Elections régionales et départementales : le taux d’abstention pourrait avoisiner les 60 %, selon Viavoice

Elections régionales et départementales : le taux d’abstention pourrait avoisiner les 60 %, selon Viavoice

L’abstention attendue pourrait battre des records pour les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin prochains. L’érosion du débat public et les difficultés à exposer les enjeux du scrutin sont notamment en cause, selon les sénateurs.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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Les scrutins se suivent et, parfois, se ressemblent sur une donnée au moins : la hausse constante de l’abstention. Le renforcement du Rassemblement national va souvent de pair. Les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin prochains ne devraient pas déroger à la règle. « L’ensemble des études d’opinion réalisées depuis plusieurs semaines nous enjoint à anticiper un taux d’abstention assez massif qui avoisinerait les 60 %, 20 points de plus qu’en 2015 », affirme ainsi Stewart Chau, consultant en stratégie d’opinion à l’institut d’études et de conseil Viavoice.

« Il y a la période sanitaire, une campagne complexe, mais ce n’est pas la seule raison », reconnaît d’entrée de jeu le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard. Les deux dernières élections départementales et régionales avaient d’ailleurs, elles aussi, été frappées par une forte abstention : entre 50 et 56 % au second tour. Pour noircir encore le tableau, il faut rappeler qu’au second tour des municipales en juin 2020, le taux d’abstention avait atteint 58,4 % - un record ! - avec, certes, des circonstances sanitaires extraordinaires.

Les restrictions sanitaires ont par ailleurs franchement contraint la campagne des candidats dans un paysage médiatique saturé par l’épidémie et d’autres sujets bien éloignés de ces scrutins locaux. L’abstention n’est pas nouvelle mais les facteurs qui la déterminent se multiplient : l’illisibilité des lignes politiques de partis en décomposition, l’illisibilité aussi d’un scrutin dont les enjeux restent peu connus et une défiance toujours plus marquée. La nationalisation des régionales – dont la carte a été redessinée en 2013 - brouille aussi les cartes, pas moins de 15 ministres de l’exécutif sont candidats.

Régionales : l’omniprésence des thèmes sécuritaires

Les sénateurs de gauche dénoncent une atmosphère qu’ils jugent nauséabonde et entretenue par la droite et l’extrême-droite. Un climat qui ne laisse pas de place aux débats pourtant centraux sur les enjeux du scrutin : la mobilité, l’éducation, l’action sociale. Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère, s’en prend au président sortant de la région Auvergne-Rhône-Alpes : « Il y a une vraie responsabilité de Laurent Wauquiez qui porte la question de la sécurité comme unique thème. C’est tromper l’électeur ! S’il y a une insécurité, elle est sociale, on a des étudiants qui ne parviennent pas à se nourrir », peste l’écologiste.

L’omniprésence des thèmes sécuritaires irrite, en effet, puisqu’ils ne relèvent qu’à la marge des compétences des Régions. « La sécurité ne peut être évoquée que pour les transports et les lycées, le reste c’est du pipeau ! », veut recadrer le chef du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, qui ne loupe pas, lui non plus, l’occasion de taper au passage sur son opposant dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand, dénonçant « le suçage de roue du FN ».

A droite, la stratégie est défendue tant bien que mal. « Il faut être attentif à ce que nos concitoyens attendent de nous. La sécurité passe aussi par l’éducation et le social, ce n’est pas abusif de parler de ça », soutient le sénateur de la Manche, Philippe Bas. Au centre, Hervé Marseille balaye les discours moralistes du banc d’en face : « Pourquoi la gauche est aussi basse ? Faut se poser la question, c’est quand même les Français qui votent ».

Pas question donc pour le président du groupe UC (union centriste) d’éluder le sujet de la sécurité, même si certains politologues affirment que cela ne fera que nourrir le Rassemblement national. « Si on avait parlé plus tôt de sécurité, on n’en serait pas là », rétorque Hervé Marseille pour qui « le RN est un thermomètre », pas une boussole.

L’érosion du débat public en toile de fond des élections

Un constat rassemble néanmoins les sénateurs, celui du délitement du débat public et d’une violence de plus en plus palpable. « Il y a un exécutif tout puissant qui gouverne par Twitter et par communiqué. Il n’y a plus de débat public, plus de grand débat démocratique », pointe d’abord Hervé Marseille (UC) accusant le Président d’avoir organisé un face-à-face entre lui et la rue : « On nous dit autour d’une visite présidentielle qu’on va relancer la réforme des retraites ou que l’on va durcir les conditions d’accueil des migrants. Tous les jours, il y a des annonces et pas de débats ».

« La classe politique doit aussi s’interroger sur le niveau du débat politique. Le spectacle que nous donnons parfois est un spectacle qui dissuade », affirme, de son côté, le sénateur PS, Patrick Kanner. D’autres facteurs sont en cause aggravant la polarisation du débat, selon lui, comme les réseaux sociaux ou les chaînes d’information.

Pour le politologue et spécialiste des collectivités locales, Olivier Rouquan : « Le couple réseaux sociaux et chaînes d’information est la cause, mais aussi la conséquence de l’érosion du débat public. Tout ce qui structure le jeu politique s’effondre : les idéologies, les partis ». Il faut toutefois se méfier, selon lui, de l’effet loupe grossissante de ces médias cacophoniques. « La campagne se mène aussi sur le terrain, dans la presse quotidienne régionale ou sur les chaînes régionales ». A titre d’exemple, Cnews récoltait 1,8 % d’audience en avril 2021, quand France 3 et ses journaux télévisés régionaux, culminaient à 8,8 % d’audience.

Olivier Rouquan se veut prudent mais observe néanmoins que « la désorganisation des partis permet au RN de donner une image de cohérence, de force. Les intentions de vote qui lui sont prêtées se distinguent par une forte certitude de vote », indique-t-il. Pour ce qui concerne l’abstention, le politologue n’exclut pas des bonds de participation ici ou là, mais il estime que « la conjoncture particulière joue sur l’état d’esprit des Français qui ne sont déjà pas passionnés par les débats régionaux et départementaux ».

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