Le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures relatives à l’école, la famille et les réseaux sociaux dans le cadre d’un discours où il a demandé un « sursaut d’autorité ». Si le diagnostic sur la violence des jeunes est partagé par les sénateurs de tous bords, ils veulent maintenant savoir comment cela se traduira concrètement.
Régulation en ligne : le projet de loi de lutte contre les séparatismes « va devenir un vrai fourre-tout », regrette le sénateur Frassa
Par Public Sénat
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Un conseil de défense a été réuni ce 23 octobre à l’Élysée, le deuxième depuis la décapitation de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine. Aux côtés des ministres de la Justice, Éric Dupond-Moretti, et de celui de l’Intérieur Gérald Darmanin, le Premier ministre Castex a annoncé de nouvelles mesures pour contrôler les contenus en ligne, alors que certaines plateformes ont servi à diffuser des messages visant le professeur d’histoire-géographie dans la semaine qui a précédé son assassinat.
« La surveillance des réseaux sociaux et la lutte contre la haine en ligne seront intensifiées », a promis le chef du gouvernement. Il a notamment annoncé qu’il sera bientôt possible « de sanctionner ceux qui mettent en ligne des informations personnelles mettant en danger la vie d'autrui comme par exemple un professeur ». Les contours de ce délit avaient d’ailleurs été esquissés la veille par Gérald Darmanin, au cours d’une audition au Sénat.
« On perd l’idée de départ : renforcer la laïcité »
Cette disposition viendra renforcer le futur projet de loi contre les séparatismes, que le gouvernement présentera en Conseil des ministres le 9 décembre. L’ancien rapporteur de la proposition de loi de la députée LREM Laetia Avia, lors de son examen au Sénat, Christophe-André Frassa affirme qu’il se montrera attentif à la manière dont sera rédigé cet article. Le sénateur n’a pas oublié dans quelles proportions la loi Avia avait été « dézinguée » au Conseil constitutionnel. « Sortir du chapeau quelque chose dans l’urgence ou sous le coup de l’émotion : je verrai comment on rédige la chose », s’inquiète le sénateur représentant les Français de l’étranger.
Après avoir alerté sur les fragilités juridiques de la loi Avia, le parlementaire n’apprécie pas non plus que la loi sur les séparatismes serve de véhicule législatif à la nouvelle proposition de l’exécutif. « Ça devient un vrai fourre-tout ce texte. On perd l’idée de départ : renforcer la laïcité. »
Le renforcement de Pharos aurait dû intervenir plus tôt, pour le sénateur Christophe-André Frassa
Christophe-André Frassa réclame de « l’efficacité ». À ce titre, le renforcement des effectifs de Pharos (Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements), ce service créé en 2009 qui permet d’alerter les forces de l’ordre sur la présence de contenus illicites, lui semble bienvenue. La plateforme comptait moins d’une trentaine d’agents spécialisés en 2018. « Ça c’est évident, cela tombe sous le sens. Ce serait la moindre des choses que de leur donner les moyens humains que de remplir leur mission », approuve le sénateur LR. La décision a beau être bonne, celle-ci aurait dû être annoncée bien plus tôt, selon lui. « J’espère que personne ne s’est fait mal à l’épaule en enfonçant cette porte ouverte. »
La réponse pénale après ces signalements sera aussi renforcée, d’après les déclarations de Jean Castex. Le Premier ministre a annoncé la création d’un pôle spécialisé au parquet de Paris « pour centraliser les poursuites et donc en améliorer l’efficacité ». Le gouvernement entend également agir l’échelon européen. Le chef du gouvernement doit rencontrer la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, à Bruxelles. La majorité présidentielle compte sur un texte européen, le Digital Services Act, pour progresser sur les contraintes pesant sur les plateformes. Un aspect que là aussi salue le sénateur Frassa. « Une réponse de l’ensemble des pays de l’Union européenne aura plus de poids sur les plateformes que la France avec ses petits bras musclés (…) Le numérique c’est global, la réponse doit être globale et pas locale », insiste le sénateur, qui estime que le gouvernement n’aura pas droit à l’erreur. « Ce qu’on ne veut pas cette fois, c’est que le gouvernement prenne une cible et tire à côté. »