impose. Les discussions n’ont pas atteint le niveau de tension observé lors de certaines séances houleuses à l’Assemblée nationale ou, dans une moindre mesure, au Sénat. Les échanges ont parfois été musclés.

Un exemple lorsque la commission étudie le cas du « CDI senior », introduit par la droite et le centre au Sénat. Conservée par la CMP, la mesure est cependant rabotée. Elle fera l’objet d’une expérimentation pour trois ans, et ne concernera que les chômeurs de longue durée. Quant aux exonérations de cotisation, censées faciliter le maintien dans l’emploi ou le recrutement, elles sont limitées à un an. Le député Charles de Courson (LIOT) estime que cette « bonne idée a été vidée de son contenu ». « Le coût estimé de la mesure y passe d’ailleurs à 100 millions d’euros à peine, contre 800 millions dans la version du Sénat », déplore-t-il.

« Je crois être quelqu’un de calme »

Pour y remédier, le député de la Marne propose que le gouvernement soit en mesure de fixer le taux de cotisation. La proposition de suppression de l’article est rejetée, provoquant l’adoption de l’article. La gauche s’étonne que l’amendement de Charles de Courson n’ait pas été examiné. Le principal intéressé aussi. « Je crois être quelqu’un de calme. J’ai défendu la version du Sénat, contre la suppression : il faut examiner ma proposition de réécriture, qui est sage », fait-il observer. « Nous examinons d’abord la proposition qui vous est faite par les rapporteurs ; si elle est mise aux voix et adoptée, votre proposition tombe », lui oppose la présidente Fadila Khattabi (Renaissance).

Nouvelle montée en température lorsque la CMP se présente aux portes de l’article 7, sur le recul de l’âge légal. La gauche réclame une interruption de séance après 13 heures, pour pouvoir étudier la proposition de réécriture de l’article. « Il ne serait pas du tout raisonnable de poursuivre sans nous laisser le temps de consulter le document que vous nous avez remis », fait valoir Mathilde Panot (LFI). « Nous sommes en train de marcher sur la tête ! Nous voudrions poursuivre nos discussions dans la sérénité », ajoute le député PS Arthur Delaporte. Les députés insistent et finissent par obtenir une pause de vingt minutes.

« Est-ce un retour vers le futur ? »

Le sort des amendements adoptés au Sénat pour assurer un nombre minimum de trimestres aux mères au titre de l’éducation d’un enfant a également été un moment fort de la CMP (relire notre article). « Je comprends la refonte globale des droits familiaux souhaitée par le rapporteur du Sénat, mais il n’est pas envisageable que la commission mixte paritaire débouche sur un texte moins-disant en matière de droits des mères, insiste alors Olivier Marleix, le patron des députés LR. Dans une sorte de mise en abîme, le rapporteur René-Paul Savary, sénateur LR, déclare au terme du débat, après le sauvetage de deux amendements : « On me dit qu’il est déjà trompeté sur les réseaux sociaux que les groupes de la NUPES auraient « arraché » à la commission mixte paritaire une mesure favorable aux femmes. Je veux bien que l’on s’approprie les choses ainsi mais, en réalité, nous essayons tous d’apporter une valeur ajoutée à ce texte ô combien difficile. »

Si les échanges se déroulent à huis clos, la salle n’est décidément pas totalement coupée du monde. La publication prématurée d’un communiqué de presse des Républicains saluant l’adoption d’un compromis global à la CMP est même mentionnée dans le compte rendu. « Un communiqué de presse du groupe Les Républicains se félicite du fait que la commission mixte paritaire soit conclusive, « avec trois avancées majeures » ! Ai-je manqué un vote ? Est-ce un retour vers le futur ? », demande Arthur Delaporte (PS).

Rétrospectivement, certaines déclarations de la CMP prennent une autre dimension. « Être dans l’opposition n’interdit pas de saisir une rare occasion de redressement de notre pays, ce qui demande de faire preuve de courage et non de démagogie », a insisté Olivier Marleix. Or, les oppositions d’une partie importante dans le groupe LR à l’Assemblée nationale ont sans doute grandement dissuadé le gouvernement d’aller au vote sur la réforme des retraites.

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