Réforme des retraites : les grands ratés des dispositifs pour l’emploi des seniors

Réforme des retraites : les grands ratés des dispositifs pour l’emploi des seniors

Améliorer le maintien des seniors dans les entreprises : d’autres majorités ont déjà tenté plusieurs remèdes, sans succès. Le gouvernement actuel va désormais trouver de nouvelles pistes pour lutter contre l’éviction des plus de 55 ans du marché du travail.
Guillaume Jacquot

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« Il est temps que les employeurs prennent en main ce sujet », poussait Élisabeth Borne le 10 janvier, jour de la présentation de la réforme des retraites. Le sujet en question, c’est la place des seniors dans les entreprises. Cet élément n’est pas vraiment un détail pour une réforme dont le but poursuivi est de reculer l’âge légal de départ et d’améliorer les perspectives financières du système de retraites. Car comment allonger la durée d’une vie professionnelle quand retrouver un travail représente un casse-tête pour une partie importante des seniors ?

Selon la Dares, en 2021, seulement 56 % des 50-64 ans avaient un emploi (et même 35,5 % les 60-64 ans). Ce taux d’emploi des seniors en France est largement inférieur à ce qui existe dans d’autres économies développées : il est de 61,3 % en moyenne dans l’OCDE et de 64,5 % dans les pays du G7. En Allemagne, il frôle même les 72 %.

En 2019, un rapport sénatorial de René-Paul Savary (LR) et Monique Lubin (PS) s’était penché sur le « défi des fins de carrière ». Les deux sénateurs avaient mis en évidence un « marché du travail plus dur pour les travailleurs les plus âgés », avec une prévalence du chômage de longue durée plus importante chez les plus de 50 ans que dans la moyenne des demandeurs d’emploi. La faute à une multitude de freins.

L’échec des contrats de génération

Ces dernières années, des dispositifs visant spécifiquement les séniors ont tenté de renverser la vapeur. Ils sont globalement apparus comme étant peu efficaces. L’un des échecs les plus retentissants reste les contrats de génération, instaurés sous le François Hollande en 2013. Au nom d’une solidarité des générations, l’idée était de faire d’une pierre deux coups, pour répondre aux problèmes d’emploi de deux publics. Les entreprises et les groupes de moins de 300 salariés pouvaient bénéficier d’une aide pour l’embauche d’un jeune de moins de 26 ans, couplée au maintien d’un salarié de plus de 57 ans.

La Cour des comptes a documenté le fiasco de ces contrats en 2016. Fin 2015, seulement 40 300 contrats de génération ont été signés, soit cinq fois moins que ce qui était espéré à cette date. Ces chiffres bas s’expliqueraient, selon les sages de la rue Cambon par l’illisibilité du dispositif mais aussi l’exclusion d’un grand nombre d’entreprises. En septembre 2017, il a été abrogé par ordonnance.

Enterrement de la taxation des licenciements

Au rang des idées abandonnées figure aussi la contribution Delalande, qui était en vigueur de 1987 et 2008. Il s’agissait d’une taxation des licenciements des salariés de plus de 50 ans, équivalant à trois mois de salaires brut, versée à l’Assurance chômage. Dans un article publié en 2004, l’Insee a souligné qu’une telle mesure n’avait eu aucun effet probant sur le nombre de licenciements. Pire, l’institut statistique n’a pas exclu des effets pervers. Des critiques reprises dans le rapport sénatorial Savary-Lubin de 2019. Les deux parlementaires sont aussi arrivés au constat qu’une telle mesure risquait d’avoir un « effet pervers et stigmatisant en faisant apparaître les seniors comme des salariés à risque ».

D’autres leviers, toujours en place, rencontrent un succès « limité », selon le rapport sénatorial. Ainsi, les entreprises peuvent bénéficier d’une aide, mais aussi d’exonérations sociales s’ils signent un contrat de professionnalisation avec des demandeurs d’emploi de plus de 45 ans. « Le dispositif peine à décoller », regrettaient les sénateurs, en s’appuyant sur une étude de la Dares de mars 2018. Le nombre de contrats en question est passé de 2 600 en 2012 à 3 000 en 2016.

Autre dispositif manifestement peu connu : le « CDD sénior ». Créé en 2006, il vise à faciliter le retour à l’emploi des seniors et à leur permettre d’acquérir des droits supplémentaires en vue de la liquidation de leur retraite. Dans ce cas précis, il n’est pas question d’aides ou d’allègements de cotisations, simplement de dérogations au droit commun des contrats à durée déterminée, notamment en matière de motifs de recours ou encore de délai de carence. En effet, si sa durée maximale est de 18 mois, il peut toutefois être renouvelé une fois pour la même durée. Dans leur rapport, René-Paul Savary et Monique Lubin ont noté un « faible recours » à ce type de CDD.

Par ailleurs, les contrats aidés ont été recentrés sur d’autres publics. Les seniors ne font plus partie des publics prioritaires des parcours emploi compétences, au cœur de la politique de contrats aidés. Une circulaire du 31 janvier 2019 mentionne seulement les personnes handicapées, les jeunes et personnes résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville comme publics devant faire l’objet d’une attention particulière.

En 2023, un index pour l’emploi des seniors ?

Que faut-il désormais essayer ? Dans sa réforme, pour améliorer le taux d’emploi des seniors, le gouvernement veut combiner plusieurs idées. L’une des orientations est de faciliter la retraite progressive, dispositif combinant temps partiel et pension partielle. Le gouvernement veut surtout créer un « index senior ». Le principe est de « faire la transparence dans les entreprises et pour replacer la gestion des âges au cœur du dialogue social » et de jouer sur la « réputation » des entreprises.

Une obligation de publication des résultats s’appliquera aux entreprises de plus de 300 salariés à partir de 2024. Elle s’appliquera dès 2023 pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Les entreprises qui ne publieraient pas leurs indicateurs pourraient s’exposer à une sanction financière pouvant aller jusqu’à 1 % de leur masse salariale. « Si elles publient l’index, mais qu’il est pourri, qu’il n’est pas bon, qu’il n’y a pas suffisamment de seniors dans l’entreprise, qu’est-ce qu’il se passe ? Ça, ça doit faire l’objet de discussions et d’échanges approfondis », a répondu ce 18 janvier Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement.

Comme le rappelle le Sénat, la loi du 1er mars 2013 (celle qui a donné naissance aux contrats de génération) exigeait déjà de la part des entreprises de plus de 50 salariés des plans d’actions en faveur notamment de l’emploi des seniors, sous peine de sanctions.

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